1808 : L’affaire espagnole jusqu’au « Dos de Mayo »

Période : Directoire-Consulat-Ier Empire/Directory-Consulate-1st Empire
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Situation fin 1807

Progressivement, la volonté de Napoléon de s'approprier l'Espagne se fait plus nette. A la fin 1807, n'avait-il pas écrit à Junot qu'aucune forteresse ne devait tomber dans les mains espagnoles. Ce qui était clairement indiqué dans le traité de Fontainebleau du 29 octobre 1807 n'est donc guère respecté.

Janvier 1808

– Début janvier 1808, ce sont 30 000 hommes sous les ordres de Moncey qui s'avancent. Ils quittent Bayonne, traversent les Pyrénées avant d'occuper tous les chefs-lieux de Gascogne et de Navarre. 

– Napoléon a aussi pour intention de mettre la flotte espagnole de l'imprenable port de Cadix sous son contrôle. Le 27 janvier 1808, Napoléon écrit au ministre des relations extérieures : « Monsieur de Champagny, envoyez un courrier extraordinaire en Espagne pour porter l'ordre au sieur Beauharnais [ambassadeur français en Espagne] de demander que le vaisseau de 120 canons le Prince des Asturies [commandé par l'amiral Gravina lors de la bataille de Trafalgar où il a subi de larges dégâts] et le vaisseau le Montañez [74 canons, commandé par Josef Salcedo à Trafalgar, durant laquelle il n'a été que faiblement endommagé] me soient cédés, et qu'en place je céderai le vaisseau l'Atlas [74 canons] qui est à Vigo de sorte que j'ai à Cadix huit vaisseaux en comprenant ces deux vaisseaux et le San Justo [74 canons, autre rescapé de Trafalgar, commandé à l'époque par Miguel Gaston] que le roi d'Espagne a mis à ma disposition ; faites également demander que des mesures efficaces soient prises pour faire croiser à Cadix quatre vaisseaux espagnols pour être prêts à se joindre à mon escadre et la porter à douze vaisseaux… » (Direction des archives du ministère des affaires étrangères (cote : 1780), inédit) Il ajoute dans une seconde lettre le lendemain : « Il est nécessaire que des ordres soient donnés par la cour d'Espagne pour qu'une division de 15 000 hommes, qui est à Perpignan, soit reçue à Barcelone, pour de là, se rendre à Cadix » (Correspondance n°13495).

Février 1808

Pour Napoléon, qui a déployé plusieurs corps d'armée sur la Péninsule ibérique en justifiant de la nécessité d'assurer la sécurité des lignes de communication avec le Portugal, il est temps de mieux coordonner ses actions. D'autant que l'Espagne commence à montrer quelques signes de méfiance à l'égard de ces déploiements. Pour ce faire, l'Empereur a besoin d'un homme de confiance et de terrain. Il choisit Murat qu'il nomme, au soir du 20 février 1808, son lieutenant-général en Espagne. Ce dernier est prévenu simplement pas missive : « je vous ai nommé mon lieutenant auprès de mon armée en Espagne » (Correspondance n° 13588). En cette qualité, Murat doit superviser le 2e corps de la Gironde (Moncey), la division des Pyrénées occidentales (Merle), la division des Pyrénées orientales (Duhesme), le détachement de la garde à pied et à cheval (Lepic)…
Discipliné, Murat quitte Paris dans la nuit du 20 au 21 février 1808 et arrivera à Bayonne quatre jours plus tard accompagné d'Exelmans.

Mars 1808

Napoléon partira-il en Espagne ?
Le 7 mars 1808, Napoléon écrit au général Junot : « Je serai probablement le 20 mars à Burgos » (au nord de l'Espagne) (Correspondance n°13627, 7 mars 1808). « Les Parisiens ne voient pas avec plaisir les préparatifs du départ de Sa Majesté. On ne craint pas les armées espagnoles, mais on connaît l'esprit fanatique des moines d'Espagne, et le départ de l'Empereur laissera dans la capitale une véritable inquiétude. » (Bulletin du ministère de la police générale du 9 mars 1808)
Napoléon ne part finalement pas en Espagne. Il ne s'y rend en fait qu'en novembre 1808 et y reste jusqu'au début de janvier 1809. Il fit son entrée à Madrid dans les premiers jours de décembre 1808.

– Mars 1808. Murat, fraîchement nommé lieutenant-général de l'Empereur en Espagne (20 février 1808) est en route pour Madrid. Pendant ce temps, la cour d'Espagne décide de fuir vers l'Andalousie. Le 18 mars éclatent des émeutes populaires à Aranjuez, aussi appelées « Révolution de mars », fomentées par des nobles acquis à la cause du prince héritier Ferdinand. Sous la pression, Charles IV abdique en faveur de son fils qui devient Ferdinand VII.

Le 23 mars, Murat entre dans Madrid avec son état-major. Napoléon lui transmet ses consignes le 23 : « Je suppose que vous êtes arrivé aujourd'hui ou que vous arriverez demain à Madrid. Vous tiendrez là une bonne discipline. Si la cour est à Aranjuez, vous l'y laisserez tranquille et vous lui montrerez de bons sentiments d'amitié ; si elle s'est retirée à Séville, vous l'y laisserez également tranquille.» (Correspondance n°13675). En arrivant à Madrid, Murat compte faire place nette et obtenir la couronne d'Espagne, mais le 24, Ferdinand VII fait une entrée triomphale à Madrid…

Avril 1808

– Ayant avancé ses affaires sur la Péninsule italienne (ultimatum au pape Pie VII, voir Lettre précédente), Napoléon se concentre de nouveau sur l'Espagne. Il part ainsi le 2 avril 1808 pour Bayonne.
Alors que les troupes françaises sont présentes depuis plusieurs mois sur la Péninsule ibérique, la véritable question qui se pose alors en avril 1808 est quel souverain faut-il soutenir ? Ferdinand, prince des Asturies, fils du roi déchu Charles IV, ou bien un candidat français ?
Les politiques espagnoles savent qu'une candidature française n'est pas à exclure. Le Prince de la Paix et ministre, Godoy et, bien sûr, Charles IV sont mis au courant d'une rencontre secrète en date du 24 février 1808 (entre Talleyrand, Duroc et le diplomate espagnol Izquierdo) évoquant l'abandon de l'Espagne à Napoléon en échange du Portugal.
Napoléon est depuis longtemps peu favorable à Godoy. Placé sous étroite surveillance, Godoy doit de même faire face à l'animosité de l'ambassadeur de France François de Beauharnais, favorable au Prince des Asturies et qui colporte à la Cour des Tuileries une mauvaise image du ministre espagnol.
« Depuis longtemps, le Prince de la Paix gouvernant l'Espagne en détruisant cette monarchie, il cherchait à jeter l'héritier du trône dans la disgrâce de son père et lui attirer le mépris du peuple qui le chérit » (Beauharnais : le 23 novembre 1807, AN, 251 AP4, cité par T. Lentz, Nouvelle Histoire du Premier Empire, tome 1, Fayard).
Charles IV de son côté ne manque pas d'accuser l'Empereur de vouloir les renverser. Napoléon réagit en annonçant prendre Ferdinand sous sa protection, mais le projet français semble bien décidé. Les troupes françaises sont bien présentes.
C'est ainsi que Napoléon envoie sur place le 20 février 1808, Murat, nommé lieutenant-général en Espagne. Au même moment, des émeutes populaires, soutenant Ferdinand, éclatent aboutissant à la destitution de Godoy et à l'abdication de Charles IV, prêt à s'enfuir.
Murat, présent à Madrid, invite l'ex-roi à revenir sur son abdication et à laisser Napoléon jouer les arbitres. Il accepte et s'en remet à l'Empereur.
Napoléon invite ainsi Charles IV et Ferdinand à le rencontrer le 2 avril 1808. Ferdinand accepte de le rencontrer à Burgos où il arrive le 10 avril. S'il n'y trouve pas Napoléon, alors à Bayonne pour une inspection du Midi, il est face à Bessières, stationné avec 23 000 hommes. Ferdinand poursuit vers Vitoria. Mais face à l'omniprésence française refuse d'aller plus loin.
 
– La souricière de Bayonne
Courant avril 1808 Napoléon convoque à Bayonne le roi Charles IV d'Espagne et son fils Ferdinand Napoléon a pour dessein de les faire renoncer à la couronne d'Espagne. Ferdinand est le premier à venir au-devant de Napoléon dont il espère alors une reconnaissance. Manuel Godoy le rejoint quelques jours plus tard. Charles IV et sa femme arrivent à leur tour à Bayonne le 30 avril, espérant eux aussi de Napoléon un appui. Isolés, loin des leurs, au milieu d'une multitude de soldats, les souverains espagnols n'ont guère les moyens de s'opposer aux volontés impériales. Charles IV accepte de renoncer à une couronne dont il s'est déjà défait et de partir en exil. Il résidera ainsi successivement à Fontainebleau, Compiègne, Marseille et après 1811 à Rome. Ferdinand VII hésite plus longtemps à abandonner un pouvoir dont il a si peu joui, mais y consent lui aussi. Après Paris et Naples, la dynastie des Bourbons doit céder Madrid aux Napoléon.

Mai 1808 : "Dos de Mayo"

Le 2 mai s'insurgent les Madrilènes qui veulent éviter que le reste de la famille royale ne quitte la ville .Ce sont les émeutes du « Dos de mayo ». Murat réprime dans le sang. C'est le début de la lutte des Espagnols pour leur indépendance… 

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