Redécouvrir le palais d’I Mulini de Napoléon à l’île d’Elbe

Auteur(s) : GINI BARTOLI Velia, MARTINELLI Roberta
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L'exil sur l'Elbe est une période considérée comme bien étudiée, malgré tout, jusqu'à cette année, « l'état » de la résidence impériale d'I Mulini était complètement inconnu, enterré sous deux siècles d'usage militaire abusif, de négligence et de mauvaise conservation. Il a fallu plus d'une décennie d'intenses travaux de recherche et d'archéologie menés par Roberta Martinelli, avec l'aide de Velia Gini Bartoli, pour enfin mettre en lumière le palais où Napoléon vécut et travailla.
Redécouvrir le palais d’I Mulini de Napoléon à l’île d’Elbe

Présentation des problématiques de recherches et de travaux

La résidence impériale à Portoferraio, sur l'île d'Elbe, I Mulini, est la seule résidence napoléonienne dans le monde où Napoléon, Empereur, a vécu sans interruption durant dix mois. Nonobstant ce fait remarquable, et la présence d'environ 200 000 visiteurs par an, le complexe des structures napoléoniennes, qui comprend également la maison de campagne de San Martino, n'a jamais reçu l'attention qu'elle méritait en regard des autres palais napoléoniens en Europe.
Cet état de fait a pour cause de nombreuses raisons différentes, le résultat n'en est pas moins la déception des visiteurs du site qui n'ont pas été, jusqu'à présent, en mesure de visualiser Napoléon dans ces lieux et, pire encore, le manque d'intérêt de la part des scientifiques, qui ont complètement abandonné l'étude du séjour sur l'île d'Elbe.

Le déclin d'I Mulini a commencé presque immédiatement après le départ de l'Empereur, le 26 février 1815, lorsque le site revint, et pour les 112 années suivantes, au gouvernement grand-ducal puis, plus tard, au sein des domaines de l'État italien qui l'utilisa à des fins militaires. Lorsque le complexe fut cédé au ministère italien de la Culture en 1927, ses caractéristiques napoléoniennes étaient presqu'effacées, qu'elles fussent internes, externes, ou dans ses relations avec les bâtiments périphériques.
Le gouverneur Strassoldo, en 1816, avait modifié les espaces internes de manière significative, en les adaptant à ses propres besoins à la fois pour ses fonctions de gouverneur et pour y résider avec sa famille. Il transforma ainsi l'appartement privé de Napoléon donnant sur le jardin en bureau pour secrétaire et en étude, reliant celle-ci à sa salle d'audience privée et l'antichambre. La galerie donnant sur le jardin menant à la Grande salle de bal devait être brutalement divisée en trois espaces : un couloir, une antichambre et une chambre à coucher. L'autre grand changement opéré fut le déplacement et l'intégration de l'escalier externe en colimaçon, qui reliait à l'origine la galerie du rez-de-chaussée à la chambre de l'Empereur au premier étage. Cette disposition d'origine reprenait le choix que Napoléon avait également fait pour sa résidence de Fontainebleau.
 
Ces transformations majeures allaient peser lourdement sur les interprétations ultérieures de l'état initial du Palais Impérial d'I Mulini. En fin de compte, au cours de la première moitié du XIXe siècle, le complexe de bâtiments devait être divisé en trois lots et cette opération comprenait le déplacement de l'entrée principale sur la façade ouest d'I Mulini et l'érection d'un mur séparant la résidence à partir du reste du complexe.
En dépit d'un vaste corpus de mémoires, de lettres, de plans et de documents historiques de l'époque témoignant de l'état d'origine, ces sources historiques vécurent une existence parallèle et indépendante aux côtés de la réalité des bâtiments qui s'organisèrent à des fins pratiques, « le mieux possible ». Compte tenu de l'absence presque complète de meubles d'origine et de la reconstruction « imaginative » et « audacieuse » des espaces intérieurs par un commissaire en particulier, dans les années 1950, I Mulini n'étais plus en mesure de transmettre au visiteur ne serait-ce que la moindre idée de ce que la résidence de l'Empereur avait été autrefois.

Notre travail s'est fondé sur une recherche qui a volontairement ignoré les comptes rendus approximatifs et superficiels du séjour Napoléon sur l'île d'Elbe, récits qui ne prêtent aucune attention aux deux seules sources cruciales qui donnent une image fidèle de la façon dont la vie de l'empereur a été structurée sur l'île, à savoir la Maison de l'Empereur et l'Étiquette impériale. Puisque Napoléon avait construit sa vie de palais, que ce fût à Paris ou sur l'île d'Elbe, sur ces deux « piliers », ils devaient devenir nos deux seules sources d'informations. En effet, la seule différence entre Paris et l'île d'Elbe tenait aux dimensions des espaces dans lesquels Napoléon vécut et travailla. Tout le reste, hiérarchie des espaces et organisation de la maison et de sa cour, sont identiques. I Mulini était un modèle réduit, mais néanmoins « tout comme à Paris » tel que le spécialiste, et principal partisan du projet, Bernard Chevallier l'a toujours décrit, à commencer par son introduction à l'inventaire des biens de la maison établi en octobre 1814 et publié sous le titre Mobilier en 2005. De fait, l'inventaire a été le fondement de toutes les recherches liées à la recréation de l'état napoléonien d'I Mulini, recherche qui a été généreusement financée par la Fondazione di Livorno.

Notre travail a permis le retour de Napoléon à sa résidence comme le retour de sa résidence à Napoléon. D'après les termes du spécialiste napoléonien italien, Luigi Migliorini Mascilli : « Ici, dans la Villa dei Mulini, comme sous la tente à Austerlitz et dans les salons du palais des Tuileries, [une fois de plus], nous pouvons comprendre l'éternel message : où l'empereur est, l'Empire est.  

Plan de Portoferraio 1841

Plan de Portoferraio. Les marques de la ligne verte sur la zone fortifiée au sein de laquelle se trouvait le complexe napoléonien de bâtiments, qui en plus d'I Mulini comprenait le théâtre, les cuisines, les jardins, les écuries, les forts de Stella et Falcone, et les pavillons temporaires où se trouvait la maison impériale déposée.
 
Présentation plus complète de ce document dans notre rubrique L'Objet du mois…

 

Reconstruction graphique de la partie centrale du complexe d’I Mulini, février 1815

Reconstruction graphique de la partie centrale du complexe d'I Mulini au moment du départ de Napoléon de l'île d'Elbe, le 26 février 1815.
 

Comparaison plan actuel – plan d’origine

Comparaison entre la disposition précédente des chambres d'I Mulini et celui qui est désormais présenté à compter de 2013, après la recherche philologique. Chaque couleur ombrée indique l'utilisation de la salle et les graves erreurs d'interprétation précédentes.

Projet de travaux de l’architecte Luigi Bettarini

Projet par l'architecte Luigi Bettarini, exécuté après l'aval d'une commission du gouverneur Strassoldo en avril 1816. Les démolitions sont indiquées en jaune, les nouvelles constructions sont indiquées en rouge. Ce plan a été utilisé comme base pour la reconstruction philologique du plan, ce qui permet d'identifier avec précision l'utilisation originale napoléonienne de la pièce en question.
 

Le Mobilier, l’inventaire de la résidence impériale à I Mulini

Le Mobilier, l'inventaire de la résidence impériale à I Mulini, que Napoléon avait commandé à Pierre Deschamps, préfet du Palais, et dressé en octobre 1814. Dans ce document, nous trouvons une description pièce par pièce des types de mobilier, des couleurs de l'ameublement, des revêtements muraux et même des objets sur les tables et des différents jeux de table, y compris la provenance de chaque objet.
 
 
Présentation, en 2010, de mobiliers acquis pour les Musées nationaux des Résidences Napoléoniennes de l'île d'Elbe, afin de reconstituer les décors.
 
 
Traduit de l'italien en anglais par Peter Hicks, traduit en français par Marie de Bruchard.

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