Katherine Astbury : autour de l’exposition virtuelle "Le baroud d’honneur : les Cent-Jours de Napoléon en cent objets" (2015)

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Avec le bicentenaire des Cent-Jours, nombre d’expositions ont eu – et ont encore cours – sur cette courte mais intense période précédant la fin définitive du Premier Empire.
L’université de Warwick, au Royaume-Uni, a eu l’idée de créer une exposition virtuelle fonctionnant comme un calendrier illustré de février à juillet 1815, Le baroud d’honneur : les Cent-Jours de Napoléon en cent objets.
Katherine Astbury, historienne et co-éditeur de ce projet collaboratif, a bien voulu répondre à nos questions. Propos recueillis par Rebecca Young, juin 2015

Katherine Astbury : autour de l’exposition virtuelle "Le baroud d’honneur : les Cent-Jours de Napoléon en cent objets" (2015)
Accueil de l'expo virtuelle Cent-Jours, 100 objets

Rebecca Young : Quel est l’objectif principal de ce projet d’exposition virtuelle ?

Katherine Astbury : L’idée d’une exposition en ligne est née d’une discussion autour d’un café à l’automne 2013 entre Mark Philp, nouvellement arrivé dans le département d’histoire à l’Université de Warwick avec l’objectif de créer un Centre d’histoire européenne, et Katherine Astbury, Katherine Hambridge, Clare Siviter et Devon Cox, tous membres de l’équipe d’un projet financé par l’Arts and Humanities Research Council de création d’une base de données en Lettres françaises sur le Théâtre français de l’ère napoléonienne.

Nous avons décidé que nous devions vraiment faire quelque chose pour marquer le bicentenaire de Waterloo, mais en mettant plutôt la bataille dans son contexte et en s’éloignant de la tendance britannique traditionnelle de se porter sur le « duel » entre Napoléon et Wellington. Dans les mots de Mark Philp : « Nous espérons que ce que nous avons fourni est une image nuancée, plus large des événements menant à la bataille de Waterloo et des ramifications de ces événements sur le paysage politique. En 1814, la plupart de l’Europe pensait que le radicalisme de la Révolution française avait finalement été contenu ; les Cent-Jours ont montré que la monarchie ne pouvait pas être restaurée par l’alliance européenne comme si de rien n’était. Quand Napoléon s’est échappé de l’île d’Elbe pour débarquer en France en février 1815, il l’a fait en se présentant non comme un autocrate, mais comme un héros populaire : il pouvait, comme Balzac le dit plus tard [NdR : dans Le médecin de campagne, Chapitre III : « Le Napoléon du peuple »] : « Avant lui, jamais un homme avait-il pris d’empire rien qu’en montrant son chapeau ? ».
En déplaçant cette exposition au-delà des termes largement militaires de la discussion habituelle sur 1815, nous voulons attirer l’attention à la fois sur les réponses civiles et populaires à cette période dramatique, et sur leurs implications pour le paysage politique de l’Europe.

Rebecca Young : La liste des objets est calibrée très scrupuleusement sur des dates précises. Pourriez-vous nous dire comment vous avez choisi un objet pour quelle date ?

Un des <a href=http://www.100days.eu/ target=_blank>100 objets</a> présentés
Katherine Astbury : Le projet a commencé très simplement avec un appel à communications pour une conférence d’une journée sur les Cent-Jours, dans l’optique de voir ce sur quoi nos collègues qui travaillent sur Napoléon voulaient se concentrer. Nous avons été inondés de réponses – peut-être parce que nous ne demandions que des présentations de 10 minutes – mais à partir des enregistrements de cette conférence du 24 juillet 2014, nous étions en mesure de commencer à créer un calendrier.
Certaines contributions ont été très clairement liées à un jour spécifique, d’autres ont été moins précisément datées, nous avons donc commencé par les premières et avons ajouté ensuite les dates relatives à notre recherche sur le théâtre et après nous avons fait le bilan : nous avons regardé ce que nous avions et où il y avait encore des lacunes. Très peu de collègues avaient offert un point de vue royaliste, par exemple, donc nous avons trouvé des événements/objets/dates avec lesquels nous pourrions évoquer Louis XVIII.
Nous sommes aussi allés à la recherche de collègues qui pourraient fournir des angles polonais, russes ou des Caraïbes sur les Cent-Jours, pour varier les localisations dans cette exposition virtuelle. Nous avons demandé également à Tim Clayton, co-commissaire de l’exposition du British Museum sur Bonaparte et les Britanniques, de se joindre à notre équipe pour nous aider à offrir de la variété dans nos objets et nos récits. Certains de nos étudiants de premier cycle et des étudiants de maîtrise ont également relevé le défi de trouver des aspects des Cent-Jours qui les intéressaient et nous sommes ravis qu’ils figurent comme contributeurs à notre site aux côtés de chercheurs éminents sur la période napoléonienne.

Nous avons voulu considérer la période entre les bornes traditionnelles des Cent-Jours (à savoir, du mois où Napoléon quitte Elbe pour Paris  jusqu’aux quelques semaines après la bataille de Waterloo) comme au moins aussi intéressante et importante que le moment où Napoléon était à son apogée et nous nous sommes rendus compte que nous comptions, en fait, bien plus que cent objets pour les Cent-Jours.

Rebecca Young : Est-ce l’exposition en ligne «The Last Stand [NdT : Le baroud d’honneur] – Les Cent-Jours de Napoléon en 100 objets » est destinée à un public particulier ? Quel genre de réactions avez-vous rencontrées de la part de ses visiteurs ?

La chronologie hebdomadaire contextuelle de l'expoKatherine Astbury : Nous voulions l’exposition soit accessible à un public aussi large que possible, aussi avons-nous encouragé nos collègues à écrire seulement 200 mots pour illustrer chaque l’objet, et nous avons essayé de fournir un résumé des événements et des informations contextuelles liés à chaque semaine afin qu’il puisse être apprécié par le public général et les scolaires.

Les réactions ont été extrêmement positives, bien que l’éditeur d’un magazine d’histoire en France ait suggéré que nous ne devrions pas appeler cela une « exposition » puisque ceux qui regardent ne peuvent pas choisir quand et comment ils le voient… Cependant, nous maintenons fermement ce parti-pris de proposer un objet par jour car il donne à un public du XXIe siècle la chance de revivre en temps réel l’incertitude de la période et le drame tel qu’il se déroule. Dans notre ère de l’information instantanée, il sert de sorte de rappel : en 1815, il y avait souvent un décalage important entre les événements et l’arrivée des nouvelles sur ces événements. Les visiteurs du site peuvent d’ailleurs voir tous les objets déjà parus depuis la page d’accueil donc ce n’ est pas comme si nous forcions les gens à visiter l’exposition tous les jours (même si je sais que certains le font !).

Rebecca Young : Pensez-vous qu’il est pertinent pour des universités de produire de « l’histoire publique » ?

L'université de Warwick, établissement public situé à Coventry, en Grande-BretagneKatherine Astbury : Nous travaillons dans une université publique et notre recherche est financée par l’argent public. Il est donc logique que nous partagions les résultats de cette recherche aussi largement que possible et dans des formats qui peuvent être accessibles au plus grand nombre.

Rebecca Young : Le projet est clairement collaboratif. Avez-vous, en tant qu’un des rédacteurs en chef, visé à lui donner une direction spécifique ? Avez-vous essayé de mener l’argument général ou avez-vous autorisez les contributeurs individuels de choisir leur argumentation ?

Katherine Astbury : Nous avons dit aux contributeurs que nous voulions des réponses aux questions populaires relatives à Napoléon, selon autant de points de vue par nationalité possibles. En dehors de cette demande, nos contributeurs n’avaient pas d’autre injonction : ils étaient libres de prendre l’angle qu’ils aimaient. Inévitablement, bien sûr, dans les choix que nous avons faits pour combler les lacunes, nous avons fini par façonner une direction éditoriale. Mais nous espérons que nous avons créé un compte rendu équilibrée des Cent-Jours à partir d’une variété de perspectives.

Rebecca Young : Comme il s’agit un projet très européen par la nature même de son sujet, avez-vous regretté de ne pas avoir de contenu disponible dans d’autres langues ?

Katherine Astbury : Nos collègues français ont écrit leurs entrées en français et celles-ci sont disponibles dans le texte original pour qui le veut. Nous aurions bien sûr aimé faire ce site comme au moins une exposition bilingue anglais-français, mais nous avons pas eu le temps ou les ressources pour y parvenir. Un des avantages d’une exposition en ligne qui révèle des entrées de jour en jour est que tout ne doit être prêt à la date de lancement ; l’inconvénient est qu’il y a encore un certain nombre d’entrées à écrire…

Rebecca Young : Envisagez-vous de laisser cette ressource de façon permanente en ligne ? (Et si non, pourquoi ?)

Katherine Astbury : Nous avons l’intention de laisser l’exposition en ligne. Sans la générosité de tous les musées et des collections impliquées, cette exposition n’aurait pas été possible, mais certains nous ont demandé de retirer leurs images à la fin du projet en juillet. Ces entrées auront alors un lien à l’objet sur les pages web de l’institution hôte, ou tout bonnement une autre image.

Traduction : Marie de Bruchard

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