Charlet, l’art de nous faire rire, d’un talent à prendre au sérieux

Auteur(s) : LERNER Elodie
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Charlet, l’art de nous faire rire, d’un talent à prendre au sérieux
Grenadier de la Garde, Nicolas Toussaint Charlet © Musée du Louvre

En 1999, la Bibliothèque Paul Marmottan était déjà à l'origine d'une exposition sur un artiste qui contribua à la légende napoléonienne, notamment par ses nombreuses lithographies : Auguste Raffet (1804-1860). Aujourd'hui, un hommage est rendu à son maître, Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845). Sa notoriété ayant décliné après sa mort, il n'a bénéficié que d'une rétrospective en 1893 (1). L'initiative de l'exposition actuelle va donc heureusement permettre de combler cette lacune. 
 

Les métamorphoses de la scénographie, au service de la mise en valeur des richesses des collections nationales

Que cet événement ait obtenu le label d'intérêt national se comprend au regard de la liste des prêteurs. L'essentiel des oeuvres montrées est issu des fonds du Musée de la Roche-sur-Yon, qui avait accueilli dans un premier temps l'exposition (2), et de la bibliothèque Paul Marmottan, grâce à l'acquisition en 2001 de plusieurs centaines de planches rassemblées par un amateur, le capitaine Bocher. Les musées de nombreuses villes ont cependant aussi été mis à contribution : Paris bien sûr (3), mais également Angers, Besançon Bordeaux, Compiègne, Evreux, Marseille, Rouen, Malmaison, Lille, Senlis, Valenciennes ou encore Fontainebleau… un rassemblement qui témoigne de la richesse des collections nationales.

Près de 200 oeuvres sont mises en valeur par la scénographie réussie d'Anne Gratadour (4). Difficile de reconnaître les salles ainsi métamorphosées : refaçonnées par la pose de cloisons, elles présentent des murs aux couleurs vives, bien choisies pour rehausser le noir et blanc des multiples lithographies. Ce parti pris est une fête pour les yeux, même si un découpage plus chronologique ou thématique aurait permis aux visiteurs de s'orienter plus aisément. Pour avoir plus de repères, il est possible de lire les panneaux explicatifs qui ponctuent le parcours.

Réussites en tous genres : du chroniqueur de la vie quotidienne au chantre de la légende napoléonienne

Le petit caporal, La Roche-sur-Yon, musée municipalA peine entrés dans la première pièce, nous tombons nez à nez avec le « grenadier de la Garde » (5). Nous avons voulu prolonger ce face à face en le choisissant comme tableau du mois. Autour de cette figure emblématique de la légende napoléonienne et de l'oeuvre de Charlet, nous découvrons des éléments de sa biographie ainsi que des portraits de lui. Après cette présentation en forme d'introduction, les salles suivantes dévoilent la production de Charlet dans cette diversité qui fait son charme. La multiplicité des thématiques abordées par cet artiste populaire (abécédaires, scènes du quotidien et de moeurs, épisodes de la vie enfantine) se conjugue avec la variété des techniques (lithographies bien sûr, mais aussi dessins, aquarelles et peintures).

Ces dernières sont plus difficultueuses ; le perfectionniste Charlet, toujours insatisfait, ne cessant de les retravailler. Quelle que soit la technique employée, il s'avère en revanche un brillant paysagiste. L'idée était donc bonne de réserver à ce genre pictural une petite salle où, pour ainsi dire, le visiteur puisse s'offrir une partie de campagne. Autre découverte, les aquarelles issues de la collection particulière d'Alain Pizero. A en regarder la grande beauté, l'enthousiasme suscité par ce talent semble mérité : Charlet a été admiré par Delacroix,  le tableau de « La retraite de Russie » (6) célébré par Alfred de Musset.

Sans doute le chef-d'oeuvre de Charlet, cette peinture était trop imposante pour être déplacée. Elle est heureusement évoquée par sa reproduction en transparence sur une toile tendue au milieu de la plus grande salle, consacrée comme de juste à la légende napoléonienne. Une partie de cette pièce est ainsi vue au travers de cette toile et donc symboliquement au travers du prisme de cette scène emblématique de la déroute, mais aussi du courage de la Grande Armée de Napoléon.

 
 
Ces grands formats sont assez rares dans l'oeuvre de Charlet ; mais, même si souvent il produisit en petit, il n'en fut pas moins un grand artiste participant pleinement à la création de son temps et à ses bouleversements. Nombre de lithographies témoignent des débats agitant alors le monde des arts tels que la lutte tournée en dérision des classiques contre les romantiques : cet humour appliqué à son propre métier prouve une rare et salutaire capacité d'autodérision. Tous les petits travers de la nature humaine sont croqués avec talent ; alors, le temps d'une visite conformons nous à une sage maxime que Charlet n'aurait sans doute pas reniée en légende d'une de ses lithographies : « soyons sérieux, moquons nous de nous ! ».

Adresse
Bibliothèque Marmottan
7 place Denfert-Rochereau – 92100 Boulogne-Billancourt – France
 
Horaires
Les mercredi, jeudi et vendredi de 14h à 18h
Le samedi de 9h30 à 12h et de 14h à 17h
 
Accès
Métro : ligne 10 Boulogne-Jean Jaurès
Bus : 52 arrêt Denfert-Rochereau
 
Téléphone
+33 (0)1 55 18 57 61
 
Fax
01 55 18 54 52
 
Site
http://www.boulognebillancourt.com/cms/index.php?option=com_content&task=view&id=166?&submid=1&mpid=5&leftid=410&submid2=2&Itemid=414

 
Pour en savoir plus sur le catalogue de l'exposition, cliquez ici.
 
Pour en savoir plus sur le « Grenadier de la Garde« , cliquez ici.
 
Pour en savoir plus sur « La retraite de Russie« , cliquez ici.
 

Notes

(1) Charlet et la lithographie moderne, Société des Artistes lithographes français, Paris, Galeries Durand-Ruel, juin 1893. 
(2) L'exposition y était présentée du 10 octobre 2008 au 10 janvier 2009.
(3) Avec entre autres prêteurs, le Musée du Louvre, la Bibliothèque nationale de France, l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, le Musée de la Légion d'honneur, le Musée de l'armée et le Petit Palais.
(4) Saluons l'attention portée aux moindres détails par l'équipe de la Bibliothèque Paul Marmottan et notamment par Jean-Pierre Marchand, en charge de l'assistance technique.
(5) Paris, Musée du Louvre.
(6) Lyon, Musée des Beaux-Arts.

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