Une chronique de Florent Lacas : Napoléon et le confinement

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Nous avons coutume de dire de l’Empereur que « pas un des gestes que nous faisons aujourd’hui dans notre existence sociale n’est pas issu d’une création de son esprit ». En ces temps de confinement forcé, nous réalisons pleinement la portée de cette sentence, mais sur un mode un peu différent, peut-être. Car s’il y a bien un Français qui a un retour d’expérience à partager en matière de résistance au confinement, c’est lui. Les Français de 2020 seront confinés pendant au moins six semaines. Il y a tout juste deux siècles, Napoléon l’a été plus de six ans à Sainte-Hélène. Que pourrait-on tirer, Français de ce début de XXIe siècle, de l’expérience de Napoléon ?

Une chronique de Florent Lacas : Napoléon et le confinement
Florent Lacas, journaliste, Avril 2020 © DR

Savoir bien s’entourer

Napoléon a choisi avec soin la vingtaine de personnes qui l’ont accompagné durant son exil. En plus de son entourage intime (son valet de chambre Louis Marchand, Saint-Denis, Cipriani), certains de ses compagnons d’armes de premier ordre sont également là : Gourgaud, qui a traversé deux fois la Bérésina à la nage et lui a sauvé la vie lors de la campagne de France, et le grand maréchal du Palais Bertrand, compagnon de route depuis 1797. Le comte Emmanuel de Las Cases, également admis, aura l’utilité que l’on sait, considéré comme le premier évangéliste de l’Empereur durant son exil, auteur du Mémorial de Sainte-Hélène. Bonne pioche !
Bien sûr, on objectera qu’aujourd’hui certaines personnes ont des difficultés à supporter le confinement aujourd’hui exigé, et la promiscuité qui s’ensuit. Dans ce cas, pourquoi ne pas se rappeler cette parole impériale : « En guerre comme en amour, pour en finir, il faut se voir de près. » Passons sur la dimension cavalière de la remarque, et interprétons-la de cette manière : essayons de tirer parti de cette période pour nous regarder en face, nous parler et nous comprendre, époux et épouse, frères et sœurs. Cela exige autant de courage, n’en doutons pas, que de monter en ligne.

Garder son âme d’enfant

« Je n’ai jamais connu personne qui se prêtât mieux que Napoléon à la plaisanterie. Il avait la simplicité, l’abandon, l’espièglerie d’un enfant. (…) Il était pour moi comme un père, comme un compagnon de mes jeux d’enfants. » Certains auront reconnu un passage des célèbres mémoires de Betsy Balcombe, dont la famille hébergea l’Empereur quelques temps à son arrivée à Sainte-Hélène. A l’époque, elle a douze ans ; Napoléon en a quarante-six, assortis d’une soixantaine de batailles rangées, presque toute gagnées. Son monde, son empire viennent de s’écrouler. Il pourrait s ‘enfoncer immédiatement dans un désespoir sans retour. Mais, miraculeusement, il trouve la liberté de se prêter sans difficultés à cette activité immémoriale : jouer avec un enfant. Si nous partageons ce confinement avec des enfants, profitons-en aussi pour tester notre esprit d’enfance en partageant leurs jeux… ou en leur lisant l’un des nombreux livres juniors consacrés à la vie de l’Empereur ?

Faire le bilan de sa vie

Napoléon a profité de son temps libre, à Sainte-Hélène, pour écrire ses mémoires. Il se repenche notamment sur ses premiers succès, l’Italie, l’Egypte – on peut d’ailleurs regretter qu’il passe autant de temps à se remémorer les circonstances d’un épisode moins enthousiasmant, la bataille de Waterloo. Pour nous aussi, ce confinement peut être vécu – pour ceux qui le peuvent – comme un moment de récapitulation et de mémoire. Et de lecture ! L’Empereur arrive à Sainte-Hélène avec plus de 600 livres, sa bibliothèque en comptera au final plus de 3000. Quant aux livres sur l’Empereur, selon la fameuse remarque de Jean Tulard, il en existe davantage que le nombre de jours s’étant écoulés depuis sa mort… Un napoléonien peut tirer parti de cette période pour rattraper cette course contre la montre entre Napoléon et lui !

Tenir sous la mitraille

A maints égards, l’Empereur était en avance sur son temps. Il fût également pionnier dans la stratégie du « Rester chez soi » comme moyen de résistance. En effet, s’il n’était pas demandé à Napoléon de signer une attestation datée pour sortir de Longwood, encore moins à faire la queue pour acheter son pain, les sorties ne lui étaient autorisées que dans un certain périmètre, et sous la surveillance de militaires britanniques. Pour témoigner de sa réprobation contre ces conditions d’existence, il décide de sortir de plus en plus rarement de chez lui, puis plus du tout – bien sûr, lui ne résistait pas à une pandémie, mais à la puissance anglaise ; étrangement, les moyens de lutte semblent être les mêmes pour l’un et pour l’autre.

Inspirons-nous, en ces temps troublés, de cette ténacité impériale !

Sources utilisées : Napoleon.org

Florent Lacas
Avril 2020

Florent Lacas est journaliste et lecteur de la Lettre d’information de la Fondation Napoléon

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