Une chronique de Marie de Bruchard : exhumer pour donner corps à l’Histoire

Auteur(s) : DE BRUCHARD Marie
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Les actes du colloque « La mort de Napoléon », proposé par le musée de l’Armée et la Fondation Napoléon, sont déjà disponibles chez CNRS Éditions avant la tenue physique de cette rencontre scientifique, du 21 au 23 septembre 2021 à la Fondation Napoléon. On trouvera parmi les passionnantes interventions qui y sont publiées celle de Léa Charliquart, chargée de projet au musée de l’Armée et co-commissaire de l’exposition Napoléon n’est plus, en cours dans l’institution hébergée par les Invalides jusqu’au 31 octobre 2021. Intitulée « Retrouver le corps : exhumer les grands hommes », la réflexion de Léa Charliquart porte sur l’exhumation du corps de l’Empereur.

Une chronique de Marie de Bruchard : exhumer pour donner corps à l’Histoire

Sans dévoiler le contenu entier de l’article, la commissaire compare les « précédents » historiques à cette opération : comment et pourquoi le corps de Jean-Jacques Rousseau a-t-il été retiré de sa tombe initiale, par exemple. Le parallèle sur les rumeurs des causes de la mort du philosophe (suicide) et celle de Napoléon (empoisonnement), ou celui concernant la volonté politique qui accompagne les deux transferts de dépouilles à l’époque y sont d’ailleurs particulièrement éclairants.

Léa Charliquart fait également une rapide généalogie de la méthodologie de l’autopsie au XIXe s. et nous rappelle les précautions prises par le docteur Guillard lors de l’exhumation du corps de l’Empereur à Sainte-Hélène : aspersion de chlorure, percement de trous pour laisser d’éventuels gaz de décomposition s’échapper… Le « procès-verbal de l’examen du corps de Napoléon », publié en 1841, se révèle un véritable témoignage attestant de la naissance de la médecine légale contemporaine.

 

© CNRS Éditions 2021
© CNRS Éditions 2021

Évidemment, de nombreux progrès seront encore à faire, en matière de rigueur et de précautions, quand on songe aux conditions dans lesquelles plus de soixante-dix ans plus tard, en 1922, sera exhumée la dépouille d’un autre souverain, bien plus ancien que Napoléon : Toutânkhamon. En atteste cette photographie où l’on voit James Henry Breasted, Harry Burton, Alfred Lucas, Arthur Callender, Arthur Mace, Howard Carter et Alan Gardiner déjeuner dans la tombe de Ramsès XI en 1923…

© Photographie : Lord Carnarvon/Griffith Institute, Université d'Oxford.
© Photographie : Lord Carnarvon/Griffith Institute, Université d’Oxford

 Ainsi, les conditions de l’exhumation et de l’examen du corps de Napoléon sont en elles-mêmes un sujet fascinant pour mesurer l’évolution de la science, de l’art de l’embaumement dans l’Antiquité, de la préservation des corps et des reliques de saints durant le Moyen Âge, jusqu’à notre époque.
Cette dernière n’est pas sans questionnements sur le rapport à entretenir avec les restes humains découverts lors de fouilles archéologiques. L’opinion publique elle-même s’émeut, bien plus facilement qu’en d’autres temps, sur le devenir des dépouilles anciennes, scrutées, parfois laissées en vrac sur chantier, ou déplacées et mises dans nos musées. D’aucuns réclament des réinhumations in situ en invoquant le droit à disposer de son corps même après la mort, selon les rites qui ont présidé à la volonté et la religion du défunt.
Un article instructif d’Anne Lehoërff, archéologue spécialisée dans l’âge du Bronze européen, faisait le point dans la revue Esprit en septembre 2019 sur les manques juridiques qui persistent dans ce domaine : que faire des restes anthropobiologiques qui sont retrouvés lors de fouilles ?
La question ne se pose pas pour les Cendres de l’homme illustre et ô combien important pour notre Histoire : son écrin le préserve pour l’éternité sous le Dôme, près de la Seine, comme il l’entendait.

Marie de Bruchard
Juillet 2021

Marie de Bruchard est web-éditrice à la Fondation Napoléon.

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