DEJEAN, François-Aimé, comte, (1749-1824), ministre

Partager

C’était un des plus vieux généraux de l’Armée Impériale que Jean-François-Aimé Dejean, qui, né à Castelnaudary le 6 octobre 1749, avait été officier du génie sous l’Ancien Régime et devint un des grands serviteurs du Premier Empire, en occupant des emplois fort en vue, puisqu’il fut ministre de l’Administration de la Guerre, Gouverneur de l’Ecole Polytechnique, Grand Chancelier intérimaire de la Légion d’honneur, Sénateur et Pair de France.

Il avait fait ses études au collège de Sorèze, avant d'entrer, en 1768, à l'Ecole du Génie de Mézières. La Révolution le trouva Ingénieur en chef à Amiens. Commandant en second des Gardes nationaux de la Somme et membre de l'administration de ce département, il donna sa démission en apprenant l'exécution de Louis XVI, mais, conscient des difficultés d'encadrement de l'Armée, la retira pour aller servir comme simple capitaine du génie à l'armée du Nord, où il participa aux sièges de Courtrai, Menin, Ypres, l'Ecluse et Nimègue. Général de brigade le 1er septembre 1794, de division le 16 octobre 1795, il succéda au général de Beurnonville à la tête des forces gallo-bataves, qu'il commanda en 1796 et 1797, jusqu'à sa mise en réforme le 23 septembre de cette année-là, pour avoir refusé d'associer les troupes placées sous ses ordres aux plaintes de l'Armée d'Italie contre les conseils. Mais en août 1799, il fut réintégré dans les cadres actifs et nommé directeur des fortifications, avant d'en devenir l'Inspecteur général.
Aussitôt après le coup d'Etat de brumaire, il devint conseiller d'Etat et fut chargé d'aller à Gênes, où il resta deux ans, pour y organiser la République ligurienne, après avoir veillé à l'exécution de la Convention d'Alexandrie.

Le 12 mars 1802, quand le Premier Consul décida de décharger Berthier d'une partie de ses attributions de ministre de la guerre, Dejean, que le Maître jugeait, à juste titre, droit, honnête, vigilant et grand travailleur, devint ministre de l'Administration de la guerre, ce qui ne fut pas une sinécure ! Il assuma cette lourde charge pendant près de huit ans, jusqu'au 2 janvier 1810.

Pendant cette longue période, il cumula ces fonctions avec celle de Grand Trésorier de la Légion d'honneur, à partir du 21 août 1803, puis d'Inspecteur Général du Génie dès le 25 octobre 1808, présida à vie le collège électoral de la Somme et, à l'été de 1809, avec Clarke et Fouché, organisa la défense d'Anvers lors du débarquement anglais dans l'île de Walcheren. Grand Aigle de la Légion d'honneur depuis le 2 février 1805, fait Comte d'Empire le 1er juin 1808, il reçut d'importantes dotations, en Westphalie et en Hanovre, qui firent de lui un homme riche qui paraissait alors comblé par la fortune.

Mais, à la fin de 1809, ses bonnes relations avec l'Empereur se gâtèrent, car il essaya de minimiser les effets de certaines mesures draconiennes édictées par Napoléon, notamment dans le domaine de l'habillement de la troupe. Ce fut, semble-t-il, à l'occasion de broutilles portant, l'une, sur la dimension des draps destinés à la conception des vêtements des soldats, et l'autre, sur le prix de journée à payer pour les militaires employés dans la Principauté de Piombino, que s'engagea une discussion fort vive qui, en réalité, concernait l'insuffisance des fonds attribués à l'habillement et à l'entretien des troupes dans le budget de 1810. Le 3 janvier 1810, l'intraitable Dejean offrit sa démission à l'Empereur qui l'accepta, malgré l'extrême fermeté dont son ministre avait fait preuve vis-à-vis des munitionnaires, et nomma, à sa place, le général Lacuée.

Mais, loin d'être disgrâcié, il fut, aussitôt, nommé sénateur le 5 février 1810, après avoir reçu dès le 16 janvier, une nouvelle dotation sur la canal du Loing et fut envoyé, en sa qualité d'inspecteur général du Génie en mission, en Hollande.
Son loyalisme le fit désigner, en octobre 1812, pour présider la commission militaire qui jugea Malet et ses complices. En 1814, il refusa courageusement, de voler au Sénat la déchéance de Napoléon. Il n'en fut pas moins fait Pair de France par Louis XVIII le 4 juin 1814, alors qu'il était, depuis le 21 avril, Gouverneur de l'Ecole Polytechnique.

Au début des Cent-Jours, Napoléon renomma Grand Chancelier de la Légion d'honneur le Comte de Lacépède, qui avait été destitué par la monarchie restaurée, laquelle avait fait, de l'abbé de Pradt, un commissaire pour remplir les fonctions attribuées au Grand Chancelier ». Démissionnaire en novembre 1814, ce curieux ecclésiastique qui était, en réalité, archevêque, fut remplacé par le Comte de Bruges, comme simple chancelier. Ce dernier suivit Louis XVIII à Gand et comme Lacépède était absent de Paris, l'Empereur chargea le trésorier Dejean de l'intérim de la Grande Chacellerie, en le faisant, par ailleurs, Pair de France. A l'hôtel de Salm, les choses ne rentrèrent dans l'ordre qu'avec la désignation, le 2 juillet 1815, du maréchal Macdonald comme Grand Chancelier.
Quant à Dejean, fidèle à Napoléon, il fut privé de tous ses emplois et exclu de la Chambre des Pairs. Néanmoins à la fin de 1817, il fut rappelé à l'activité comme Directeur général des Subsistances au ministre de la Guerre et le resta jusqu'au 1er février 1821… Le 5 mars 1819, il avait retrouvé sa Pairie.

Victime d'une congestion cérébrale, il fut frappé d'hémiplégie et mourut dans sa soixante-quinzième année, le 12 mai 1824, à Paris, dans un hôtel du 17 de la rue de l'Université qui, ayant appartenu avant la Révolution au Président du Parlement Bochard de Saron, avait été habité par Talleyrand, au temps de la Constituante et est, actuellement, occupé par les Editions Gallimard.

Jean-François-Aimé Dejean avait eu, d'une première épouse, née Alexandrine-Marie-Elisabeth Le Boucher d'Ailly, un fils prénommé Pierre-François-Marie-Auguste, né à Amiens le 10 août 1780, qui fit une brillante carrière militaire comme officier de Cavalerie. Général de brigade en 1811 et de division en 1814, il fut aide de camp de Napoléon pendant la campagne de Saxe, de 1813, puis durant les Cent-Jours. Commandant la Cavalerie, lors de l'expédition d'Anvers en 1832, Grand-Croix de la Légion d'honneur en 1844, il mourut le 17 mars 1845, au 17 de la rue de l'Université, et fut inhumé aux côtés de son père à la 40e Division du cimetière du Père-Lachaise.
Pour finir il faut parler des mariages de ces deux généraux, car le père, veuf depuis 1782, et le fils, célibataire, épousèrent les deux soeurs, Aurore et Adèle Barthélémy, dont le frère, François, devint sénateur et comte d'Empire. Ces deux ménages furent prolifiques : celui du père, avec Aurore, célébré le 19 octobre 1801 se solda par la naissance d'un fils et de quatre filles ; celui du fils, avec Adèle, survenu le 17 juillet 1802 permit la venue au monde de deux filles et de trois garçons dont l'un, Pierre, Charles, né le 16 février 1807 fut général sous le Second Empire et ministre de la guerre en 1870. Seul à s'être, marié avec Mathilde de Gueully de Rumigny, il mourut le 15 juillet 1872, peu après sa mère décédée le 11 avril précédent, alors que sa tante et grand'mère avait rendu le dernier soupir le 20 janvier 1858.

Un jour Napoléon interpella son ministre de l'Administration de la guerre et, lui parlant de son mariage et de celui de son fils lui dit : « Est-ce bien catholique ce que vous avez fait là ? » Et Dejean de lui rétorquer : « Oui, sire ! car nous n'avons fait que suivre l'exemple de Votre Majesté. L'impératrice Joséphine et sa fille Hortense n'ont-elles pas épousé deux frères Bonaparte : Napoléon et Louis ? »


Auteur : Colonel Henri Ramé
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 353
Mois : juin
Année : 1987
Pages : 344


Partager