Cherbourg, une ville napoléonienne

Auteur(s) : DE BRUCHARD Marie
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La préfecture maritime de la Manche fête depuis le 28 décembre 2012 ses 200 ans, l’occasion de revenir sur l’histoire toute napoléonienne du port de Cherbourg.

Cherbourg, une ville napoléonienne
Arrivée de l'Impératrice Marie-Louise aux portes de Cherbourg © RMN - Franck Raux

Une position stratégique

Le site de Cherbourg a été occupé dès l’époque gallo-romaine en tant que port de commerce mais sa position stratégique est reconnue durant la Guerre de cent ans où le bourg se dote d’un fort. Ce n’est néanmoins qu’au XVIIe siècle que Louis XIV songe à transformer le port naturel de la ville en place stratégique. Vauban en trace les contours et propose le premier projet de création d’une rade artificielle à visée miltaire défensive.

Les travaux ne sont entrepris cependant que peu de temps avant la Révolution, opar manque de moyens financiers, sous l’impulsion de Louis de La Couldre de La Bretonnière, commandant de la Marine du port de Cherbourg, dont les plans et méthodes de construction sont adoptés en 1788. Il est finalement contraint à la démission en 1792 et ne reprendra jamais les travaux du port de Cherbourg, même après sa réintégration au ministère de la Marine et après la reprise de l’aménagement de la rade par le Premier consul Bonaparte.

C’est l’ingénieur Joseph Cachin qui le remplace à la tête des travaux en 1803 : sous son impulsion, la rade, le nouvel arsenal et l’avant-port se développent en grande vitesse. Dix ans plus tard, Marie-Louise inaugure l’avant-port de Cherbourg, ultime étape d’un projet de création d’un grand port militaire.

Cette longévité en poste, côté technique, n’est pas la seule cause de la reprise de la modernisation de Cherbourg : son maire de 1800 à 1815, Pierre Joseph Delaville, participe à cet élan et ce progrès. Et à une agglomération dont la position revient sur le devant de la scène est associé un statut administratif adéquat en 1811 : Cherbourg n’est plus seulement une ville mais dispose d’un arrondissement et, par extension, une sous-préfecture et un tribunal de première instance. L’année suivante, un tribunal des douanes puis l’attribution du statut de préfecture maritime à la place du Havre, dont le port s’ensable, parachèvent le nouveau rôle prépondérant de Cherbourg face à la préfecture de Saint-Lô.

Le nouvel arsenal et la rade artificielle : des travaux mouvementés

Si Napoléon entend relancer les travaux pour assurer à Cherbourg une position favorable dans sa lutte contre le Royaume-Uni, ses vues ne sont pas sans arrière-pensées économiques. Cependant, les travaux n’amènent pas la prospérité économique escomptée. Dès les premiers mois après la grande campagne de recrutement de 1803, les ouvriers manifestent et quittent leurs travaux : salaires misérables quand ils sont effectivement payés, conditions de logement déplorables sont autant de conditions qui font fuir la main d’oeuvre. Garnison de la ville puis bagnards du Havre sont bientôt nécessaires pour accomplir la tâche ; ils sont rejoints à partir de 1809 par les prisonniers de guerre espagnols (ils seront au nombre de 2 000 en 1814).

Mais les projets concernant Cherbourg ne sont pas délaissés théoriquement, malgré la débâcle de 1812 : en 1813, le budget de la Marine s’élève à 172 900 000 francs alors qu’il se monte à 169 millions l’année précédente. Mais les commandes d’armement qui sont censées occuper l’arsenal ne sont pas au beau fixe et dès janvier 1813, trois commandes de vaisseaux sont abandonnées. Dès le mois suivant, la situation critique de la France pousse Napoléon à demander 10 000 conscrits de la classe 1814 à répartir entre les équipages et les compagnies d »ouvriers militaires. En mars, les équipages doivent s’exercer dans les manoeuvres de l’infanterie, malgré le nombre insuffisant d’armes. Des ouvriers militaires se voient confier également la surveillance de l’arsenal : 440 ouvriers et 791 marins sont privés des chantiers de Cherbourg.

Tant bien que mal, le nouvel arsenal vient cependant assumer une partie des charges du vieil arsenal : la mise en eau en 1813 de son avant-port en est la preuve la plus éclatante mais aussi la plus isolée. Jamais l’activité militaire du port de Cherbourg ne battra son plein et le projet de Vauban d’en faire « l’auberge de la Manche » une base navale efficace, les travaux d’Anvers ayant toujours supplanté dans l’esprit de l’Empereur ceux de Cherbourg.
Après 1814, le port militaire de Cherbourg verra le second bassin de son arsenal être mis en eau en 1829. Celle de l’arrière-bassin, ultime étape de construction du nouvel édifice ne sera faite qu’en 1858… en présence de Napoléon III et de la reine Victoria.

« Napoléon Bourg »

« J’avais résolu de renouveler à Cherbourg les merveilles de l’Égypte », dit Napoléon. En se rendant 26 au 30 mai 1811 sur le chantier et en envoyant Marie-Louise inaugurer l’avant-port le 25 août 1813, l’Empereur montre son intérêt pour une ville qui le lui rendra en retour puisque la municipalité de Cherbourg songea à se renommer en Napoléon Bourg. L’idée est abandonnée en 1815 mais elle renait sous une forme symbolique grâce à Napoléon III.

L’actuelle place Napoléon et sa statue équestre de 1858 sont aujourd’hui les témoins des liens qui unissent l’Empereur à la ville de Cherbourg. Le couple impérial inaugure la statue le 8 août 1858 ; elle porte l’inscription « La main qui fonde, et non celle qui menace », en mémoire de la nouvelle impulsion que l’Empereur a inspiré aux chantiers de son port. Aujourd’hui Cherbourg possède toujours la rade artificielle la plus longue du monde.

(février 2013)

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