ISMAIL PASHA, (1830-1895), vice-roi d’Egypte

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ISMAIL PASHA, (1830-1895), vice-roi d’Egypte
Ismaïl Pasha (Association du Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez)

Vice-roi d’Égypte, fils d’Ibrahim-Pacha, né au Caire en 1830. Envoyé en France pour compléter son éducation, il suivit les cours de l’École d’état-major, en même temps que son frère aîné, Ahmet-Rifaat, et revint en Égypte en 1849.

Ismaïl fit, quelque temps après, un voyage à Constantinople, où il reçut le titre de pacha.
Tant que vécut le vice-roi Abbas-Pacha, il se rangea parmi les membres de l'opposition, qui formait le parti dit des princes, et fut hostile au système de gouvernement alors en vigueur. Après l'avènement de son oncle, Saïd-Pacha, dont les idées étaient sagement progressives (1834), Ismaïl se rendit en France avec une mission, revint par l'Italie et s'arrêta à Rome, où il remit au pape, de la part du vice-roi, de magnifiques présents.
 
De retour en Égypte, il devint membre du conseil d'État, fut chargé de diriger le gouvernement pendant les voyages que Saïd fit en Asie et en Europe en 1861, puis fut mis, à la fin de cette même année, à la tête d'un corps de 14 000 hommes, avec lesquels il réprima l'insurrection des tribus des frontières du Soudan. Lorsqu'en 1863 mourut Saïd-Pacha, ce fut Ismaïl-Pacha qui lui succéda.
 
Peu de faits importants ont marqué jusqu'ici le règne de ce prince. Depuis son avènement la culture du coton a pris en Égypte un développement très-considérable et est devenue une des principales sources de richesse du pays. Ismaïl-Pacha, à l'instigation de l'Angleterre s'est montré beaucoup moins favorable à la grande oeuvre du percement de l'isthme de Suez que son prédécesseur, qui n'avait cessé de l'encourager et de la protéger.
 
A la suite de discussions qui eurent lieu entre lui et M. de Lesseps, la gigantesque entreprise fut un instant suspendue et menacée d'être arrêtée dans son achèvement ; mais, à la suite d'une décision arbitrale prise par le chef du gouvernement français, les difficultés pendantes furent tranchées en 1864, et les travaux continuèrent jusqu'à complet achèvement.
 
Peu après, activement secondé par son ministre, Nubar-Pacha, Ismaïl introduisit d'importantes réformes dans l'organisation politique de l'Égypte.
 

En mai 1868, il obtint du sultan la modification de la loi de transmission au trône, qui doit avoir lieu désormais en ligne directe ; il constitua, au mois de novembre de la même année, une sorte de parlement chargé de s'occuper des questions relatives à l'impôt, aux réformes judiciaires, aux irrigations et à diverses matières administratives, et essaya, à la même époque, d'introduire le système municipal à Alexandrie.
 
Le 8 juin 1867, Ismaïl obtint du sultan le titre de khédive, à la place de celui de vice-roi, et le droit de régler, sans avoir recours à l'approbation de la Porte, tout ce qui concerne l'administration intérieure et la police de l'Égypte. En échange de ces concessions, il dut fournir un contingent à la Turquie pour amener la compression du soulèvement crétois. Complètement libre d'agir comme il l'entendait dans ses États, il s'attacha à introduire la civilisation occidentale en Égypte, adopta en partie les moeurs françaises, créa un théâtre au Caire, s'attacha à propager l'instruction, entama des négociations auprès des cours européennes pour réformer les juridictions consulaires d'après les capitulations établies entre l'Orient et l'Europe, envoya un représentant à la conférence monétaire de Paris, etc.
 
En 1867, il se rendit en France pour visiter l'Exposition universelle et y déploya un grand faste. Lorsque les travaux du canal de Suez furent terminés, il conclut avec la Compagnie une convention par laquelle il racheta certaines clauses du traité primitif, notamment celle qui avait concédé la franchise douanière, et résolut de donner à l'inauguration du canal une solennité extraordinaire.
 
Ce fut dans ce but qu'il visita, en mai et en juin 1869, les principales cours de l'Europe, afin d'inviter lui-même les souverains à assister à cette cérémonie. Ce voyage, pendant lequel il fut reçu partout avec les plus grands honneurs et traité en roi, indisposa vivement contre lui la Porte, qui vit dans l'attitude du khédive une atteinte à sa suzeraineté. Le sultan, très-irrité, fit envoyer par son grand vizir des notes menaçantes à Ismaïl, lui reprocha d'avoir entamé avec les cours européennes des négociations, d'avoir fait des dépenses écrasantes pour son peuple, d'avoir acheté des vaisseaux cuirassés, des armes perfectionnées, etc., et le menaça de déchéance, dans le cas où il ne rentrerait pas dans les limites tracées par les firmans impériaux.
 
Pendant un instant, on put croire que la guerre allait éclater ; mais le conflit s'apaisa, et Ismaïl put inaugurer solennellement le canal de Suez, le 20 novembre 1869. Au commencement de l'année suivante, il consentit, pour éviter une rupture avec la Porte, à lui livrer ses frégates cuirassées et ses fusils à aiguille, mais en exigeant, en retour, 13 millions. Depuis cette époque, le vice-roi a eu un différend, qui n'a point encore été réglé, avec la Compagnie du canal de Suez et il a envoyé, en 1872, une expédition militaire en Abyssinie.
 
Ne pouvant régler l'augmentation de la dette extérieure, Ismaïl fut obligé de vendre à l'Angleterre ses actions de la société du canal de Suez. Les pays européens réagirent et imposèrent à Ismaïl un contrôle financier franco-britannique. Lors de la crise nationaliste ouverte par Arabï Pacha, le khédive tenta de reprendre son indépendance. Il est destitué par le sultan à la demande de Londres et de Paris le 25 juin 1879. Ismaïl se retira ensuite à Istanbul où il décéda en 1895.

Pierre Larousse
 
Source : Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, t. IX, Paris, 1866-1879

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