Document : Rapport adressé à l’empereur [chinois] par Pang-Sum-Tchang (12 septembre 1860)

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Le 27e Jour De La 7e Lune de la 10e année de Kien-Fong.

Moi, Pang-sum-tchang, ministre d'Etat, je demande à genoux à l'Empereur la permission de lui soumettre par ce rapport un exposé fidèle et entier de la situation. J'ai ouï dire que San-ko-li-tsin, ayant proposé à lEmpereur ou de se mettre à la tête de l'armée pour aller combattre, ou de se retirer à Mousan (Jéhol), un décret impérial, adressé aux grands dignitaires de service pour les rapports et adresses, leur avait enjoint de se réunir en conseil pour examiner ces propositions, qui avaient été déclarées impraticables à l'unanimité, et qu'en conséquence l'Empereur n'avait encore pris de décision. Dans mon humble opinion, prendre le commandement de l'armée  dans les circonstances actuelles n'est pas autre chose que de tout risquer que un coup de dés, et par conséquent impossible ; se retirer à Mousan n‘est pas davantage exécutable.
San-ko-li-tsin est un homme d'un grand courage sans contredit, mais de peu d'instruction, et c'est ce qui explique la nature de ses propositions. Dans les temps passés, toutes les fois que nos souverains ont quitté leur capitale, ils ont laissé derrière eux la terreur et la dispersion ; l'Empire est devenu théâtre de désordres sans nombre. C'est vain qu'ensuite ils ont voulu recommencer la guerre ; leur résolution est venue se briser devant l'épuisement des populations, et de grandes catastrophes en ont été la conséquence. L'état de pénurie du trésor n'est pas la seule considération qui s'oppose à ce que l'Empereur accorde aux Barbares toutes les commandes qu'ils ont formulées, mais bien la certitude que se remettre entre leurs mains, c'est marcher à notre perte.
Le plan que je proposerais aujourd'hui serait donc d'ordonner à un corps de 15.000 hommes d'effectuer une marche rapide sur Tien-Tsin, et de livrer bataille sous les murs de cette ville. Chin-Pao, vieilli dans les camps, pourrait en prendre le commandement avec un ou deux autres chefs militaires, qui lui seraient adjoints. San-ko-li-tsin et Saui-sing seraient chargés de garder et de défendre les autres points ; avec de la résolution, la victoire serait certaine, et nous serions délivrés, au moins pour un temps, d'immenses et imminents dangers. Après que les Barbares auraient subi ce nouvel échec, mon avis serait d'attendre l'hiver ou le printemps de l'année prochaine, pour ouvrir de nouvelles négociations avec eux, négociations que leur défaite nous rendrait plus faciles.
La ruse étant permise à la guerre, nous pourrions, dans le cas où la pais aurait été consentie précédemment, lancer notre armée sur leurs troupes sans défiance, les battre aisément et leur fermer l'accès de la capitale. Dès lors pourquoi s'exposer aux fatigues d'un voyage à Jéhol ?
Ma pauvre intelligence, émue des circonstances critiques dans lesquelles nous sommes, a cru de son devoir de vous faire connaître toute la vérité. J'ose espérer que l'Empereur attache le plus grand prix aux cendres de ses ancêtres, et qu'en conséquence il ordonnera à ses redoutables et nombreuses légions d'aller combattre à outrance pour le salut de l'Empire.
Je supplie l'Empereur de vouloir bien prendre connaissance de ce rapport.

Source

Expédition de Chine, 1860, rédigée au dépôt de la Guerre d'après les documents officiels, Imprimerie nationale, reed . 1900.

À consulter > notre dossier thématique consacré à l’expédition de Chine de 1860

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