Document : Le Moniteur du 21 mars 1811 annonçant la naissance du Roi de Rome le 20 mars 1811

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Paris, 20 mars
 
Aujourd'hui 20 mars, à neuf heures vingt minutes du matin, l'espoir de la France a été rempli : S.M. l'Impératrice est heureusement accouchée d'un prince ; le roi de Rome et son auguste mère sont en parfaite santé.
 
Le 19, entre huit et neuf heures du soir, S.M. ressentit les premières douleurs. Les princes et princesses de la famille, les princes grands-dignitaires, les ministres, les grands-officiers de la couronne, les grands-officiers de l'Empire et les dames et officiers de la maison, avertis par la dame d'honneur, se sont rendus au palais des Tuileries.
 
Depuis neuf heures jusqu'à six heures du matin, les douleurs se sont succédées avec des intervalles ; à six heures, elles se sont ralenties ; mais à huit elles on t repris avec le plus de vivacité, sans interruption, et se sont terminées par la plus heureuse délivrance.
 
L'EMPEREUR, qui pendant tout le travail, n'a pas cessé de prodiguer à l'Impératrice les soins les plus touchants, a montré à cet heureux instant la plus vive satisfaction, et sachant avec quelle impatience le peuple français attendait le moment où il pourrait partager sa joie, S.M. a donné l'ordre de faire tirer les salves de cent un coups de canon, qui devaient annoncer à la France ce grand évènement.
 
Dès que l'enfant a été présenté à S.M. l'Empereur, la gouvernante l'a présenté à S.A.S Mgr le prince archi-chancelier de l'Empire, qui avait assisté à l'accouchement.
 
S.A.S s'est rendue  immédiatement dans le salon de l'Impératrice, où elle a fait dresser par S.Exc M. le comte Regnaud de Saint-Jean-d'Angely, secrétaire de l'état de la famille impériale, le procès-verbal de la naissance et l'acte civil, qui a été signé, comme témoins, par S.A.I. Mgr. Le grand-duc de Wurtzbourg et S.A.I Mgr le prince Eugène, vice-roi d'Italie.
 
Ces formalités étant remplies, S.M. l'Empereur s'est rendu dans le salon, et a apposé sa signature sur les registres, qui ont été signés aussi par S.A.I. Madame mere, S.M. le reine d'Espagne, S.M. la reine Hortense, S.A.I. Mme la princesse Pauline, S.A.I. Mgr le prince Borghèse, et S.A.I. Mgr le prince vice-roi d'Italie.
 
Au même instant, le roi de Rome, suivi par le colonel-général de la garde de service, et précédé par les officiers de son service, a été porté par Mme la comtesse de Monstesquiou, gouvernante des enfants de France, dans son appartement.
 
L'Empereur a reçu ensuite les félicitations des princes, princes grands-dignitaires, des ministres, des grands-officiers de la couronne et des grands-officiers de l'Empire.
 
S.M. a envoyé à l'instant le premier page au Sénat, et le second au corps municipal, pour les informer de la naissance du roi de Rome.
 
Des pages ont été aussi envoyés au Sénat d'Italie et aux corps municipaux de Milan et de Rome, pour leur porter cette nouvelle.
 
S. Exc. M. le comte de Ségur, grand-maître des cérémonies, a envoyé chez les ambassadeurs, M. le baron du Hamel, maître des cérémonies, et chez les ministres étrangers, M. d'Argainaratz, aide des cérémonies, pour leur annoncer cet évènement.
 
S. Exc. M. le duc de Cadore, ministre des relations extérieures, a dépêché de suite des courriers extraordinaires aux ambassadeurs et ministres de l'Empereur dans les cours étrangères, pour leur faire part de l'accouchement de l'Impératrice.
 
Les lettres aux princes et princesses, parens de l'Empereur et de l'Impératrice, ont été écrites de la main de l'Empereur, et portées par des officiers de sa maison.
 
S. Exc. M. le comte de Montalivet, ministre de l'intérieur, a envoyé des courriers dans les départements pour les informer de la naissance du roi de Rome ; LL. EExc. MM. le duc de Feltre et le comte de Decrès, ministres de la guerre et de la marine, ont envoyé des ordres dans les villes de guerre et dans les ports pour que les mêmes salves d'artillerie soient tirées et que les flottes soient pavoisées.
 
S.A.S. Mgr. le prince de Neufchâtel et de Wagram, major-général de l'armée, a envoyé dans tous les pays et places occupés par les armées françaises, l'ordre de tirer les mêmes salves qu'à Paris.
 
Toute la nuit qui a précédé l'heureuse délivrance de l'Impératrice, les églises de Paris étaient remplies d'une foule immense de peuple qui élevait ses voeux au ciel pour le bonheur de LL. MM. Dès que les salves se firent entendre, on vit de toutes parts les habitants de Paris se mettre à leurs fenêtres, descendre à leurs portes, remplir les rues et compter les coups de canon, avec une vive sollicitude, ils se communiquaient leurs émotions, et ont laissé enfin éclater une joie unanime, lorsqu'ils ont vu que toutes leurs espérances étaient remplies, et qu'ils avaient un gage de la perpétuité de leur bonheur.
 
Le soir, le roi de Rome a été ondoyé dans la chapelle du palais des Tuileries, par S. EM. Mgr. le cardinal grand-aumônier, et le Te Deum a été chanté  présence des personnes dont il a été fait mention ci-dessus.
 
On rendra compte de cette cérémonie dans le prochain numéro.
 
Ce soir, il y a illumination générale.
 
Afin de répondre à l'empressement de la foule qui se présente continuellement au palais, pour avoir des nouvelles de la santé de S.M. l'Impératrice, et de son auguste enfant, il y aura tous les jours, depuis huit heures du matin jusqu'à huit du soir, un chambellan de service dans le premier salon du grand appartement, pour recevoir les personnes qui se présenteront, et leur donner connaissance du bulletin que les officiers de santé de la maison de S.M. remettront deux fois par jour.

Ce document fait partie de notre dossier thématique consacré à la naissance du Roi de Rome (20 mars 1811)

Titre de revue :
Moniteur
Mois de publication :
Mars
Année de publication :
1811
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