LA TOUR D’AUVERGNE, Théophile Malo Corret de… (1743-1800), officier

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Celui qui sera célèbre dans la mythologie des héros français, avec du Guesclin, Bayard et le tambour Bara, est né le 23 décembre 1743 à Carhaix (Finistère) (1). Il était le fils d'Olivier Corret (1699-1749), notaire et de Jeanne Lucrèce Salaün, dame du Rest, son épouse (1714-1780, veuve en premières noces du baron de Penaudreff-Keraustret). Il fait de brillantes études au collège des Jésuites de Quimper et sa mère, qui avait de grandes ambitions sur lui, l'oriente vers l'armée.
Le 3 avril 1767, sur recommandations, il est admis à la 2e compagnie des Mousquetaires de la Maison du Roi ( » les mousquetaires noirs « , ainsi nommés en raison de la couleur de la robe de leurs chevaux), sous le nom de Corret de Kerbeauffret. L'adjonction était le nom d'une terre appartenant à la famille Corret, elle donnait l'illusion de la noblesse. Elle était confirmée par un certificat de noblesse signé d'enthousiasme par quatre gentilshommes bretons. Cela était nécessaire pour entrer au service de la Maison du Roi. En outre, le fait de servir dans cette Maison permettait d'être nommé officier sans passer par une école militaire. La compagnie des Mousquetaires noirs était casernée à Paris, rue de Charenton, dans le faubourg Saint-Antoine (2).

Après cinq mois de service, Corret de Kerbeauffret est affecté, le 7 septembre 1767, comme sous-lieutenant au régiment d'Angoumois infanterie, grâce encore à des relations, il y est promu lieutenant le 16 avril 1771. De garnison en garnison, il séjourne à Marseille, Avignon, Montauban, Huningue…
Toutefois, l'officier avait vraiment du sang bleu : en effet, son aïeul, Henri Corret, était un fils naturel non reconnu, mais avoué, du père du Grand Turenne, Henri de La Tour d'Auvergne, duc de Bouillon, et d'une certaine Adèle Corret, chambrière de la soeur du duc. Par conséquent, le Grand Turenne (1611-1675) et l'aïeul Henri Corret étaient effectivement frères consanguins.
Notre officier rencontre le descendant du Grand Turenne, Godefroy de La Tour d'Auvergne, duc de Bouillon, au château de Navarre, dans l'Eure et celui-ci, séduit par son élégance et son sérieux, lui accorde, le 18 novembre 1779, le droit de porter le nom de La Tour d'Auvergne. Dans ces conditions, Théophile Corret signera désormais La Tour d'Auvergne.

Il avait la vocation militaire : discipliné, studieux, austère, modeste, exigeant pour lui-même, intransigeant sur l'honneur, stoïque dans la souffrance. Et, dans ses moments de loisirs, il était numismate et philologue (J. Jourquin). Il était aussi membre d'une loge à l'Orient de Bouillon et de la Loge Saint Jean d'Écosse du contrat social, à l'Orient de Paris.
En 1780, il tente vainement d'être affecté au corps français en Amérique (guerre de l'indépendance des États-Unis). Cependant, grâce à la protection du duc de Bouillon, il rejoint, en 1781, les troupes franco-espagnoles commandées par le lieutenant général duc de Crillon, qui combattaient les Anglais assiégés à Port Mahon, capitale de l'île de Minorque, aux Baléares. Il s'y montre intrépide et se lie d'amitié avec Crillon. Puis, il revient en France, dans son régiment d'Angoumois infanterie. En 1785, à l'ancienneté, il est nommé capitaine et reçoit, en 1791, la croix de Saint-Louis.
Ensuite, il participe vaillamment aux opérations en Savoie (1792), au Val d'Aran, sur les bords de la Bidassoa (1793), en Espagne (il commande une avant-garde de 16 compagnies, la  » colonne infernale « , comme un général, sous Moncey) et lors de la prise de Saint-Sébastien (4 août 1794). Mais, à l'étonnement des généraux et des bureaux, il refuse successivement les nominations de colonel et de chef de bataillon.

En février 1795, au cours d'un voyage par mer, il est fait prisonnier par les Anglais devant Camaret. Après un an de captivité, il est échangé et rentre en France.
Il vit alors dans un petit logement, à Passy, chez les frères Paullian, 66, rue Basse (aujourd'hui 21-23, rue Raynouard, Paris, 16e). Il y reçoit d'anciens camarades devenus généraux : Desaix, Lecourbe, Kléber, Moreau.
En 1797, La Tour d'Auvergne redemande à servir dans l'armée de son compatriote Moreau, en remplacement du fils d'un de ses amis, et repart, avec son grade de capitaine, à la 46e demi-brigade. Mais, il arrive trop tard, Moreau a déjà passé le Rhin.

En mars 1799, il reprend du service en Helvétie, toujours comme capitaine et participe à la victoire de Zurich (Masséna), où il se bat comme un lion.
Après le 18 Brumaire, il refuse d'être membre du Corps législatif. Encore un refus ! Ensuite, le Premier consul se manifeste : il désire faire la connaissance de La Tour d'Auvergne et l'invite à dîner. Il répond affirmativement le 24 pluviôse an VIII (13 février 1800). Bonaparte disait de lui :  » C'est un homme de Plutarque « . Et, pour cet homme exceptionnel, il invente un titre exceptionnel, par arrêté du 7 floréal an VIII (27 avril 1800) : Premier grenadier des Armées de la République et il décide qu'un sabre d'honneur lui sera décerné. Le 15 mai 1800, Carnot lui remet cette épée d'honneur, avec un ceinturon brodé (elle est aujourd'hui à Paris, au Musée Carnavalet).
Puis, il rejoint l'armée du Rhin, pour une dernière campagne : en effet, le 9 messidor an VIII (28 juin 1800), à Oberhausen, en arrière de Neubourg (Bavière), il est tué par un coup de lance d'un uhlan autrichien, qui lui traverse la poitrine, il avait 57 ans.

Son nom a été conservé en tête du contrôle de la 46e demi-brigade (devenue en 1803, le 46e régiment d'infanterie de ligne) ; son coeur, placé dans une urne d'argent, se trouve aujourd'hui sous le dôme des Invalides ; ses cendres, qui étaient sous un mausolée à Oberhausen, ont été transférées au Panthéon, le 4 août 1889 ; enfin, le nom de La Tour d'Auvergne est inscrit sous l'Arc de triomphe de l'Étoile (pilier nord-est).
Il a sa statue à Paris, dans les niches du Palais du Louvre, rue de Rivoli (Répertoire mondial…, p. 256), et à Quimper (Répertoire…, p. 107), sa statue et un musée à Carhaix (Rép., p. 106).
Enfin, signalons que La Tour d'Auvergne a été un philologue distingué (il fit paraître en 1792, à Bayonne, Nouvelles recherches sur la langue, l'origine et les antiquités des Bretons ; en 1796, ses Origines gauloises). Il connaissait le latin, le grec, l'allemand, l'espagnol, l'anglais, le basque et le bas-breton. Cela mérite d'être souligné.
Citoyen, soldat, philologue, sa vie a été glorieusement remplie (3).
 
 
 
Auteur : Marc Allégret
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 440
Mois : avril-mai
Année : 2002
Pages : 70


(1) À Carhaix-Plouguer (Finistère), sa maison natale (PC) se trouve 13, rue de La Tour d'Auvergne (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, p. 106).
(2) Les mousquetaires portaient l'habit écarlate, la soubreveste bleue et galonnée, avec deux croix de velours blanc, l'une devant, l'autre derrière. Composée uniquement de gentilshommes, cette troupe d'élite avait la préséance sur les autres cavaliers de l'armée.
(3) Sources : Roman d'Amat, Dictionnaire de biographie française, fascicule CX III, La Rochefoucauld-Latreille, p. 1247, notice  » La Tour d'Auvergne « , par
J. Jourquin ; Georges Bischoff, La Tour d'Auvergne, Atelier de l'armée, 1978 ; Gé-Magazine n° 167-janvier 1998 :  » Un homme entre deux mondes : La Tour d'Auvergne « , par Bernadette Dieudonné, p. 23 ; Dick de Lonlay, Notre Armée, éd. Garnier, 1890.

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