Le royaume de Westphalie napoléonien, tentative d’instauration d’un "Etat-modèle"

Auteur(s) : ABEBERRY MAGESCAS Xavier
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Napoléon se trouvait à l'apogée de sa puissance en Europe continentale à l'issue du traité de paix de Tilsit, signé le 7 juillet 1807, quand la Russie consentit à partager sa sphère d'influence avec la France et à adhérer au système continental. L'Autriche et la Prusse, les deux grandes puissances allemandes, ayant été écrasées, le temps était venu pour la politique napoléonienne de stabiliser au moyen de « conquêtes morales » la domination acquise par les conquêtes militaires et les négociations diplomatiques. L'année précédente, la fusion des duchés de Clèves et de Berg, le 8 mars 1806, puis la création du grand duché de Berg, le 12 juillet 1806, avaient fait de ce territoire homogène de près d'un million d'habitants, un avant-poste impérial au-delà de la rive gauche du Rhin avec Joachim Murat à sa tête. De plus, entre le 12 et le 16 juillet 1806, les représentants de seize princes « allemands », celui de Murat y compris, signèrent avec la France le traité de Paris et l'acte constitutif de la Confédération du Rhin – Rheinbund – sous le protectorat de Napoléon.
 
Vis-à-vis du Saint-Empire, l'émancipation des États moyens du sud de l'Allemagne, en particulier les inédits royaumes de Bavière et de Wurtemberg ainsi que le nouveau grand-duché de Bade, était consommée puisque, le 6 août 1806, l'empereur François déposa la couronne du Saint Empire romano-germanique. En échange de l'accession à la souveraineté, une alliance était établie entre l'Empereur et les seize princes « considérés collectivement et séparément » pour toute guerre continentale que l'un d'eux aurait à soutenir ; Napoléon pouvait leur requérir un contingent total de 63 000 hommes et maintenir au service de « l'indépendance germanique », et à leurs frais, une armée permanente de 200 000 hommes (1). Une politique de mariages entre des membres de la famille de l'Empereur et des enfants des princes régnants ajouta à l'étroitesse de l'alliance qui unissait désormais cette zone de sept millions d'habitants à l'Empire français.
 
Le grand duché de Berg offrait la plus grande diversité et, pour lui donner la cohésion et l'unité d'un État, son organisation fut dictée depuis Paris par la secrétairerie d'État dirigée par Maret (1763-1839) et exécutée à Düsseldorf par le grand duc et ses deux ministres. Un conseil d'État, le système préfectoral, un impôt foncier, l'abolition des douanes intérieures, la liberté d'entreprise mais aussi la conscription, la suppression de la clause de la nation la plus favorisée consentie au duché de Berg par le Directoire, l'absence d'un traité de commerce pour compenser l'exclusion du marché français, prononcée par la loi du 30 avril 1806, furent les empreintes de la domination impériale sur ce pays allemand (2). Après Tilsit, l'érection du royaume de Westphalie en boulevard défensif contre la Prusse amplifia la marge de manoeuvre nécessaire à Napoléon pour créer son Grand Empire. Inscrite à partir d'une politique d'expansion continentale, la finalité de ce nouveau royaume était d'être un « État-modèle » pour les princes de la Confédération du Rhin.
 
Pour édifier ce royaume, Napoléon prit les mesures suivantes :
– former le territoire du royaume de Westphalie avec la Hesse-Cassel, le Brunswick, les territoires prussiens de l'ouest de l'Elbe de même qu'avec des morceaux du Hanovre : cet « État moyen compact » (3) entre le Weser et l'Elbe avait une superficie équivalente à celle de la Prusse d'après Tilsit (44 000 km2) et comptait près de deux millions d'habitants ;
– le 16 août 1807, placer à la tête du royaume son plus jeune frère, Jérôme (1784-1860), et le marier avec Catherine de Wurtemberg, le 22 août 1807, la fille de Frédéric qui, de duc, était devenu électeur (recès de l'Empire du 25 février 1803) puis roi de Wurtemberg (traité de Presbourg du 26 décembre 1805) et qui était aussi le cousin du roi de Prusse et l'oncle du tsar ;
– procurer à Jérôme des moyens militaires avec une garnison française postée dans la forteresse de Magdebourg et lui ordonner de mettre sur pied une armée westphalienne de 25 000 hommes (4).
 
Pourtant, le fort sentiment de loyalisme envers les maisons princières détrônées empêcha toute légitimation dynastique des usurpateurs ce qui obligea Napoléon à nantir ce nouvel État d'une politique de « conquêtes morales ». Puisqu'il fallait trouver une autre justification juridique à leur puissance, Napoléon et Jérôme « se devaient de prouver que, sous leur domination, on pouvait mieux vivre que précédemment ». Il fallait donc des transformations positives, « un bouleversement complet de l'ordre ancien dans les domaines de l'administration, du droit et de l'organisation sociale » (5). Cette justification commença par un acte constitutionnel dont le projet fut transmis par Napoléon à Cambacérès (1753-1824) et Regnaud de Saint-Jean-d'Angély (1762-1819). Napoléon souhaita également la présence d'une délégation westphalienne à Paris. Elle ne fit que peu de propositions constitutionnelles, se montrant surtout préoccupée de ne pas avoir de troupes impériales cantonnées dans le pays ainsi que d'éviter l'établissement de fiefs impériaux et la promulgation du code Napoléon (6). L'Empereur s'irrita de cette pesanteur et fit désigner un comité de cinq individus pur produire une constitution qu'il devait ensuite faire accepter à la délégation westphalienne. Napoléon promulgua enfin la constitution le 16 novembre 1807 (7). Le même jour, il tint par écrit les propos suivants au jeune roi :
« Ce que désirent les peuples d'Allemagne, c'est que les individus qui ne sont point nobles et qui ont des talents aient un égal droit à votre considération et aux emplois ; c'est que toute espèce de servage et de liens intermédiaires soit entièrement abolie. Les bienfaits du code Napoléon, la publicité des procédures, l'établissement des jurys, seront autant de caractères distinctifs de votre monarchie. Et s'il faut vous dire ma pensée toute entière, je compte plus sur leurs effets, pour l'extension et l'affermissement de votre monarchie que sur le résultat des plus grandes victoires. Il faut que vos peuples jouissent d'une liberté, d'une égalité, d'un bien-être inconnu aux peuples de la Germanie, et que ce gouvernement libéral produise, d'une manière ou d'une autre, les changements les plus salutaires au système de la Confédération […]. Les peuples d'Allemagne, ceux de la France, d'Italie, d'Espagne, désirent l'égalité et veulent des idées libérales. Voilà bien des années que je mène les affaires de l'Europe, et j'ai eu lieu de me convaincre que le bourdonnement des privilégiés était contraire à l'opinion générale. Soyez roi constitutionnel. […] Vous vous trouverez avoir une force d'opinion et un ascendant naturel sur vos voisins qui sont rois absolus » (8).
 
Ainsi les vues de Napoléon étaient que « dans le nouvel État, le souverain et le gouvernement [fussent] soumis à la constitution. Leur devoir consistait à diriger le pays selon les principes de la liberté, de l'égalité et de la justice et, aussi, à se soucier du bien-être du peuple ». Bref, il voulait ériger un État-modèle pour les peuples et les princes allemands, c'est-à-dire les trente-quatre États que comptait la Confédération du Rhin lorsque le royaume de Westphalie y adhéra le 15 novembre 1807. Le comportement de chacun des alliés vis-à-vis des exigences militaires, financières et économiques françaises devait être la preuve du succès de la politique de Napoléon dans cette « “troisième Allemagne” arrachée à l'influence de Berlin comme à celle de Vienne » (9). Cependant les négociations entreprises, à l'automne 1807, en vue de la rédaction d'une constitution de la Confédération échouèrent. Tenant avant toute chose au succès de sa politique hégémonique, et faute de « préalable organique pour donner une direction et une coordination centrales à ce processus d'homogénéisation, [l'Empereur] dut donc chercher à atteindre ses objectifs par une voie bilatérale ». Puisque ses objectifs étaient de rendre les structures administratives, juridiques, sociales et économiques des États allemands semblables à celles de l'Empire, « Napoléon fit de gros efforts pour édifier systématiquement sa prééminence et pour lui garantir la durée ». La Bavière, le Bade et le Wurtemberg accélérèrent la mise en vigueur des mesures réformatrices, mais n'étaient pas disposés à accepter en bloc le système français, et tout particulièrement le code Napoléon, ce à quoi tenait le plus l'Empereur puisqu'il « comptait sur les conséquences révolutionnaires qui résulteraient de l'application du droit français dans une Allemagne qui n'avait pas connu la Révolution ». Ces résistances à la politique d'assimilation conduisirent Napoléon à faire du royaume de Westphalie un exemple qui convaincrait mieux les États de la Confédération du Rhin « de la supériorité des institutions françaises que de contraindre à [les] accepter ». Ce qui fut effectivement le cas, « même si l'on sous-estimait [de part et d'autre] le problème de l'application d'institutions françaises aux conditions d'une Allemagne qui n'avait pas connu la Révolution » (10).
Seront successivement examinés la dynamique initiale de la construction de l'État-modèle westphalien et les carences du système impérial qui en empêchèrent la pérennité.

Dynamique de la construction de " l’État-modèle "

Aussi bien par le poids conjugué des idéologies impériale et westphalienne au sujet de la conception de l'État que par le temps des mesures entreprises sous l'égide du roi Jérôme, le royaume de Westphalie fut un exemple concret du labeur étatique résultant de l'appartenance au système fédératif français.

— Le poids de l’idéologie

Si Napoléon avait fait passer l'axe de ses « conquêtes morales » par la promulgation d'une constitution, il lui fallut également charger une régence de viabiliser, entre les mois de septembre et de décembre 1807, le terrain sur lequel Jérôme allait ériger les institutions constitutionnelles (11). L'Empereur utilisa trois commissaires appelés à rester en place dans le gouvernement régulier. Tous trois issus du conseil d'État : d'une part, le préfet Jean-Claude Beugnot (1761-1835) (12), qui s'acquitta de l'organisation de l'administration et des finances, aidé en matière de Trésor par le préfet Jean-Baptiste-Moïse Jollivet (1753-1818) (13) ; d'autre part, pour procéder à l'organisation judiciaire et à l'introduction du code Napoléon, prévue par la constitution pour le 1er janvier 1808 (14), le comte Joseph-Jérôme Siméon (1749-1842) qui resta dans le royaume de Westphalie jusqu'en 1813, à la fois comme ministre de la Justice et comme président du conseil d'État ainsi que, « accessoirement », comme grand-maître de la franc-maçonnerie westphalienne (15). Le 8 décembre 1807, Jérôme Bonaparte prit possession de son trône à Cassel, la capitale de son royaume et, après avoir dissous la régence, il organisa immédiatement le gouvernement régulier (16). L'instauration de l'État-modèle westphalien se poursuivit selon l'impulsion napoléonienne et mue sur place par deux raisons : « d'un côté, les convictions héritées du siècle des Lumières et, de l'autre, les problèmes financier et d'intégration » propres à cet État né de l'agglomération de pays divers, autrement dit, mue par le culte de la raison et par une raison d'État purement westphalienne :
« Entre le gouvernement français et la bureaucratie de l'État westphalien, il existait un consensus idéologique. D'un côté comme de l'autre, la conception de l'État et les méthodes de gouvernement de l'absolutisme bureaucratique rencontraient un large écho. […] L'obligation de construire un État sur les principes de la rationalité et de l'efficacité, correspondait de façon idéale aux conceptions de la bureaucratie réformatrice westphalienne. De même la réalisation de l'égalité de tous les citoyens devant la loi appartenait aux exigences de la pensée du siècle des Lumières » (17).

À ces motifs idéologiques s'ajoutaient « les motifs appartenant à la raison d'État westphalienne qui parlaient en faveur de l'introduction de l'ordre administratif et juridique français dans le royaume » (18), notamment ceux qui étaient nés du difficile problème de l'intégration de territoires hétérogènes aux institutions plurales et qui exigeaient une administration uniformisée et un seul droit (19). Il y eut donc poursuite d'un processus de monopolisation de tous les pouvoirs et de concentration de l'autorité : la construction de l'appareil étatique fut menée rapidement en quelques mois en suivant à la fois les préceptes de la constitution et les textes préparés lors de la régence et rédigés ensuite par le conseil d'État westphalien (20).

— Le temps des mesures

Le 11 décembre 1807, le roi Jérôme inaugura le conseil d'État (21) dont tous les membres, à l'exception de deux, appartenaient à la haute noblesse. Au bout de quelques mois, le roi ne conserva de son premier gouvernement que Siméon à la Justice et nomma des ministres westphaliens pour les portefeuilles des Finances – Von Bulöw, remplacé ensuite par Malchus en 1811 – et de l'Intérieur – Von Wolffradt resté en place jusqu'en 1813 – tandis que celui de la Guerre restait à un Français selon le désir de Napoléon (22). Par contre, le roi Jérôme ne put obtenir le départ de Jollivet du royaume de Westphalie où il demeura comme agent de l'Empereur.
La division territoriale en départements, arrondissements, cantons et communes (23) se fit sur des critères géographiques. Des mobiles d'efficacité présidèrent à l'instauration des ministères et des administrations préfectorales et sous-préfectorales (24) tout comme à l'organisation de la justice avec des tribunaux de police dans chaque commune, des juges de paix – Friedensrichter – dans chaque canton, des tribunaux de première instance dans chaque arrondissement, des tribunaux criminels dans chaque département, une seule cour d'appel – Appelationsgericht – pour le royaume et, enfin, une cour de cassation, c'est-à-dire le conseil d'État qui en faisait fonction (25). Les compétences de l'État s'élargissent aussi aux affaires communales, à l'état-civil, à l'éducation et à l'assistance aux pauvres et aux malades. Un système de perception unique et hiérarchisé (26) ainsi que l'établissement des douanes aux frontières améliorèrent de façon sensible les revenus de l'État. « Le territoire de l'État constitua un espace économique fermé, régi par un seul droit commercial et un seul système de monnaies, de poids et mesures, copiés sur le modèle français » (27) où le commerce et l'industrie se développèrent sans entraves grâce à la liberté de la concurrence, à la liberté de produire et à l'abolition des frontières intérieures.

Néanmoins, le royaume de Westphalie était avant tout une société et une économie agraires où « dominaient les formes de propriété et le droit propre au système de la seigneurie foncière » (28) contraires à la conception bourgeoise de la propriété inscrite dans le code Napoléon. Une voie moyenne fut choisie entre l'abolition sans indemnité et le maintien du régime de la seigneurie foncière : le rachat des droits seigneuriaux (29). Ce qui n'entraîna que peu de changements dans les modes de propriété et les liens de dépendances existant auparavant. La voie de la réforme et le passage progressif d'un régime de la seigneurie foncière à celui de la propriété et de la société bourgeoises avaient prévalu (30) du fait de la structure de la société westphalienne qui ne connaissait pas de bourgeoisie puissante comme celles de Saxe ou de Berg mais vivait toujours sous la domination de la noblesse foncière qu'il fallait ménager, surtout en raison de l'existence parallèle des domaines appartenant aux dotations impériales (31).

La noblesse ne redouta donc pas de voir le bouleversement révolutionnaire de l'ordre social existant dans les campagnes, mais elle eut à subir la pleine égalité civile et politique des citoyens devant l'État. Elle perdit son monopole sur les plus hauts grades de l'administration et de l'armée (32), ses privilèges en matière d'impôt et de juridiction ainsi que son droit de justice patrimoniale. Les serfs reçurent la liberté personnelle (33), les différences juridiques entre les habitants mêmes des villes et celles entre les villes et la campagne disparurent du fait de la suppression des États des pays, des corporations et de leurs privilèges (34). Luthériens, réformés, catholiques et juifs furent égaux devant la loi et vis-à-vis de l'État (35), le décret des juifs datant du 27 janvier 1808 (36). Il s'agissait ainsi de l'accomplissement d'une « transition vers une société formée de citoyens [où] la fortune, la fonction et la notoriété déterminèrent désormais le rang du citoyen dans la société et l'État » (37).

Apparemment, n'ayant fonctionné qu'à trois reprises, le système représentatif basé sur des collèges de départements – intégrés par 600 notables dont un tiers de marchands, fabricants, d'artistes et de savants – et sur les États du royaume – Ständeversammlung – (38) relevait d'un « “constitutionnalisme de façade” » et « si administrativement et juridiquement l'État-modèle westphalien était l'image fidèle de l'Empire français, cependant, la politique napoléonienne de l'État-modèle manqua son but » (39) tant en raison des contradictions internes de la politique hégémoniale de l'Empereur vis-à-vis du royaume de Westphalie – ce qui ne manque pas d'être souligné par les velléités d'« indépendance » du souverain qui avait été placé à la tête de cet État – que des conditions sociales propres à ce royaume.

Les carences du système impérial

Les raisons internes à l'expansion française en Europe au tournant des XVIIIe et XIXe siècles emportaient avec elles de vastes nécessités financières. À son tour, Napoléon ne put arrêter les désordres que ses propres exigences financières introduisaient dans les nouveaux systèmes westphalien, allemand et européen. Néanmoins, cet échec indiscutable incite à réfléchir sur le lien qui existe entre Napoléon et l'histoire allemande contemporaine car ce qu'il aurait manqué alors serait en fait ce qu'il aurait le mieux réussi aux yeux de l'histoire européenne : le bouleversement des structures de l'Ancien Régime.

— « La guerre nourrit la guerre » : le désordre financier

La permanence de la logique d'expansion guerrière voulue par Napoléon obligeait le nouveau royaume de Westphalie à poursuivre le paiement de contributions extraordinaires à l'Empire (40), à entretenir des troupes françaises stationnées à Magdebourg toujours plus nombreuses (41), à former une armée supérieure au seuil constitutionnel de 25 000 hommes et à participer aux affaires d'Espagne, à la guerre contre l'Autriche et à la campagne de Russie (42). Les dépenses militaires s'élevèrent pour la première année du règne à 11 millions et demi de francs pour les troupes westphaliennes et près de 10 millions pour les impériales alors que la cour en coûtait de 5 à 6 millions et le gouvernement environ 17 millions de francs. Les dépenses militaires ne cessèrent d'augmenter chaque année alors que les revenus demeurèrent constants entre 30 et 34 millions de francs et le déficit budgétaire passa des 37 millions de francs dus à la France lors de la création du royaume en 1807 à 220 millions de francs à la fin de l'année 1813.

Sur le plan extérieur, la représentation du royaume de Westphalie, qui était sous la responsabilité du ministre secrétaire d'État, ne cessa de coûter chaque année de plus en plus chère puisqu'elle s'étendit en France, en Prusse, en Saxe, en Hollande, en Russie, au Danemark, en Autriche, en Bavière, au Wurtemberg et dans diverses capitales allemandes mineures.

Les conditions sociales locales prévalurent aussi dans l'échec de la politique de l'État-modèle. La conscription entraîna la désertion. Les habitants connurent la misère et la nécessité car le blocus continental interrompit les antiques liaisons avec l'Angleterre et l'Outre-mer ; en outre, la France interdit les exportations westphaliennes vers la Hollande, la Suisse et l'Italie ce qui anéantit la principale industrie, celle du lin, et préjudicia gravement au commerce des draps de laines ainsi qu'aux exportations de céréales. « La politique des “conquêtes morales ” [aboutissait] dans le vide » (43), d'autant plus que la politique sociale que menait Napoléon l'avait conduit à créer de nouvelles entraves à la viabilité financière des États satellites de son Empire. Il souhaita s'attacher définitivement comme base de son pouvoir en France une noblesse militaire et de service en la dotant de majorats, c'est-à-dire de propriétés foncières avec les droits et privilèges qui en découlaient mais libres de toute charge, c'est-à-dire des dettes des prédécesseurs. Le royaume de Westphalie perdit ainsi d'importantes sources de revenus et vit empêcher sa réforme agraire (44). En effet, puisqu'ils n'étaient pas situés en France mais dans les pays conquis, notamment, et en bonne partie, en Westphalie, où la moitié des domaines allodiaux des familles régnantes détrônées avait été réservée à Napoléon, ces majorats avaient joui d'un véritable statut extra-territorial (45).

Un autre facteur de désagrément vint se cumuler aux premiers lorsque Napoléon décida, le 14 janvier 1810, d'annexer au royaume de Westphalie la forteresse de Magdebourg et la partie du Hanovre jusque-là « pays réservé ». Alors que le duché promettait 15 millions de francs de ressources et 800 000 habitants supplémentaires pour le royaume de Westphalie, Napoléon fit accepter à Jérôme la charge supplémentaire de 6 000 cavaliers impériaux, soit 10 millions de francs, ainsi que la présence de douaniers français chargés de veiller à l'application du Blocus continental. Bien que la dette de l'ensemble du duché de Hanovre s'élevât à 180 millions de francs, l'Empereur se réservait encore le produit des biens dont il avait été pris possession en son nom (46). Napoléon refusa ensuite de ratifier un acte explicite de cession du Hanovre à Jérôme. Celui-ci procéda néanmoins à l'intégration du duché dans son royaume et, en septembre 1810, trois nouveaux départements étaient montés avec une représentation aux États du royaume, une organisation judiciaire identique au reste du royaume et, bien sûr, l'introduction du code Napoléon. Les conflits avec l'administration militaire du maréchal Davout furent alors quotidiens (47).

Le 13 décembre 1810, toujours dans l'espoir de rendre plus efficace la lutte contre la contrebande, un sénatus-consulte constitua les trois départements hanséatiques des Bouches-de-l'Elbe (Hambourg), des Bouches-du-Weser (Brême) et de l'Ems-Supérieur (Osnabrück). En annexant la moitié nord-est du royaume de Westphalie à l'Empire français, Napoléon laissait à Jérôme la moitié la moins fructueuse du duché de Hanovre et lui ôtait la majeure partie de son département du Weser avec Osnabrück. Un traité en date du 10 mai 1811 statua définitivement sur le partage de la dette en laissant 40 millions de francs à honorer par le royaume de Westphalie ; en outre, les terres réservées étaient exemptées de toutes taxes et charges, réquisitions ou obligations de logements et il était établi des conditions spéciales pour le rachat des dîmes (48).

— Napoléon et l’histoire allemande

Selon Conelly, Jérôme, que Napoléon ne cessat de morigéner pour son insouciance et qui avait été surnommé le « roi espiègle » – Koenig Lustigk –, aurait subi le sort du roi de Hollande si la Russie n'était pas sortie du système continental à la fin de l'année 1810 ou si, en 1812, la campagne de Russie avait été victorieuse (49). Les contradictions profondes de la politique napoléonienne, aussi bien celle de domination européenne que celle des « conquêtes morales », se sont révélées dans l'édification de ce royaume de Westphalie doté d'institutions modèles dans les domaines administratifs et judiciaires.

Issues toutes les deux de l'Empire carolingien, la France et l'Allemagne possédaient bien des points communs, mais Napoléon ne pouvait ignorer qu'elles s'étaient développées différemment sur le plan politique et étatique. La continuité et la cohérence de toute l'histoire allemande s'étaient faites sous l'angle de l'histoire sociale plutôt que sous celui de l'histoire des institutions. Aussi, faute de tenir compte des « différences existant, dans les structures sociales, entre la France et la Westphalie », la domination napoléonienne apporta à la noblesse foncière « plus de désagréments que d'avantages, c'est pourquoi [elle] ne put pas se porter comme défenseur de l'ordre nouveau… la masse de paysans n'y [étant] pas davantage disposée » (50). Aussi quand le régime s'effondra après la défaite de Leipzig, aucune couche de la population ne montra le désir de la conserver. Cependant, l'introduction de l'égalité civile et de la liberté des personnes et des propriétés au moyen du code Napoléon « déracina » (51) le système féodal de prédominance de la noblesse et de servage des paysans et empêcha sa restauration après les huit années de domination napoléonienne. Certes, cette émancipation fut retardée jusqu'à la révolution de 1848, mais elle s'acheva dans les années 1860.

Surtout, c'est par le double truchement de la Prusse que les réformes westphaliennes furent maintenues. En effet, « la Prusse, sur le point d'être anéantie, entama à partir de 1807 une politique énergique de réformes en concurrence avec le royaume de Westphalie, créé à partir des territoires ci-devant prussiens ». Ainsi, elle annula le servage et les privilèges de la noblesse par un édit du 9 octobre 1807. Puis, en 1811 et en 1816, elle promulgua des décrets qui séparèrent les biens des nobles et des paysans, mais sans toucher à la justice seigneuriale. En 1810, elle promulgua la liberté de commerce et d'industrie et, en 1812, elle commença l'émancipation des juifs. Sur le plan de l'administration intérieure générale, des ministres remplacèrent les conseils traditionnels et le cabinet du roi à partir de 1808 (52), un conseil des ministres étant même créé en 1814, la Prusse réorganisant « les ministères sous la responsabilité unique du ministre, quand fut repris l'ancien ministre des Finances de Westphalie dans ses services (1813-1817) ». Un conseil d'État fut installé en 1817. Une gendarmerie dépendant du ministre de l'Intérieur fut formée en 1812. Une université fut fondée à Berlin en 1810 (53). Dès 1808, des structures administratives comparables aux départements furent établies (54). Mais au-delà de cette concurrence dans la politique de réformes, qui ne manqua pas d'avoir une influence prolongée en Allemagne, l'imprégnation du modèle français sur le royaume de Westphalie survécut à sa disparition. Le 30 septembre 1813, Jérôme fut chassé de sa capitale par les troupes russes. Après un bref retour, le 16 octobre, il fut définitivement chassé de son royaume dix jours plus tard, le 26. Les territoires ayant formé ce royaume furent aussitôt restitués à leurs propriétaires ancestraux :
« À la différence de la Hesse, du Hanovre et du Brunswick, la Prusse conserva la législation du gouvernement westphalien. Là où la continuité étatique fut brisée, la tradition westphalienne fut conservée au moins parmi les fonctionnaires éclairés […]. L'État-modèle westphalien survécut donc de différentes manières. C'est ici, et non dans la notion de “domination étrangère” trop soulignée autrefois, que réside la signification historique du royaume de Westphalie et de l'époque napoléonienne pour l'histoire de l'Allemagne » (55).

L'expansion impériale en exportant son prétendu système fédératif remodela la carte politique de l'Allemagne. Tout en la mettant en coupe réglée, Napoléon lui fit subir des réformes de structures, non seulement politiques et administratives, mais aussi juridiques et sociales, qui étaient, dans les faits, autant de ruptures avec l'Ancien Régime et faisaient qu'à terme son impact sur la société allemande fut aussi profond que sur la société française.

 

 

Notes

(1) Pour de plus amples détails sur la Confédération du Rhin, voir Roger Dufraisse, « Confédération du Rhin », Dictionnaire Napoléon, 1987, pp. 457-463.
(2) Sur le grand duché de Berg, voir R. Dufraisse, « Berg », Dictionnaire Napoléon, 1987, pp. 196-200. Quand Murat devint officiellement roi de Naples, le 15 juillet 1808, et jusqu'au 24 septembre 1810, les affaires du grand duché de Berg furent d'abord traitées à Paris par la secrétairerie d'État puis, lors de la régence organisée à partir du mois de mars 1809, par un secrétariat d'État pour le grand duché de Berg confié à Roederer avec un commissaire français à Düsseldorf, Beugnot.
(3) L'expression est d'Helmut Berding (traduction R. Dufraisse), « Le royaume de Westphalie, État-modèle », Francia, 1983, pp. 345-358. Cet article a été repris, dans le Dictionnaire Napoléon, sans notes et sans un développement sur les résistances des États de la Confédération du Rhin à la rédaction d'une constitution (pp. 1746-1750).
(4) Titre II de la constitution : « art. 5 [et unique]. Le royaume de Westphalie fait partie de la Confédération du Rhin. Son contingent sera de 25 000 hommes de toutes armes, présents sous les armes ; savoir : 20 000 hommes d'infanterie, 3 500 de cavalerie, 1 500 d'artillerie. Pendant ces dernières années, il sera seulement soldé dix mille hommes d'infanterie, deux mille de cavalerie et cinq cents d'artillerie ; les douze mille cinq cents autres seront fournis par la France, et tiendront garnison à Magdebourg. Ces douze mille cinq cents hommes seront soldés, nourris et habillés par le roi de Westphalie ».
(5) H. Berding, « Le royaume de Westphalie... », pp. 346-347.
(6) O. Conelly, Napoleon's Satellite Kingdoms, p. 183.
(7) « Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions, empereur des Français, roi d'Italie, et protecteur de la Confédération du Rhin. Voulant donner une prompte exécution à l'article 19 du traité de paix de Tilsit, et établir pour le royaume de Westphalie des constitutions fondamentales, qui garantissent le bonheur des peuples qui le composent, et qui en même temps, assurent au souverain les moyens de concourir, en qualité de membres de la Confédération du Rhin, à la prospérité commune, Nous avons statué et statuons ce qui suit... ».
((8) Napoléon à Jérôme, 15 novembre 1807, Correspondance... Napoléon, n° 13361.
(9) Louis Madelin, L'Empire de Napoléon, Paris, 1946, p. 264.
(10) H. Berding, « Le royaume de Westphalie... », pp. 347-349.
(11) Article 4 de la constitution : « Au premier décembre, le roi de Westphalie sera mis en possession par des commissaires, que nous nommerons à cet effet, de la pleine jouissance et souveraineté de son territoire ».
(12) Député à la Législative. Emprisonné à la Terreur. Il entra au service de Lucien Bonaparte, au ministère de l'Intérieur ; il se vit confier le choix des préfets et la rédaction de la circulaire relative à leurs attributions dont Napoléon conserva les trois-quarts. Nommé alors préfet de Rouen, il y demeura jusqu'en mars 1806 quand il entra au conseil d'État, à la section de l'Intérieur. Sa mission dans le royaume de Westphalie fut suivie d'une autre similaire dans le grand duché de Berg, destiné désormais (juillet 1808) au fils aîné de Louis Bonaparte. Comte de l'Empire puis officier de la Légion d'honneur en 1809, il se crut promis à une grande carrière. Mais la nomination de Roederer comme ministre secrétaire d'État du grand duché, le 23 septembre 1810, fut une désillusion. Il revint en France, à la fin de l'année 1813, comme préfet à Lille. À la chute de l'Empire, il devint commissaire à l'Intérieur et au Culte dans le gouvernement provisoire puis directeur général de la police. Désigné dans la commission chargée de rédiger la charte, il en fut le secrétaire. Ministre de la Marine de Louis XVIII, le 3 décembre 1814. Il suivit le roi pendant les Cent-Jours. Perçu comme un ultra, il était exclu de la combinaison Talleyrand-Fouché. Député de Rouen en 1816. Dictionnaire Napoléon, 1987, pp. 211-212.
(13) Notaire de 1786 à 1788 ; élu à l'Assemblée législative où il siégea parmi les modérés. Membre de la commission extraordinaire des finances de la Convention en l'an III et de celle des négociants de la République près du ministre des Finances en l'an V. Rallié au coup d'État de Brumaire, il entra au conseil d'État le 4 nivôse an VIII, mais fut rapidement désigné comme préfet du Mont-Tonnerre ; il eut à s'occuper de l'organisation des départements rhénans. S'il joua dans le royaume de Westphalie un rôle important, Jérôme « voyait en lui une sorte d'agent supérieur de la police impériale ». Comte de l'Empire le 2 août 1808. Dictionnaire Napoléon, 1987, p. 972.
(14) Article 45 de la constitution : « Le code Napoléon formera la loi civile du royaume de Westphalie, à compter du premier janvier 1808 ». La traduction du code allemand fut supervisée par un professeur de l'Université de Göttingen, Leist ; elle fut imprimée en septembre 1808 ; cf. O. Conelly, Napoleon's Satellite Kingdoms, p. 189. Il faut noter qu'il s'agissait donc d'une autre traduction que celle qui avait été effectuée pour le grand duché de Berg ; Paul-Ludwig Weinacht, « Réception et refus du Code Napoléon en Allemagne pendant la première décade du XIXe siècle », Napoléon et l'Europe. Regards croisés d'historiens européens, communication au colloque international de La Roche-sur-Yon, 8-9 juin 2001.
(15) Avocat à Aix. Élu au conseil des Cinq-Cents le 24 vendémiaire an IV, il siégea parmi les modérés. Emprisonné entre les coups d'État de Fructidor et de Brumaire. Membre du Tribunat, il prit une part active à la rédaction du Code civil et fut chargé de la présenter au Corps législatif. Nommé conseiller d'État en 1804, après s'être prononcé pour l'établissement de l'Empire. Dictionnaire Napoléon, 1987, pp. 1576-1577. Sur son action dans le royaume de Westphalie, voir Jean Tulard, « Siméon et l'organisation du royaume de Westphalie », Francia, 1970. Siméon avait été garde des sceaux du Grand-Orient et sa Grande-Loge fut très prospère dans le royaume de Westphalie ; voir sur ce point ainsi que pour l'ensemble de la question dans l'Europe sous emprise napoléonienne, François Collaveri, « Franc-maçonnerie », Dictionnaire Napoléon, 1987, pp. 758-762.
(16) À l'origine, ce gouvernement était composé uniquement de Français : Siméon à la Justice et à l'Intérieur, Beugnot et Jollivet aux Finances, le général Lagrange à la guerre et de Marinville comme secrétaire d'État – Staatsekretär – qui préféra se consacrer aux affaires étrangères qui lui étaient de fait rattachées. Ce dernier fut remplacé en 1808, et jusqu'en 1813, par Le Camus (1777-1824), un Créole compagnon d'aventures de Jérôme dans les Antilles dont Napoléon aurait bien voulu que son frère se défît. Il faut mentionner également le directeur général de la police, Legras de Bercagny (1761-1833), écarté en 1809, au profit du général Bongars, pour avoir été chef du parti qui considérait la Westphalie comme une colonie française, ou le secrétaire général du gouvernement et rédacteur en chef du Moniteur westphalien, Jacques Marquet de Montbreton de Norvins (1769-1854). Sur ces points, voir O. Conelly, Napoleon's Satellite Kingdoms, pp. 185 et s.
(17) H. Berding, « Le royaume de Westphalie... », p. 350.
(18) Ibid.
(19) En 1809, des moutures révisées des codes de procédure civile et de procédure criminelle furent publiées suivies, au cours de l'année 1810, de celle, ajustée aux usages du pays, du  Code pénal et de celle du Code de commerce.
(20) De manière générale, les conseils d'État institués par Napoléon en Europe contribuèrent effectivement à l'activité législative de leur pays et ne furent pas de simples chambres d'enregistrement, se comportant à quelques reprises comme des « assemblées politiques défendant les droits et les intérêts locaux contre la politique française d'assimilation et les prélèvements de plus en plus lourds que l'administration napoléonienne voulait leur imposer », Le conseil d'État, son histoire à travers les documents d'époque, 1799-1974, Paris, Éditions du CNRS, 1974, p. 166. Pour une comparaison des divers conseils d'État napoléoniens, voir Xavier Abeberry, Le gouvernement central de l'Espagne sous Joseph Bonaparte (1808-1813). Effectivité des institutions monarchiques et de la justice royale, thèse droit, Université de Paris XII, 2001, pp. 192-194.
(21) Titre VI de la constitution : « Art. 21. Le conseil d'État sera composé de seize membres au moins, et de vingt-cinq membres au plus, nommés par le roi, et révocables à volonté. Il sera divisé en trois sections : section de la justice et de l'intérieur, section de la guerre, section du commerce et des finances ».
(22) Il faut noter que, pour dissocier les portefeuilles de la Justice et de l'Intérieur en 1808, Jérôme profita de l'ambiguïté de la rédaction de l'article 19 de la constitution – « Les ministres sont au nombre de quatre ; savoir : un pour la justice et l'intérieur, un pour la guerre, un pour les finances, le commerce et le trésor. Il y aura un ministre secrétaire d'État. » et de la notion de ministre secrétaire d'État.
(23) Titre VIII de la constitution : « Art. 34. Le territoire sera divisé en départements, les départements en districts, les districts en cantons, et ceux-ci en municipalités. Le nombre des districts ne pourra être au-dessous de trois, ni au-dessus de cinq par départements ».
(24) Article 35 : « Les départements seront administrés par un préfet. Il y aura dans chaque préfecture un conseil de préfecture pour les affaires contentieuses, et un conseil général de département ». Article 36 : « Les districts seront administrés par un sous-préfet. Il y aura dans chaque district ou sous-préfecture, un conseil de district ». Les huit préfets aux pouvoirs très élargis, nommés par Siméon, étaient tous des Allemands et généralement nobles ; les préfets de police, souvent des Français, leur furent soumis ; voir O. Conelly, Napoleon's Satellite Kingdoms, p. 188.
(25) Article 21 alinéa 3 : « Le conseil d'État fera les fonctions de cour de cassation. Il y aura auprès de lui des avocats pour les affaires qui sont de nature à être portées à la cour de cassation, et pour le contentieux de l'administration ».
(26) Article 16 : « Le système d'imposition sera le même pour toutes les parties du royaume. L'imposition foncière ne pourra dépasser le cinquième du revenu ».
(27) H. Berding, « Le royaume de Westphalie... », p. 352. L'article 17 de la constitution portait en effet : « Le système monétaire et le système des poids et mesures maintenant en vigueur en France, seront établis dans tout le royaume ».
(28) Ibid.
(29) Il s'agissait pour le gouvernement d'« une voie moyenne raisonnable entre la rigueur de la loi et les considérations que l'on devait avoir pour une longue possession et pour un héritage familial héréditaire », Westphälische Moniteur, n° 58, 10 mai 1808, p. 235, cité par H. Berding, « Le royaume de Westphalie... », p. 352.
(30) Rapport de Beugnot à Napoléon : « Car la féodalité qui subsiste dans vos États [de Westphalie] n'est pas cette féodalité adoucie et presque éteinte qu'on trouvait en France en 1789, et où l'on n'apercevait plus que des privilèges et des droits honorifiques ; ici, la féodalité tient à l'ordre social, elle en est la racine [...]. Toute réforme doit être lente et mesurée : cette matière est l'une de celles où le temps s'est réservé les succès. », cité par Ch. Schmidt, Le Grand-Duché de Berg (1806-1813). Étude sur la domination française en Allemagne sous Napoléon Ier, Paris, 1905, p. 485 et repris par Stuart Woolf (traduction Jeannie Carlier et Isabelle Detienne), Napoléon et la conquête de l'Europe, Paris, Flammarion (Histoires), 1990, pp. 171-172.
(31) Article 2 de la constitution : « Nous nous réservons la moitié des domaines allodiaux des princes, pour être employés aux récompenses que nous avons promises aux officiers de nos armées qui nous ont rendu le plus de services dans la présente guerre. La prise de possession de ces biens sera faite, sans délai, par nos intendants, et le procès-verbal en sera dressé contradictoirement avec les autorités du pays avant le premier décembre ».
(32) Article 14 : « La noblesse continuera de subsister dans ses divers degrés et avec ses qualifications diverses, mais sans donner ni droit exclusif à aucun emploi et à aucune fonction ou dignité, ni exemption d'aucune charge publique ».
(33) Article 13 : « Tout servage, de quelque nature et sous quelque dénomination qu'il puisse être, est supprimé, tous les habitants du royaume de Westphalie devant jouir des mêmes droits ».
(34) Article 11 : « Les États, soit généraux, soit provinciaux, des pays dont le royaume est composé, toutes corporations politiques de cette espèce, et tous privilèges desdites corporations, villes et provinces, sont supprimés ». Article 12 : « Sont pareillement supprimés tous privilèges individuels, en tant qu'ils sont incompatibles avec les dispositions de l'article ci-dessus ».
(35) Article 10 : « Le royaume de Westphalie sera régi par des constitutions qui consacrent l'égalité de tous les sujets devant la loi, et le libre exercice des cultes ».
(36) Mais « le directeur général de la haute police, par une décision arbitraire, [priva] les juifs de la liberté de se déplacer sans une autorisation préalable et le paiement d'une taxe spéciale ; c'est que les petits producteurs de laine se plaignent de la concurrence des colporteurs juifs », S. Woolf, Napoléon et la conquête de l'Europe, p. 300.
(37) H. Berding, « Le royaume de Westphalie... », p. 354.
(38) Titre VII de la constitution : « Art. 29. Les États du royaume seront composés de cent membres, nommés par des collèges de département ; savoir : soixante-dix membres choisis parmi les propriétaires, quinze parmi les négociants et les fabricants, et quinze parmi les savants et les autres citoyens qui auront bien mérité de l'État. Les membres des États ne recevront pas de traitement. Art. 30. Ils seront renouvelés par tiers tous les trois ans : les membres sortants pourront être immédiatement réélus. Art. 31. Le président des États est nommé par le roi. Art. 32. Les États s'assemblent sur la convocation ordonnée par le roi. Art. 33. Les États délibèrent sur les projets de lois qui ont été rédigés par le conseil d'État, et qui leur sont présentés par ordre du roi, soit pour les impositions ou la loi annuelle des finances, soit sur les changements à faire au Code civil, au Code criminel, et au système monétaire. Les comptes imprimés des ministres leur seront remis chaque année. Les États délibèrent sur les projets de lois au scrutin secret et à la majorité absolue des suffrages ».
(39) H. Berding, « Le royaume de Westphalie... », p. 354.
(40) Article 3 de la constitution : « Les contributions extraordinaires de guerre qui ont été mises sur lesdits pays, seront payées, ou des sûretés seront données pour leur paiement, avant le premier décembre [1807] ».
(41) Les troupes impériales passèrent de 12 500 hommes, en 1808 et 1809, à 18 500, en 1810 et 1811, puis 24 000, en 1812, et même 30 000 hommes en 1813.
(42) Fin 1808, Jérôme avait déjà 14 000 hommes, dont une garde royale de 2 100 hommes, entraînés, armés, équipés et manoeuvrables et 4 000 autres à l'entraînement. 7 000 conscrits devaient entrer dans les casernes en février 1809. L'effort de guerre en hommes du royaume de Westphalie fut remarquable : 70 000 appelés et 30 000 volontaires entre janvier 1808 et octobre 1813. Les pertes, au sens large, furent importantes : 7 000 (5 000 morts) des 9 500 hommes envoyés en Espagne en 1809 ; 20 500 des 22 000 hommes de la campagne de Russie.
(43) H. Berding, « Le royaume de Westphalie... », p. 355.
(44) Selon les estimations arrêtées par l'administration impériale, 943 dotations furent accordées en Westphalie pour un montant de 6 768 166 francs. Jusqu'en 1814, Napoléon accorda 4 042 dotations pour un montant de 18 212 930 francs alors que le produit total des biens dont il avait été pris possession en son nom dans les pays conquis s'élevait à 22 529 646 francs ; sources dans H. Berding, Napoleonische Herrschafts- und Gessellschafspolitik im Königreich Westfalen 1807-1813, Göttingen, 1973, p. 148. Pour N. Gotteri, « les montants impressionnants atteints par certaines dotations ne doivent pas faire illusion [...] il faut tenir compte de plusieurs facteurs pour tenter de nuancer... des estimations établies de manière absolue. [...] ces dotations [situées à l'étranger]... sont donc très difficiles à gérer, il faut y entretenir un personnel suffisant pour les mettre en valeur. De plus, les domaines, [éprouvés par les guerres], exigent des mises de fonds considérables pour être de nouveau rentables. Enfin, on ne doit pas omettre que leurs revenus... sont soumis à de strictes impositions régulièrement perçues par la caisse d'amortissement, la caisse de la Légion d'honneur ou la caisse du sceau des titres, à raison d'un cinquième du montant des revenus annuels », Nicole Gotteri, Grands dignitaires, ministres et grands officiers du Premier Empire. Autographes et notices biographiques, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1990, 264 p., p. 16.
(45) « Ces domaines appartiennent à mes généraux, qui ont conquis votre royaume ; c'est un engagement que j'ai pris envers eux et dont rien ne peut me faire départir », Napoléon à Jérôme, 17 décembre 1807, Mémoire et correspondance du roi Jérôme et de la reine Catherine (6 vol., Paris, 1861-1865), vol. III, p. 116, cité par H. Berding, Napoleonische Herrschafts..., p. 28 et repris par S. Woolf, Napoléon et la conquête de l'Europe, p. 190.
(46) Ce produit s'élevait à 5 785 119 francs qui permirent 391 dotations d'un montant total de 3 764 267 francs. Source dans H. Berding, Napoleonische Herrschafts..., p. 148.
(47) Cf. Frédéric Hulot, Le maréchal Davout, Paris, 2003, 267 p.
(48) O. Conelly, Napoleon's Satellite Kingdoms, p. 213 et S. Woolfs, Napoléon et la conquête de l'Europe, p. 190.
(49) O. Conelly, Napoleon's Satellite Kingdoms, pp. 213-214.
(50) H. Berding, « Le royaume de Westphalie... », pp. 356-357.
(51) Le mot est de Jacques-Olivier Boudon, « L'exportation du modèle français dans l'Allemagne napoléonienne », Napoléon et l'Europe. Regards croisés d'historiens européens, communication au colloque international de La Roche-sur-Yon, 8-9 juin 2001.
(52) Küster, ambassadeur de Prusse en Westphalie, à Frédéric-Guillaume III, octobre 1808 : « La principale caractéristique est l'heureuse unité de l'administration, qui remplace les éléments hétérogènes antérieurs ; sa simplicité, sa rapidité et sa force ne sauraient manquer de lui valoir un plein succès », H. Berding, Napoleonische Herrschafts..., p. 117, n° 12, cité par S. Woolf, Napoléon et la conquête de l'Europe, p. 169.
(53) Le royaume de Westphalie comptait à l'origine cinq universités : celles de Marburg (1527) et de Rinteln (1624) héritées de la Hesse, celles de Helmstedt (1575) héritée du Brunswick, celle de Halle (1694) qui appartenait à la Prusse et celle de Götingen (1734) issue du Hanovre. La perte de Halle provoqua la création de l'Université de Berlin en 1810. Fin 1809, Jérôme décida la fermeture des universités de Helmstedt et de Rinteln. Sur ces points, voir Owen Conelly, Napoleon's Satellite Kingdoms, New York, The Free Press, 1965, pp. 214 et s.
(54) Sur tous ces points, voir Bernd Wunder, « L'influence du modèle napoléonien sur l'administration allemande » in Les influences du « modèle » napoléonien d'administration sur l'organisation administrative des autres pays, Cahiers d'Histoire de l'Administration, n° 4, pp. 59-75.
(55) Ibid., pp. 357-358.
Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
450
Numéro de page :
p. 39-48
Mois de publication :
janvier
Année de publication :
2004
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