DECRES, Denis, duc, (1761-1820), vice-amiral, ministre

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Mise à jour (décembre 2009)

Grâce à M. Erik Masbernard, qui fait des recherches généalogiques et a consulté les archives départementales de Haute-Marne, nous pouvons apporter des informations complémentaires mais également des corrections sur la biographie de Denis Decrès ci-dessous :
 
La famille Decrès était d'origine cévenole et d'obédience protestante.

L'acte de mariage des parents de Denis Decrès indique que :
Pierre Crès et Jeanne Graillet se sont mariés le 27 décembre 1751 à Chaumont en Haute-Marne. Au moment de son mariage, Pierre Crès est lieutenant de cavalerie au régiment de Lenoncourt, basé à Châteauvillain.
Pierre Crès est le fils de défunt autre Pierre Crès, seigneur d'Esnals (ou d'Espnals?) et de défunte Louise de Masbernard. Il est né à Saint-Etienne-Vallée-Française en Lozère.
Jeanne Graillet est la fille de défunt Jean Baptiste Graillet et de vivante Elisabeth Chibert. Jean Baptiste Graillet était Conseiller du Roi, Receveur des deniers patrimoniaux de Chaumont.
 
Pour ce qui concerne Denis Decrès :
Son acte de baptême confirme qu'il est né le 18 juin 1761, à Chaumont et non à Châteauvillain. Son parrain a été Denis Pillot de Saint-Clément, ancien capitaine de cavalerie. Sa marraine a été Louise de Crès, sa tante paternelle.
Denis Decrès a eu une soeur, Marie Barbe Elisabeth de Crès, née à Châteauvillain le 29 décembre 1758.
Le père de Denis Decrès, Pierre Crès, est décédé à Châteauvillain le 2 octobre 1782.
En 1758, il avait quitté le service actif et était pensionné du Roi.
La mère de Denis Decrès, Jeanne Graillet, est décédée à Châteauvillain le 8 fructidor an 11, à l'âge d'environ 88 ans. Elle est née à Chaumont.
 

Merci à M. Masbernard de nous avoir apporté ces informations, et de nous avoir communiqué l'adresse de son site généalogique.
 
La rédaction de napoleon.org

Denis Decrès (ou de Crès) appartenait à une famille de petite mais bonne noblesse lozérienne [et non bourguignonne] ; il vit le jour le 18 juin 1761 à Chaumont [et non à Chateauvillain, à une vingtaine de kilomètres au Sud-Ouest de Chaumont], dans l’actuel département de la Haute-Marne.

Sa carrière se divise en deux parts bien tranchées : il fut d'abord un valeureux officier de marine, qui bourlingua et combattit sur toutes les mers du monde, puis, à partir du 1er octobre 1801, l'inamovible et sédentaire ministre de la Marine et des Colonies de Napoléon, qu'il servit fidèlement jusque pendant les Cent-Jours.

Entré au service comme aspirant-garde de la marine le 17 avril 1779, il embarqua le 17 juillet 1780, sur « la Diligente » puis passa sur « le Richemond », faisant partie de l'escadre de l'amiral de Grasse, avec laquelle il participa à toutes les opérations menées alors dans les eaux nord-américaines. Comme enseigne de vaisseau – grade qu'il avait gagné en sauvant le vaisseau « le Glorieux », qu'une bordée ennemie avait démâté – il passa sur « la Nymphe », qu'il devait plus tard commander, puis, en tant que commandant du « Zombi », il alla procéder à la Jamaïque à un échange de prisonniers. A bord de « la Cayennaise », puis du « Pluvier » il protégea le cabotage entre les îles des Antilles. Promu lieutenant de vaisseau le 1er mai 1786, après s'être distingué sur « l'Argot », il fit campagne sur « le Favorite », puis sur « l'Alouette » jusqu'en 1789 ; il prit le commandement de « la Nymphe » appartenant à l'escadre de l'amiral de Kersaint, et alla constater l'existence de « lacs de bitume » dans l'île espagnole de la Trinité : après quoi, il rentra en France après une absence de plus de neuf ans, pour siéger à la Législative.
Embarqué sur « la Victoire », puis sur « l'Eole », il fut promu capitaine de vaisseau le 1er janvier 1793 et partit pour les Indes Orientales, dans l'Escadre de l'amiral Saint-Félix, dont il devint le chef d'état-major, à bord de « la Cybèle ». Sur la côte de Malabar, il réussit à récupérer, sur les Mahrattes, un bâtiment de commerce français dont ils s'étaient emparé, puis fut envoyé en France par Saint-Félix, pour rendre compte de la situation et demander du secours – Il débarqua à Lorient, le 10 avril 1794, pour être aussitôt arrêté et destitué en tant qu'ancien noble. Rapidement relâché, il se retire sur ses terres familiales jusqu'en juin 1795. Il fut alors réintégré dans les cadres avec son grade, affecté à Toulon, où, le 27 octobre, il prit le commandement du vaisseau le « Formidable », avec lequel, dans l'escadre de l'amiral Villeneuve, il se rendit de Toulon à Brest et prit part, comme chef de division, à l'expédition d'Irlande, avant de devenir, en 1798, adjoint à l'Inspecteur général des Côtes, de Cherbourg à Anvers.
Promu contre-amiral le 12 avril 1798, il prit, le 22, en hissant sa marque sur « la Diane », le commandement de l'escadre légère, composée de frégates et de corvettes bonnes marcheuses, qui devait éclairer la marche de l'Armée navale d'Orient, placée sous les ordres de l'amiral Brueys. L'expédition d'Egypte qui commençait lui fournit l'occasion de se faire connaître de Bonaparte qui apprécia son intrépidité à la mer. En effet, tout d'abord, il protégea efficacement le débarquement des troupes françaises à Malte, puis il prit part à la bataille d'Aboukir où, bien que le gréément de son bâtiment fût en lambeaux, il réussit à se retirer du champ de bataille et, comme les deux autres rescapés du désastre, le « Guillaume Tell » et « la Justice », à se réfugier à La Valette, où, arrivé le 28 août, il prit, sous ses ordres, tous les marins de la garnison. Il reçut ensuite l'ordre de rentrer en France sur « le Guillaume Tell » qui devait y rapatrier des malades et un millier de combattants. Attaqué par trois vaisseaux anglais en cherchant à forcer le blocus, il livra un combat acharné qui dura neuf heures, le 30 mars 1800, et au cours duquel, il fut blessé à son poste sur la dunette, eut la moitié de ses bouches à feu mises hors d'état de tirer, deux cents hommes tués ou blessés. Son bâtiment étant démâté et ayant le feu à bord, il fut contraint d'amener le pavillon et fut conduit en captivité, à Port-Mahon, d'où il regagna bientôt la mère-patrie à l'occasion d'une échange de prisonniers.
Le 30 septembre 1800, il fut nommé membre de la commission de réorganisation de la Marine et préfet Maritime de Lorient. Le 2 mars 1801, le Premier Consul lui remit lui-même un sabre d'honneur et une montre de marine et il devint commandant de l'Escadre de Rochefort. Mais ce fut là un emploi de très courte durée car, le 1er octobre 1801, il succéda à la tête du Ministère de la Marine et des Colonies, à Forfait, qui en détenait le portefeuille depuis le coup d'état de Brumaire.

Denis Decrès va être désormais et pendant quatorze ans un grand commis de l’Etat.

Aussi est-ce un tout autre personnage qu'il faut maintenant présenter, en racontant sa course aux honneurs et aux prébendes, qui commença curieusement par une sorte d'intrigue amoureuse avec Pauline Bonaparte, au retour de celle-ci de Saint-Domingue, alors qu'elle était la veuve provisoirement éplorée du général Leclerc. Decrès, toujours prêt à se rapprocher des puissants du jour, aurait volontiers épousé la soeur du Premier Consul, d'autant plus qu'elle était déjà une des plus jolies femmes de l'époque, malgré les souffrances physiques et morales qu'elle avait courageusement supportées à Saint-Domingue, alors que Decrès faisait la sourde oreille aux demandes de secours et de renforts que lui adressait son mari. Le fait est que « le gros Denis », que, dans la marine, on avait surnommé « le thon », n'avait rien d'un Adonis. A quarante-deux ans, il était bedonnant et fut d'autant plus rapidement éconduit par la belle Paulette que Napoléon songeait alors à faire faire à sa soeur préférée un mariage utile à sa politique italienne. Il en résulte la lamentable union avec le prince Camille Borghèse.
Decrès n'en devint pas moins vice-amiral le 30 mai 1804, grand-officier de la Légion d'honneur et chef de sa 10° cohorte avec jouissance de l'hôtel de Malte à Toulouse.
Inspecteur général des Côtes de la Méditerranée et Grand-Aigle de la Légion d'Honneur le 1er février 1805, il fut ensuite comblé de dotations et de titres. Dès mars 1808, il fut donataire en Westphalie et au Hanôvre ; en juin de la même année, il est fait Comte d'Empire et le 1er janvier 1812, il reçoit de nouvelles prébendes en Illyrie et dans les départements de Gênes et de l'Arno. Doté ainsi de quatre vingt mille francs de rente annuelle, il avouait être extrêmement riche et pouvoir désormais se rire des événements.
Le 28 avril 1813, le voilà fait duc. Ses armes sont alors d'azur à trois croissants d'argent, posés deux, un, et à l'ancre d'or avec anneau, brochant sur le croissant de la pointe et au chef des ducs de l'empire, qui était de gueules semé d'étoiles d'argent.
Ce fut alors que ce célibataire, coureur de cotillons, à qui la police ne reconnaissait qu'une seule et discrète maîtresse en titre, épousât, le 3 novembre 1813, une duchesse, le faisant enfin entrer quelque peu dans la famille impériale. Il s'agissait en effet de Marie-Rose, dite Rosine, Anthoine de Saint-Joseph (1er mai 1788 – 16 septembre 1864) dont la mère, née Marie-Anne-Rose-Marseille Clary, était la soeur aînée et de Marie-Julie (1771-1845) épouse de Joseph Bonaparte, alors Roi d'Espagne, et d'Eugénie-Bernardine-Désirée (1772-1860) devant devenir Reine de Suède, du fait de son mariage avec Jean Bernadotte. La mariée était veuve, depuis le 25 février 1809, du général Charles Saligny, qu'elle avait épousé le 26 juin 1805, qui avait été le chef d'état-major du maréchal Soult à la bataille d'Austerlitz et que, durant son court passage à Naples, le roi Joseph avait fait duc de San Germano, avant de l'emmener avec lui à Madrid, où il décéda. Elle était aussi la soeur d'Honorine Anthoine de Saint-Joseph, sa cadette de deux ans, qui avait épousé le maréchal Suchet, duc d'Albuféra. Ce fut apparemment pour que Rosine ne déchut pas et continuat à être duchesse qu'avant la célébration des noces, le comte Decrès fut élevé à la dignité de Duc.

Les contemporains ont porté des jugements nuancés sur Decrès.

Bonaparte hésita longtemps entre lui et Ganteaume pour recueillir la succession de l'Ingénieur Forfait, qui était très loin d'avoir démérité et fut nommé conseiller d'état. Le Premier Consul estimait alors que celui qu'il désigna était un homme intelligent et réfléchi, connaissant parfaitement le métier d'officier de marine, alliant une rudesse de langage de vieux loup de mer bourru, à des manières raffinées d'Ancien Régime. Ce fut ainsi qu'il désarma parfois les colères de l'Empereur par des boutades bien senties, comme, par exemple, celle-ci : menacé de se faire botter les fesses, il rétorqua calmement : « Votre Majesté a toujours des coups de pied au cul plein la bouche » et Napoléon de se calmer aussitôt.
Sa bravoure était indéniable, mais ce fut l'adroit courtisan qui acheva de séduire Bonaparte. N'alla-t-il pas, par la suite, jusqu'à se faire une tête rappelant celle du Maître, avec une mèche de cheveux, dont la disposition imitative était sans nul doute voulue. Le malheur était que, par son comportement, il se fit de plus en plus détester par les marins et qu'il s'entoura systématiquement de médiocres, de peur, semble-t-il, de se créer des rivaux, voire des successeurs. A Sainte-Hélène, Napoléon lui reprocha, malgré sa rigoureuse administration et un labeur acharné, sa mesquinerie et surtout sa sédentarité, car il craignait de s'éloigner de son portefeuille et n'allait pas assez visiter les ports. Il est vrai qu'il fut, à plusieurs reprises, sur le point d'être remplacé par Fleurieu, Barbier-Marbois et Champagny, qui, tous refusèrent ce cadeau empoisonné qu'était alors le ministère de la marine et des colonies. Mais Napoléon pouvait-il avoir meilleur serviteur que l'homme qui à la fin de 1813 disait devant le corps législatif : « L'Empereur est un dieu, c'est de l'adoration qu'on lui doit », ce qui ne l'empêchait pas d'ajouter dans le privé qu'il était tout à fait fou.
Ce ne fut pas ce qu'on peut appeler un grand ministre, bien que certains aient dit qu'il faisait penser à Colbert. Il eut en tout cas, un rôle prépondérant dans le relèvement de la marine française dans les dernières années de l'Empire, mais ce furent la Restauration et la Monarchie de juillet qui recueillirent les fruits de son travail. Ne sont-ce pas les navires qu'il fit mettre en chantier qui participèrent à l'expédition de Morée, se battirent à Navarin et, surtout se présentèrent devant Alger ? Aussi a-t-il bien mérité que son nom, avec ceux de vingt-cinq autres amiraux, fût gravé sur la voûte de l'Arc de Triomphe.

Ces grandes lignes établies, il convient de voir plus précisément quelles actions furent entreprises par Decrès du 1er octobre 1801 à la Seconde Abdication,

puisqu'il reprit le portefeuille de la Marine pendant les Cent-jours. Il faut, en passant, bien préciser que la charge honorifique de grand-amiral, concédée à Murat ne lui donna jamais la moindre autorité sur la flotte, dont Decrès fut le seul responsable devant Napoléon.
Pour faire ses débuts dans le magnifique hôtel de la Place de la Concorde, le nouveau ministre se surpassa ; en moins de trois mois, il réactiva les ports et arma tous les navires qui eurent des effectifs à peu près complets, du matériel remis en état et des approvisionnements pour six mois. Il fut vraiment l'impossible en un temps très court et il ne peut absolument pas être tenu pour responsable de ce qui allait arriver sur mer.
En 1805, Decrès vint s'installer à une demi-lieue du château impérial de Pont-de-Briques, mais alors que Napoléon croyait plus que jamais à l'efficacité des flotilles, son ministre ne jurait que par les gros bâtiments. Il est de fait que l'Empereur ne connaissait pas grand chose à la stratégie navale, et une phrase extraite d'une lettre confidentielle adressée par Decrès à Villeneuve peu avant Trafalgar résume bien l'ambiance du moment « Sortez dès que vous en trouverez l'occasion favorable, n'évitez pas l'ennemi, au contraire, attaquez-le partout où vous le rencontrerez, attendu que l'Empereur ne s'embarrasse pas de perdre des vaisseaux, pourvu qu'il les perde avec honneur ! »
Napoléon a déjà abandonné son rêve de débarquement en Angleterre, à l'heure où sont écrites ces lignes et il est bien résolu à porter ses coups au centre de l'Europe continentale, si bien qu'on peut se demander si le désastre de Trafalgar l'a tellement affecté sur le coup. Il en parla peu et accusa seulement la perte de quelques vaisseaux, une broutille invisible dans l'éclat du soleil d'Austerlitz, d'autant plus que des marins s'y étaient conduits avec un beau courage et avaient sauvé l'honneur, comme Cosmao, Lucas et Infernet.

Il n'en restait pas moins que la France n'avait pratiquement plus de marine de haute mer et qu'il allait falloir en reconstituer une, tout en mettant nos colonies, autant que possible, à l'abri des entreprises anglaises. Decrès conseilla alors à l'Empereur qui semblait porter peu d'intérêt aux choses de la mer, de faire une guerre de course, qui s'alliât bien au profil de blocus continental, et de constituer pour cela sept croisières destinées à faire mener cette guerre par des petites divisions navales.
Napoléon n'en avait pas pour autant cessé d'agiter de grands projets et revint un temps à l'idée d'une grande expédition à destination de l'Inde, avec trente vaisseaux, vingt frégates et vingt bâtiments de transport, partant de Brest, de Rochefort et du Ferrol. Decrès fut effrayé à l'idée de risquer ainsi les deux flottes française et espagnole, dans une aventure où il ne voulut voir qu'une boutade, encore que le général Decain eut reçu l'ordre de préparer une telle expédition. Après Tilsitt, se croyant à jamais débarrassé de toute préoccupation continentale, il écrivit à Decrès pour qu'il méditât une opération sur Alger, puis sur Tunis, voire à nouveau sur l'Egypte. Comme prélude, le ministre de la Marine s'entendit dire qu'il devait faire en sorte que la flotte basée à Toulon pût participer à une conquête de la Sicile.
Ces vues de l'esprit ne résistaient guère à un examen conduit par un marin aussi expérimenté que Decrès qui savait, mieux que quiconque, que son rôle essentiel était de refaire une marine disposant de ports et de chantiers navals. D'où l'importance attachée à Anvers, qu'il était indispensable de mettre à l'abri des entreprises anglaises comme celle de l'île de Walcheren, mais aussi à Cherbourg où Decrès alla accueillir Napoléon et Marie-Louise le 26 mai 1811 et où il revint en août 1813, avec l'Impératrice pour assister à l'immersion du grand bassin, tandis que l'Empereur guerroyait en Saxe.
En tout cas, au lendemain de Trafalgar, la France ne disposait plus que de trente-cinq vaisseaux. Les arsenaux travaillèrent si ardemment, qu'en 1810, elle en avait cinquante-cinq, plus vingt-cinq sur cales, avec l'espoir, sans doute fallacieux, d'en avoir une centaine dès 1812. En réalité, l'année suivante il n'y en avait encore que soixante et onze d'armés et quarante-deux en chantier. Cet effort méritoire, encore qu'insuffisant, est à mettre au crédit de Decrès, puissamment secondé par Forfait et Sané. Mais, à vrai dire, cette flotte, qui, à la fin de l'Empire, comptait une centaine de vaisseaux et de frégates, sans parler des bâtiments de rang inférieur était éparpillée d'Hambourg à Bayonne et de Sète à Raguse, marquée dans chaque port par une division navale anglaise supérieure en nombre. Elle était donc proprement enfermée et incapable de jouer un rôle.

Au retour de l’île d’Elbe, le sceptique Decrès, que Louis XVIII avait fait chevalier de Saint-Louis dès le 3 juin 1814,

mais qu'il avait mis aussi à la retraite le 27 décembre suivant, ne put pas refuser de reprendre la direction de la marine, mais il ne se fit aucune illusion sur la durée de son nouveau ministère. Napoléon le nomma Pair de France, ainsi que les amiraux Emériau et Cosmao. Decrès ne s'en fit pas moins, le 29 juin 1815, le porte-parole du gouvernement provisoire, en venant dire à son ancien bienfaiteur que rien ne s'opposait à un départ qui était dans l'intérêt de l'Etat comme du sien. Il semble qu'ensuite, renseigné sur les mauvaises intentions anglaises à l'égard de Napoléon, il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que ce dernier échappât à la croisière britannique. Ce fut ainsi, que le 8 juillet, il pressa le contre-amiral Bonnefoux, Préfet maritime de Rochefort, qui était des plus réticents, de mettre aussitôt tout en oeuvre pour qu'une corvette, aux ordres du commandant Baudin, emportât l'Empereur de l'autre côté de l'atlantique. On sait ce qu'il advint de ce projet ! Decrès n'en avait pas moins été renommé Pair de France de la Seconde Restauration, mais il fut définitivement mis à la retraite à la date du 1er août 1815, à l'âge de cinquante-quatre ans.

Le décès du duc Decrès, survenu à Paris cinq ans plus tard, reste entouré d'un certain mystère, mais il est généralement admis qu'il fut victime d'une tentative d'assassinat par un valet qui venait de le voler. En effet, le 22 novembre 1820, l'amiral qui s'était rendu à une représentation au théâtre français, fut réveillé, après une heure de sommeil, par une forte odeur de brûlé. Il sauta de son lit et déclencha deux explosions successives. Brûlé sur diverses parties du corps, il appela son valet de chambre, qui, voyant son maître vivant, se précipita par la fenêtre de la chambre et se blessa mortellement. L'enquête de police révéla la disparition de tout l'argent que Decrès conservait chez lui et l'on pensa que le domestique, qui mourut le lendemain sans avoir pu parler, avait voulu masquer son larcin par un incendie où son maître aurait trouvé aussitôt la mort. En fait les brûlures de celui-ci s'envenimèrent et il mourut le 7 décembre 1820, sans laisser de postérité. Il fut inhumé à la 39° division du cimetière du Père-Lachaise, où il repose dans une magnifique sépulture, ornée d'ancres de marine.

Auteur : Colonel Henri Ramé
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 353
Mois : 06
Année : 1987
Pages : 41-43

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