Rue de Rivoli – Paris

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Rue de Rivoli – Paris
© Fondation Napoléon

L'idée de réunir l'est et l'ouest de Paris par une voie triomphale vit le jour sous l'Ancien Régime sans être jamais réalisée. L'absence d'un grand axe de communication entre la place de la Concorde et le Louvre s'était fait cruellement ressentir lors des émeutes révolutionnaires autour des Tuileries et le jeune Bonaparte lui-même, chargé de la répression d'une révolte royaliste le 13 vendémiaire an VI à l'église Saint-Roch rue Saint-Honoré, avait été confronté au problème. S'inspirant d'un projet révolutionnaire de 1793, Napoléon, devenu Premier Consul, fit édicter le 17 vendémiaire an X (9 octobre 1801) un décret ordonnant une série de percements entre le jardin des Tuileries, la place Vendôme, la rue Saint-Honoré et la rue Saint-Florentin, sur les jardins des couvents de l'Assomption, des Capucines et des Feuillants.

La nouvelle rue ainsi tracée prit le nom de Rivoli en souvenir de la plus célèbre bataille de la Première campagne d'Italie. Elle permit également d'ouvrir deux voies perpendiculaires, les rues de Castiglione et des Pyramides.
 
Les démolitions et leur cortège d'expropriations commencèrent en 1802 et, dès 1803, la rue de Rivoli s'étendait de la place de la Concorde à l'actuelle rue de l'Echelle, longeant le jardin, le palais des Tuileries et le Louvre. En 1804, pour le Sacre, elle était même pavée. Les architectes Percier et Fontaine furent chargés de dessiner des bâtiments répondant avec harmonie aux édifices leur faisant face. Ils optèrent pour une ordonnance réguliere de façades dont l'originalité fut de s'appuyer sur des arcades permettant le passage et la promenade des parisiens. Sous le Directoire et pour la première fois depuis la place des Vosges, la rue des Colonnes dans le 2e arrondissement avait réutilisé modestement cette forme architecturale. Rue de Rivoli, les dimensions données à l'ensemble imposèrent immédiatement un sentiment d'élégance sévère, une rigueur grandiose caractéristique du néo-classicisme de cette époque. Tous les bâtiments furent soumis aux mêmes contraintes : trois étages sur rez-de-chaussée et entresols sous arcades avec obligation d'employer la pierre comme matériau de façade ; un premier étage sur un léger entablement à modillons, bordé de balcons en fer forgé ; un deuxième étage moins élevé et un attique à balustrade. Seul le toit ne fut pas soumis à la réglementation ce qui entraîna par la suite des décrochements encore visibles. Cette monumentalité aux lignes strictes et aux étonnants effets de perspective convenait parfaitement à Napoléon qui souhaitait bâtir une rue prestigieuse dévolue au luxe. Pour ce faire, un décret proscrivit l'installation de certains magasins d'alimentation (boucheries ou activités nécessitant un four), des ouvriers travaillant au marteau et les enseignes furent interdites sur les arcades.
 
Toutes ces contraintes découragèrent passablement les éventuels acquéreurs et, en 1811, l'Empereur adopta une mesure destinée à les inciter à s'installer : l'exemption d'impôts pendant vingt puis trente ans. Si seules les arcades et quelques immeubles se dressaient à la fin de l'Empire, le mouvement était donné et il se poursuivit sous les régimes suivants. Le prolongement jusqu'à la rue de Marengo fut décidé en 1848 par le gouvernement provisoire de la Seconde République, puis jusqu'à l'Hôtel de ville, en 1851, par l'Assemblée législative. Hausmann reprit le projet et le poursuivit jusqu'à son terme actuel au métro Saint-Paul. L'architecture de Fontaine fut respectée jusqu'à la rue du Louvre mais les contraintes de construction furent ensuite suspendues pour les quartiers plus à l'est. Et Victor Hugo de railler cette rue de la capitale moderne :
Le vieux Paris n'est plus qu'une rue éternelle
Qui s'étire élégante et droite comme un I
En disant : Rivoli, Rivoli, Rivoli 

Karine Huguenaud

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