VILLENEUVE, Pierre-Charles de, (1763-1806), vice-amiral

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Origines et débuts de carrière

Né à Valensoles (Alpes de Haute-Provence) le 31 décembre 1763 dans une famille de noblesse provençale qui produisit de nombreux marins, entrés au service comme aspirant-garde de la marine en juillet 1778, il embarqua aussitôt sur la Flore et le Montréal dans les eaux européennes. Enseigne de vaisseau en mai 1781, il passa sur le Marseillais dans l’escadre du comte de Grasse partant pour les Antilles et participa à tous les combats livrés au cours de cette campagne à la Martinique (29 avril 1781), à la prise de Tobago (30 mai), à la baie de Chesapeake (5 septembre), à la prise de Saint-Christophe (janvier 1782) et aux Saintes (12 avril). Il termina la guerre d’Amérique sur le vaisseau le Destin et la frégate la Blonde. Les services rendus pendant le conflit lui valurent d’être promu lieutenant de vaisseau en mai 1786. Il servit alors en Méditerranée sur la frégate d’Alceste (1787-1788).

La Révolution française

Contrairement à bon nombre de ses camarades du Grand Corps, Villeneuve n’émigra pas et fut promu capitaine de vaisseau en février 1793, mais il fut destitué comme noble en novembre suivant. Réintégré avec son grade en mai 1795, il fut alors affecté à Toulon comme major général. Contre-amiral en septembre 1796, commandant une division de cinq vaisseaux dans l’escadre de Méditerranée, il devait venir renforcer celle de Brest pour concourir à l’expédition d’Irlande, mais il ne quitta Toulon que le 1er décembre, ne put entrer à Brest, bloqué par une escadre anglaise, et se replia sur Lorient.
Commandant une division avec pavillon sur le Guillaume Tell dans l’escadre de Brueys lors de l’expédition d’Egypte, il se distingua à Aboukir par son inaction. Il ne prit en effet aucune part au combat, demeura inerte en queue de ligne et ne porta aucun secours à son chef accablé par l’ennemi. Devenu commandant en chef après la mort de Brueys, il se borna à quitter la rade avec deux vaisseaux et deux frégates pour se replier sur Malte où il fut fait prisonnier lors de la capitulation de l’île, en septembre 1800.

Sous le Consulat et l’Empire : le débarquement en Angleterre

Commandant la marine à Tarente en avril 1801, puis une division à Rochefort en 1803, Villeneuve fut promu vice-amiral en mai 1804 et reçut, après la mort de Latouche-Tréville, le commandement de l’escadre de Toulon avec pavillon sur le Bucentaure. Napoléon lui confia donc la responsabilité essentielle dans la mise en œuvre de la grande manœuvre stratégique, prévue pour 1805, qui devait théoriquement permettre le débarquement en Angleterre.
Il s’agissait d’attirer les escadres anglaises aux Antilles tandis que les forces françaises reviendraient à vive allure débloquer Brest et balayer la Manche pour permettre le passage de la flotille de Boulogne. Idée stratégique excellente, mais qui eût nécessité, pour sa réalisation, une marine puissante, en bon état matériel, bien entraînée et commandée par des chefs audacieux et entreprenants.Malheureusement aucune de ces conditions n’était remplie : ni le matériel, ni le personnel n’étaient à la hauteur des ambitions de l’Empereur.

La bataille de Trafalgar

Villeneuve quitta Toulon le 30 mars 1805, arriva à la Martinique le 14 mai, s’empara, grâce à l’énergie de Cosmao, du rocher du Diamant, occupé depuis plusieurs années par l’ennemi, repartit le 9 juin, livra le 22 juillet un combat indécis à l’escadre anglaise de Calder au large du cap Finistère, mais, au lieu de remonter vers Brest, il rallia l’escadre espagnole et se replia sur Cadix où il se trouva rapidement bloqué par Nelson.
Assailli par des ordres impératifs de Napoléon qui, voyant l’affaire manquée, avait renoncé à ses projets de débarquement en Angleterre, Villeneuve sortit pour se heurter, le 21 octobre, au large du cap Trafalgar, à l’escadre anglaise de Nelson, supérieurement entraînée et commandée. Ses dispositions de combat étaient particulièrement mauvaises : ligne de file étirée sur douze kilomètres, mélange de bâtiments français et espagnols, inorganisation du commandement. Malgré quelques belles actions et la conduite héroïque de certains, l’ampleur du désastre fut immense et les pertes, tant humaines que matérielles, élevées.

Une carrière brisée

Fait prisonnier, Villeneuve fut libéré sur parole en avril 1806. Bien que des bruits d’assassinat aient couru, il semble prouvé qu’il se suicida à Rennes le 22 avril 1806.
C’était un bon marin, fort instruit, mais dont on a peine à imaginer les raisons de sa promotion au premier rang, car il est manifeste qu’il ne possédait aucune des qualités indispensables à un grand chef. Faible, indécis, manquant totalement de confiance en lui-même et en l’instrument qui lui était confié, écrasé par ses responsabilités, constamment assailli de pressentiments sinistres, il eut de plus à combattre un adversaire qui possédait au contraire tous les talents qui lui faisaient défaut.
Dans de telles conditions, le succès était impossible, mais le premier responsable n’en était-il pas celui qui avait choisi un officier aussi manifestement inférieur à une entreprise au demeurant surhumaine ?

Etienne Taillemite, in Dictionnaire Napoléon, 1999

Avec l’aimable autorisation des Éditions Fayard.

► Lire le compte-rendu de la bataille de Trafalgar par le vice-amiral Villeneuve.

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