Napoléon visitant le champ de bataille d’Eylau, 9 février 1807

Artiste(s) : GROS Antoine-Jean (Baron)
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Napoléon visitant le champ de bataille d’Eylau, 9 février 1807
Napoléon Ier sur le champ de bataille d'Eylau (9 février 1807), par Antoine-Jean Gros (musée du Louvre)
© RMN-Grand Palais / Daniel Arnaudet

Présentation succincte

La bataille d’Eylau du 8 février 1807, tragique, sanglante, dont les pertes humaines furent considérables – près de 50 000 morts et blessés – fut, comme Marengo en son temps, le sujet d’une importante campagne de propagande. Tout en affirmant la victoire des troupes napoléoniennes, il s’agissait d’orienter la perception que les Français pouvaient avoir de l’événement et de contrôler par là même l’opinion publique. Bulletins de la Grande Armée, articles et récits publiés dans la presse, communiqués officiels, rédaction d’une Relation de la bataille, conjointement édités à Paris et à Berlin, furent relayés par un concours public pour la commande d’un tableau mettant en scène Napoléon sur le champ de bataille le lendemain des combats, dirigeant les soins et les secours apportés aux blessés. L’annonce contenant le programme iconographique en fut rédigée par Vivant Denon un mois après la bataille, le 7 mars 1807, et publiée dans les journaux le 2 avril suivant. Les esquisses des 26 artistes qui concoururent furent exposées dans la galerie d’Apollon au musée Napoléon. Gros fut choisi le 13 juin et son tableau, présenté au salon de 1808, lui valut la Légion d’honneur.

Vivant Denon avait donné une description précise de la topographie, des personnages en présence et de leurs costumes, description parfaitement respectée par Gros. Sous un jour lugubre obscurci par la noire fumée des incendies, entouré de Berthier, Bessières et Caulaincourt à gauche, de Soult, Davout et Murat à droite, Napoléon traverse un champ de bataille enneigé où gisent cadavres et blessés. Leur entassement au premier plan est particulièrement saisissant, vision faite pour « inspirer aux princes l’amour de la paix et l’horreur de la guerre » ainsi que le décrivait le 64e bulletin de la Grande Armée.
Le portrait équestre du chef de guerre, classique représentation depuis l’Antiquité, se double d’une interprétation christique. Visage blême, regard levé au ciel témoignant d´une profonde affliction, main tendue, Napoléon semble accomplir un geste de bénédiction. Face à la sombre silhouette de Murat, inquiétante personnification du guerrier sur son cheval cabré, l’Empereur incarne une figure toute d’humanité et de compassion dont la bienveillance s’adresse particulièrement aux soldats ennemis. « Le regard consolateur du grand homme semblait adoucir les horreurs de la mort et répandre un jour plus doux sur cette scène de carnage » avait précisé Vivant Denon. L’artiste a parfaitement répondu au programme iconographique en détaillant les réactions des Russes qui, devant tant de magnanimité, expriment admiration, dévouement, presque dévotion ! Mais au-delà de la propagande, c’est ici l’envers de la victoire qui, pour la première fois, est dépeint dans sa cruelle réalité.

Karine Huguenaud, janvier 2007 – Mise à jour : mai 2023

► Télécharger le tableau et des détails depuis le site Art RMN-GP ou Histoire par l’image

Présentation approfondie

Lire l’article d’Irène Perret, « Réception critique de « Napoléon sur le champ de bataille d’Eylau » d’Antoine-Jean Gros sous le Premier Empire« , paru dans notre revue Napoleonica.La Revue :

La bataille d’Eylau, livrée le 8 février 1807, fut l’objet quelques mois après d’un concours d’esquisses, exposées au Louvre. Antoine-Jean Gros qui remporta ce concours, réalisa un vaste tableau intitulé Napoléon sur le champ de Bataille d’Eylau, qu’il présenta au Salon de 1808. Puis le tableau fut exposé en août 1810 au Musée Napoléon lors de l’exposition réunissant les meilleures productions françaises réalisées depuis dix ans en peinture, sculpture, architecture et gravure concourant pour les Prix Décennaux. Tant en 1807, qu’au Salon de 1808, puis en 1810, nombreux sont les comptes rendus, parus dans la presse et dans plusieurs brochures, de l’esquisse d’Antoine-Jean Gros et de son tableau final. La critique d’art offre un riche témoignage de l’accueil réservé au tableau de Gros par ses contemporains depuis la présentation au public de son esquisse jusqu’à celle de son tableau achevé lors de deux autres manifestations artistiques majeures. Cet article, se concentrant sur la réception critique de ce chef-d’œuvre de propagande napoléonienne, offre divers commentaires de cette œuvre marquante de Gros, et permet de comprendre ce que les critiques d’art de l’époque ont apprécié ou ce qui a déplu.

En complément

consultez le dossier thématique « Vivre et mourir dans la Grande Armée » (2023)

Date :
1808
Technique :
huile sur toile
Dimensions :
H = 5,21 m, L = 7,84 m
Lieux de conservation :
Paris, musée du Louvre
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