Document > Traité de cession de la Louisiane, entre la France et les États-Unis (10 floréal an XI / 30 avril 1803)

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Le Premier Consul de la République française, au nom du peuple français, et le Président des États-Unis d’Amérique, désirant prévenir tout sujet de mésintelligence relativement aux objets de discussion mentionnés aux articles 2 et 5 de la Convention du 8 Vendémiaire An IX (3 septembre 1800) et relativement aux droits réclamés par les États-Unis, en vertu du traité conclu à Madrid le 27 Octobre 1795 entre Sa Majesté Catholique et le Président des États-Unis, et voulant fortifier de plus en plus les rapports d’union et d’amitié qui, à l’époque de ladite convention, ont été heureusement rétablis entre les deux États, ont respectivement nommés pour plénipotentiaires, savoir, le Premier Consul, au nom du Peuple français, le Citoyen François Barbé-Marbois, ministre du Trésor Public ; et le Président des États-Unis d’Amérique, par et avec l’avis et le consentement du Sénat des États-Unis d’Amérique, Robert R. Livingston, ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire desdits États auprès du gouvernement de la République française, lesquels, après avoir fait l’échange de leurs pleins pouvoirs, ont convenu des articles suivants :

Article I

Attendu que, par l’article III du traité conclu à Saint-Ildefonso le 9 Vendémiaire An IX (1er septembre 1800), entre le Premier Consul de la République française et Sa Majesté Catholique, il a été convenu ce qui suit :
« Sa Majesté Catholique promet et s’engage de son côté à rétrocéder à la République française, six mois après l’exécution pleine et entière des conditions et stipulations ci-dessus relatives à Son Altesse Royale le Duc de Parme, la colonie ou province de la Louisiane avec la même étendue qu’elle a actuellement, entre les mains de l’Espagne et d’autres États. »
Et comme, par suite dudit traité et spécialement dudit article III, la République française a un titre incontestable au domaine et à la possession dudit territoire, le Premier Consul de la république, désireux de donner ici témoignage remarquable de son amitié aux États-Unis, il leur fait, au nom de la République française, cession à toujours et en pleine souveraineté dudit territoire en tous ses droits et appartenances, ainsi et de la manière qu’ils ont été acquis par la République française en vertu du traité susdit conclu avec Sa Majesté Catholique.

Article II

Dans la cession faite par l’article précédent, sont compris : les îles adjointes et dépendantes de la Louisiane, les emplacements et places publiques, les territoires vacants, tous les bâtiments publics, fortifications, casernes et autres édifices qui ne sont la propriété d’aucun individu. Les archives, papiers et documents relatifs au domaine et à la souveraineté de la Louisiane et dépendances seront laissés en possession des commissaires des États-Unis et, en attendant, les commissionnaires y seront installés, maintenus et protégés dans la jouissance de leurs libertés, propriétés et dans l’exercice des religions qu’ils professent.

Article III

Les habitants des territoires cédés seront incorporés dans l’Union des États, aussi prochainement qu’il sera possible et admis, suivant les principes de la Constitution fédérale, à la jouissance de tous leurs droits, aux avantages et immunités des citoyens des États-Unis, et en attendant seront maintenus et protégés dans la jouissance de leurs libertés, propriétés et dans l’exercice des religions qu’ils professent.

Article IV

Il sera envoyé, de la part du gouvernement français, un commissaire à la Louisiane, à l’effet de faire tous les actes nécessaires, tant pour recevoir des officiers de S.M.C. desdits pays, contrées et dépendances au nom de la République française, si la chose n’est pas encore faite, que pour les transmettre au dit nom, aux commissaires et agents des États-Unis.

Article V

Immédiatement après la ratification du présent traité par le Président des Etats-Unis et dans le cas où celle du Premier Consul aurait eu préalablement lieu, le Commissaire de la République française remettra tous les postes militaires de la Nouvelle-Orléans et autres parties du territoire cédé au Commissaire ou aux Commissaires nommés par le Président pour la prise de possession. Les troupes françaises ou espagnoles qui s’y trouveront cesseront d’occuper les postes militaires au moment de la prise de possession et seront embarquées, aussitôt que faire se pourra, dans le courant des trois mois qui suivront la ratification du traité.

Article VI

Les États-Unis promettent d’exécuter les traités et articles qui pourraient avoir été convenus entre l’Espagne et les tribus et nations indigènes (indiennes) jusqu’à ce que, du consentement mutuel des États-Unis, d’une part, et des indigènes (Indiens), de l’autre, il y ait été substitué tels autres articles qui auront été jugés convenables.

Article VII

Comme il est réciproquement avantageux au commerce de la France et des États-Unis d’encourager la communication des deux peuples pour un temps limité dans les contrées où il est fait cession par le premier traité jusqu’à ce que des arrangements généraux relatifs au commerce des deux nations puissent être convenus, il a été arrêté, par les parties contractantes, que les navires français venant directement de France ou d’aucune de ses colonies, uniquement chargés des produits des manufactures de la France et de ses colonies, et les navires espagnols venant directement de ports d’Espagne ou de ceux de ses colonies, uniquement chargés des produits des manufactures d’Espagne et de ses colonies, seront admis, pendant l’espace de douze années, dans le port de la Nouvelle-Orléans et dans tous les autres ports légalement ouverts, en quelque lieu que ce soit, des territoires cédés ainsi et de la même manière que les navires des États-Unis venant de France et d’Espagne ou d’aucunes de leurs colonies, sans être sujets à d’autres ou plus grands droits sur les marchandises, ou d’autres et plus grands droits de tonnage que ceux qui sont payés par les citoyens des États-Unis. Pendant l’espace de temps ci-dessus mentionné, aucune nation n’aura droit aux mêmes privilèges dans les ports du territoire cédé. Les douze années commenceront trois mois après l’échange des notifications, si elles ont lieu en France ou trois mois après qu’elles auront été notifiées à Paris au gouvernement français, si elles ont lieu dans les États-Unis. Il est laissé entendu que le but du présent article est de favoriser les manufactures, le commerce, le fret et la navigation de la France et de l’Espagne en ce qui regarde les importations qui seront faites par les Français et les Espagnols dans lesdits ports des États-Unis, sans qu’il soit rien innové aux règlements concernant l’exportation des produits et marchandises des États-Unis et aux droits qu’ils ont de faire lesdits règlements.

Article VIII

À l’avenir et pour toujours après l’expiration des douze années sous-dites, les navires français seront traités sur le pied de la nation la plus favorisée dans les ports ci-dessus mentionnés.

Article IX

La convention particulière signée aujourd’hui par les ministres respectifs ayant pour objet de pourvoir au paiement des créances dues aux citoyens des États-Unis par la République française, antérieurement au 8 Vendémiaire An IX (30 Septembre 1800), est approuvée pour avoir son exécution de la même manière que si elle était insérée au présent traité et elle sera notifiée en la même forme et au même temps, de sorte que l’une ne puisse l’être sans l’autre.

Article X

Le présent traité sera ratifié en bonne et due forme, et les ratifications seront échangées dans l’espace de six mois, après la date et la signature des plénipotentiaires, ou plus tôt s’il est possible.
En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs ont signé les articles ci-dessus, tant en langue française qu’en langue anglaise, déclarant néanmoins que le présent traité a été originairement rédigé et arrêté en langue française, et ils y ont apposé leurs sceaux.

Fait à Paris, le dixième jour de Floréal de l’An Onze de la République française, et le trente Avril 1803

Barbé-Marbois
Robert R. Livingston
James Monroe

 

Première convention financière annexée

Le Premier Consul de la République Française, au nom du Peuple Français, et le Président des États-Unis d’Amérique, par suite du traité de cession de la Louisiane qui a été signé aujourd’hui, et voulant régler définitivement tout ce qui est relatif à cette affaire, ont autorisé à cet effet des plénipotentiaires, savoir :
Le Premier Consul de la République Française, au nom du Peuple Français, a nommé pour plénipotentiaire de ladite République le citoyen François Barbé-Marbois ;
Et le Président des États-Unis d’Amérique, par et avec l’avis et le consentement du Sénat desdits États, a nommé pour leurs plénipotentiaires Robert R. Livingston, ministre plénipotentiaire des États-Unis, et James Monroe, ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire des États-Unis auprès du gouvernement de la République Française ;
Lesquels, en vertu de leurs pleins pouvoirs, dont l’échange a été fait aujourd’hui, sont convenus des articles suivants :

Article 1er

Le gouvernement des États-Unis s’engage à payer au gouvernement français, de la manière qui sera spécifiée en l’article suivant, la somme de soixante millions, indépendamment de ce qui sera fixé par une autre convention pour le paiement des sommes dues par la France à des citoyens des États-Unis.

Article 2

Le paiement des soixante millions de francs mentionnés au précédent article sera effectué par les États-Unis au moyen de la création d’un fonds de onze millions deux cent cinquante mille piastres, portant un intérêt de six pour cent par an payable tous les six mois à Londres, Amsterdam ou Paris, à raison de 337.500 piastres pour six mois, dans les trois places ci-dessus dites, suivant la proportion qui sera déterminée par la gouvernement français. Le principal dudit fonds sera remboursé par le Trésor des États-Unis, par des paiements annuels qui ne pourront être d’une somme moindre de trois millions de piastres par année, et dont le premier commencera quinze mois après la date de l’échange des ratifications. Ce fonds sera transféré au gouvernement de la France, ou à telle personne ou tel nombre de personnes qu’il chargera de le recevoir, dans les trois mois au plus tard après l’échange des ratifications de ce traité, et après la prise de possession de la Louisiane au nom du gouvernement des États-Unis.
Il est en outre convenu que, si le Gouvernement français était dans l’intention de disposer desdits fonds et d’en toucher le capital en Europe à des époques rapprochées, les opérations qui auront lieu seront conduites de la manière la plus favorable au crédit des États-Unis, et la plus propre à maintenir le prix avantageux du fonds qui doit être créé.

Article 3

La piastre ayant cours de monnaie dans les États-Unis, il est convenu que, dans les comptes auxquels la présente convention donnera lieu, le rapport de ladite monnaie avec le franc sera invariablement fixé à cinq francs 3.333/10.000, ou cinq livres huit sols tournois.
La présente convention sera ratifiée en bonne et due forme, et  les ratifications seront échangées dans l’espace de six mois à dater de ce jour, ou plus tôt s’il est possible.
En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs ont signé les articles ci-dessus, tant en langue française qu’en langue anglaise, déclarant néanmoins que le présent traité a été originairement rédigé et arrêté en langue française, et ils y ont apposé leurs sceaux.

Fait à Paris le 10 floréal an XI de la République Française (30 avril 1803)
BARBE-MARBOIS. James MONROE. Robert R. LIVINGSTON

 

Seconde convention financière annexée

Le Premier Consul de la République Française, au nom du Peuple Français, et le Président des États-Unis d’Amérique,  ayant par un traité en date de ce jour fait cesser toutes les difficultés relatives à la Louisiane, et affermi sur des fondements solides l’amitié qui unit les deux nations, et voulant, en exécution des articles 2 et 5 de la convention du 8 vendémiaire an XI (30 septembre 1800), assurer le paiement des sommes dues par la France aux citoyens des États-Unis, ont respectivement nommé pour plénipotentiaires, savoir :
Le Premier Consul de la République Française, au nom du Peuple Français, a nommé pour plénipotentiaire de ladite République le citoyen François Barbé-Marbois, ministre du Trésor public ;
Et le Président des États-Unis d’Amérique, par et avec l’avis et le consentement du Sénat desdits États, a nommé pour leurs plénipotentiaires Robert R. Livingston, ministre plénipotentiaire des États-Unis, et James Monroe, ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire des États-Unis auprès du gouvernement de la République Française ;
Lesquels, après avoir fait l’échange de leurs pleins pouvoirs, sont convenus des articles suivants :

Article 1er

Les dettes dues par la France aux citoyens des États-Unis, contractées avant le 8 vendémiaire an IX (30 septembre 1800), seront payées conformément aux dispositions suivantes, avec les intérêt à six pour cent, à compter de l’époque où la réclamation et les pièces à l’appui ont été remises au gouvernement français.

Article 2

Les dettes qui font l’objet du présent article sont celles dont le résultat par aperçu est compris dans la note annexée à la présente convention, et qui ne pourront, y compris les intérêts, excéder la somme de vingt millions. Les réclamations comprise dans ladite note ne pourront néanmoins pas être admises qu’autant qu’elles ne seront pas frappées des exceptions mentionnées aux articles suivants.

Article 3

Le principal et les intérêts seront acquittés par les États-Unis d’Amérique sur des mandants tirés par le ministre plénipotentiaire desdits États-Unis sur leur trésor. Ces mandats seront payables soixante jours après l’échange des ratifications du traité et des conventions signées ce jour, et après la remise qui doit être faite de la Louisiane par le commissaire français aux commissaires des États-Unis.

Article 4

Il est expressément convenu que les articles précédents ne comprennent que les créances des citoyens des États-Unis ou leurs représentants qui ont été ou sont encore créanciers de la France pour fournitures, embargos et prises faites à la mer, et réclamées dans le temps nécessaire, et suivant les formes prescrites par la convention du 8 vendémiaire an IX (30 septembre 1800).

Article 5

Les articles précédents ne seront appliqués
1° qu’aux captures dont le Conseil des prises aurait ordonné la restitution ou mainlevée, bien entendu que le réclamant ne pourra avoir recours sur les États-Unis pour son paiement que de la même manière qu’il aurait eu envers le gouvernement français, et seulement en cas d’insuffisance de la part des capteurs ;
2° qu’aux dettes mentionnés dans ce même article 5 de la convention, contractée avant le 8 vendémiaire an IX (30 septembre 1800), dont le paiement a été ci-devant réclamé auprès du gouvernement actuel de la France, et pour lesquelles le créancier a droit à la protection des États-Unis. Ledit article 5 ne comprend point les prises dont la condamnation a été ou viendrait à être confirmée.
L’intention expresse des Puissances Contractantes est pareillement de ne point étendre le bénéfice de la présente convention aux réclamations des citoyens américains qui auraient établi des maisons de commerce en France, en Angleterre ou dans des pays autres que les États-Unis, en société avec des étrangers, et qui, par cette raison, et la nature de leur commerce, doivent être regardés comme domiciliés dans les lieux où existent lesdites maisons ; sont pareillement exceptés tous les accords et pactes concernant des marchandises qui ne seraient pas la propriété des citoyens américains. Il n’est d’ailleurs rien préjugé sur le fonds des réclamations ainsi exceptées.

Article 6

Afin que les différentes questions auxquelles l’article précédent pourra donner lieu puissent être convenablement examinées, les ministres plénipotentiaires des États-Unis nommeront trois personnes qui, dès à présent et provisoirement, auront tout pouvoir d’examiner, sans déplacement de pièces, tous les comptes des différentes créances déjà liquidées par les bureaux établis à cet effet par la République française, et de reconnaître si elles appartiennent aux classes désignées dans la présente convention et aux principes qui y sont établis, ou si elles ne sont pas dans l’une des exceptions ; et sur leur certificat portant que la créance est due à un citoyen américain ou à son représentant, et qu’elle existait avant le 8 vendémiaire an IX (30 septembre 1800), le créancier aura droit à un mandat sur le Trésor des États-Unis, expédié conformément à l’article 3.

Article 7

Les mêmes agents pourront également, et dès à présent, prendre connaissance, sans déplacement, des pièces relatives aux réclamations dont le travail et la vérification sont préparés, et délivrer leurs certificats sur celles qui réuniront les caractères nécessaires pour l’admission, et qui ne seront pas comprises dans les exceptions exprimées par la présente convention.

Article 8

A l’égard des autres réclamations dont les travaux n’ont pas encore été préparés, les mêmes agents en prendront aussi successivement connaissance, et déclareront par écrit celles qui leur paraîtront susceptibles d’être admises en liquidation.

Article 9

A mesure que les créances mentionnées dans lesdits articles auront été admises, elles seront acquittées avec les intérêts à six pour cent par le Trésor des États-Unis.

Article 10

Et afin qu’aucune dette qui n’aura pas les caractères ci-dessus mentionnés, et qu’aucunes demandes injustes ou exorbitantes ne puissent être admises, l’Agent commercial des États-Unis à Paris, ou tel autre agent que le ministre plénipotentiaire des États-Unis jugera à propos de nommer, pourra assister aux opérations desdits Bureaux, et concourir à l’examen de ces créances ; et si cet agent n’est pas d’avis que la dette est complètement prouvée, ou s’il juge qu’elle n’est pas comprise dans les dispositions du 5e article ci-dessus mentionné, et que nonobstant son avis, les Bureaux établis par le gouvernement français estiment que la liquidation doit avoir lieu, il transmettra les observations au Bureau établi de la part des États-Unis, qui fera, sans déplacement, l’examen complet de la créance et des pièces au soutien, et fera son rapport au Ministre des États-Unis. Ce Ministre transmettra ses observations à celui du Trésor de la République française, et sur son rapport, le Gouvernement français prononcera définitivement. Le rejet qui pourra avoir lieu n’ayant d’autre effet que de constater que le paiement demandé ne doit pas être fait par les États-Unis, le gouvernement français se réserve de statuer définitivement sur la réclamation en ce qui pourra le concerner.

Article 11

Toutes les décisions nécessaires seront rendues dans le cours d’une année, à dater de l’échange des ratifications, et aucune réclamation ne sera admise ultérieurement.

Article 12

Dans le cas où il y aurait des réclamations de citoyens des États-Unis à la charge du Gouvernement français pour des dettes contractées après le 8 vendémiaire an IX (30 septembre 1800), elles pourront être suivies, et le paiement pourra être demandé, comme n’étant point comprises en cette convention.

Article 13

La présente convention sera ratifiée en bonne et due forme, et les ratifications seront échangées dans l’espace de six mois après la date de la signature des ministres plénipotentiaires, ou plus tôt s’il est possible.
En foi de quoi, les ministres plénipotentiaires respectifs ont signé les articles ci-dessus, tant en langue française qu’en langue anglaise, déclarant néanmoins que le présent traité a été originairement rédigé et arrêté en langue française, et ils y ont apposé leurs sceaux.

Fait à Paris le 10 floréal an XI de la République Française (30 avril 1803)
BARBE-MARBOIS. James MONROE. Robert R. LIVINGSTON

 

Titre de revue :
inédit
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