Une chronique de Pierre Branda : Haro sur le dirigiste Napoléon !

Auteur(s) : BRANDA Pierre
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En ces temps de célébrations, de Gaulle l’année passée et Napoléon aujourd’hui, des critiques se font jour pour dénoncer leur « interventionnisme exacerbé » en matière économique. Leur politique centralisée et bureaucratique est considérée comme l’une des manifestations les plus éclatantes d’un mal français qui durerait depuis des siècles, à savoir une omnipotence paralysante et néfaste de l’État, prétendument responsable de nos divers maux économiques comme de beaucoup d’autres. Selon cette opinion, Napoléon fait figure de principal accusé, coupable d’avoir, à la suite de la Révolution française, jeté sur le sol de notre pays des masses de granit aussi inefficaces qu’écrasantes, fondatrices d’un modèle français qu’il faudrait déboulonner au plus vite.

Une chronique de Pierre Branda : Haro sur le dirigiste Napoléon !
Pierre Branda © Fondation Napoléon/Rebecca Young

Le Premier Consul puis l’Empereur est bien le père de notre administration moderne, de son centralisme – ou du moins ce qu’il en reste. En la créant, il n’avait d’autre but que de donner à son État les moyens d’abord d’exister, de survivre, même, après les errements financiers de la Révolution, puis d’agir pour faire de la Nation la première puissance mondiale. Le cadre administratif comme législatif qu’il a légué à la France n’a en rien freiné l’essor économique de notre pays, c’est même tout le contraire.

Que faut-il à une économie prospère ? De la stabilité. Dans un environnement apaisé, les acteurs économiques investissent et entreprennent en toute confiance. En fondant un grand nombre d’institutions pérennes et solides, Napoléon a d’abord rassuré des Français sérieusement éprouvés, les années précédentes, par des désordres en tout genre, politiques comme criminels. Avec son Code civil, l’égalité entre individus est devenue la règle, et non plus l’exception. Quand la loi ne discrimine plus, il devient possible d’entreprendre dans le domaine souhaité, et ce, d’autant plus les conventions privées ont par ailleurs été rendues plus sûres. Il y eut aussi l’adoption d’un Code de commerce fort utile à toutes les transactions ainsi que la création des chambres de commerce, organe essentiel aujourd’hui de notre vie économique. Il faut également souligner le rôle important d’une autre institution napoléonienne, la Banque de France qui a permis au crédit de s’étendre comme d’être moins onéreux. La politique d’investissement a également été essentielle pour le développement de notre pays. Citons seulement les nombreuses routes, ponts et canaux créés sous son impulsion ou les nombreuses commandes du régime impérial destinées à l’artisanat du luxe devenu depuis l’une de nos meilleures industries. Dans les faits, Napoléon n’est intervenu que pour soutenir l’économie nationale et non point la soumettre.

De son point de vue, l’initiative économique devait rester l’apanage du privé. Par aversion pour le risque financier, il n’a jamais voulu que l’État prenne le contrôle de telle ou telle activité. Homme d’ordre, Napoléon n’aimait pas le mélange des genres : aux industriels, l’industrie ; aux commerçants, le commerce, etc. Il y eut cependant le blocus continental, diront certains. En 1806, il ferma en effet le continent européen aux marchandises anglaises et instaura même dans la foulée un système continental à l’avantage du seul empire français grâce à des droits de douane particulièrement avantageux. Mais cette politique fut surtout motivée par la guerre et n’est en rien originale, tant l’arme économique n’a jamais cessé d’être utilisée quel que soit le conflit. Et quant à l’impérialisme économique, il n’a pas concerné, loin de là, la seule période du Consulat et de l’Empire : rappelons seulement de ce qui s’est passé en Irak après la deuxième guerre du Golfe, quand la puissance la plus libérale de la planète, ou réputée telle, les États-Unis, ont fait main basse sur les ressources pétrolières de ce pays. Avant de conclure hâtivement à propos de Napoléon et l’économie, il est toujours utile de se souvenir et de comparer.

Pierre Branda
Février 2021

Pierre Branda est entrepreneur et responsable du service Patrimoine de la Fondation Napoléon. Il est l’auteur de Le prix de la gloire. Napoléon et l’argent (Fayard, 2007) et de Napoléon et ses hommes. La Maison de l’Empereur (Fayard, 2011). Il vient de publier Napoléon à Sainte-Hélène (Perrin, 2021)

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