Une chronique de Peter Hicks : Les triomphes musicaux de Napoléon

Auteur(s) : HICKS Peter
Partager

Pour la Fondation Napoléon, les vingt ans du bicentenaire napoléonien (2000-2021) ont véritablement démarré en 2004 avec un grand colloque international, la toute première exposition de la collection de la Fondation, mais surtout (et c’est moi qui le dis, n’est-ce pas ?) le concert commémorant le sacre et le couronnement de Napoléon le 2 décembre en 1804. Bien que nous n’ayons pas interprété toutes les pièces jouées ce jour-là (un concert de trois heures aurait pu mettre la patience de chacun à rude épreuve…), celles que nous avons jouées, des compositeurs Étienne-Nicolas Méhul, Jean-François Lesueur et surtout Giovanni Paisiello, étaient dramatiques et glorieuses. Alors que résonnait encore dans nos oreilles le dernier mouvement à trois orchestres de la messe du couronnement de Paisiello, le Domine, fac salvum imperatorem Napoleonum, ils ont ouvert les portes de l’église de la Madeleine, pleine à craquer, pour révéler le Dôme des Invalides, qui brillait dans l’obscurité. Inoubliable !

Une chronique de Peter Hicks : Les triomphes musicaux de Napoléon
© Fondation Napoléon / Rebecca Young

Six ans plus tard, en 2010, cette fois beaucoup plus près du tombeau impérial, à la cathédrale Saint-Louis des Invalides, le concert commémorait le mariage de Napoléon avec Marie Louise de Habsbourg-Lorraine en 1810. Une fois encore, l’Académie symphonique de Paris de Jérôme Treille et le chœur Musicanti étaient sur scène avec la soprano soliste, désormais incontournable, Véronique Chevallier. Les cantates de mariage de Lesueur, Tollite Hostias et Veni, sponsa, coronaberis, constituaient la partie centrale de ce concert, aux côtés de l’inoubliable (littéralement) Chant triomphal du Napoléon est de retour, ce dernier étant interprété pour la première fois depuis 200 ans.

En 2018, nous avons célébré le 31e anniversaire de la Fondation Napoléon avec un autre glorieux concert à la cathédrale Saint-Louis des Invalides. Il fut interprété avec le même orchestre, mais cette fois avec le chœur Voix Impériales. Comme c’est désormais la tradition, certaines des musiques interprétées avaient été transcrites à partir de manuscrits conservés dans les archives de Paris, pour être jouées très probablement pour la première fois depuis les événements pour lesquels elles avaient été composées à l’origine. Au programme figuraient le Chant du retour de la Grande Armée en 1807 de Méhul, écrit pour accompagner le retour de la Grande Armée à Paris après Friedland, la Commémoration du couronnement de Napoléon en 1809 de Charles-Simon Catel et le jadis célèbre Quatuor de Lucile d’André Grétry, plus connu sous le nom de Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille, l’un des airs préférés de l’Empereur.

En octobre 2021, le concert de clôture du bicentenaire, de nouveau à la cathédrale Saint-Louis des Invalides, fut une évocation musicale de la carrière de l’Empereur, débutant par l’interprétation du Chaos de la Création de Haydn. Le choix de cette pièce musicale fait écho à l’épisode de décembre 1800, lorsque Napoléon échappa de peu, en la rue Saint-Nicaise, à une tentative d’assassinat alors qu’il se rendait à la première française de l’œuvre. Par une heureuse coïncidence, l’arrivée au pouvoir du Premier Consul allait mettre de l’ordre dans le « chaos » de la période révolutionnaire. Les autres pièces interprétées sont des œuvres de Lesueur et de Paisiello évoquant le couronnement, notamment la brillante Marche du sacre du musicien français et l’exquise Gloria issue de la messe du compositeur napolitain. Le point fort de la deuxième partie du concert a été la première exécution en 200 ans du Dirge (chant funèbre) spécialement composé pour les funérailles de Napoléon à Sainte-Hélène, le 9 mai 1821. Cette première mondiale a été suivie de pièces évoquant les années sombres entre les Empires – la chanson de salon remarquablement évocatrice de Madame L. sur la tombe de l’Empereur, pour soprano solo avec accompagnement de harpe et de trio vocal, et un extrait du Requiem de Mozart, interprété dans ce même lieu lors du Retour des Cendres en décembre 1840. Tout aussi inoubliable fut l’arrangement magistral pour grand orchestre de Joachim Leroux du Chant funéraire de Gabriel Fauré, d’une beauté obsédante, spécialement composé en 1921 pour le centenaire de la mort de Napoléon. Nous avons clôturé la période du bicentenaire en beauté avec Napoléon est de retour et le Chant du Départ de Méhul.

Quelles conclusions tirer de tout cela ? Si le souvenir de Napoléon continue d’inspirer et de stimuler, la musique de l’époque nous enthousiasme et nous interpelle de manière plus immédiate, en présentant à nos oreilles – souvent pour la première fois en 200 ans – le faste extraordinaire de la période napoléonienne !

Peter Hicks, octobre 2021
Peter Hicks est musicien, historien et responsable des affaires internationales de la Fondation Napoléon

► Écoutez des extraits des deux concerts des 5 et 6 octobre 2021 donnés à la cathédrale Saint-Louis des Invalides.

Titre de revue :
inédit
Partager