Charlet, aux origines de la légende napoléonienne, compte-rendu du catalogue de l’exposition

Auteur(s) : LERNER Elodie
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Charlet, aux origines de la légende napoléonienne, compte-rendu du catalogue de l’exposition
Alphabet moral et philosophique, à l'usage des grands et petits enfants, Bibliothèque Marmottan

La notoriété de Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845) avait fortement décliné après sa mort. La biographie écrite par José-Félix de La Combe en 1856 lui avait permis de ne pas tomber totalement dans l'oubli (1). Deux monographies furent ensuite publiées à l'occasion de l'exposition consacrée à l'artiste en 1893 (2). Le XXe siècle ne fut pas généreux envers Charlet (3) ; ce catalogue fait le pari que la modernité de son oeuvre saura séduire le public d'aujourd'hui.

Un artiste patriote et moderne

Si l'on peut regretter que, dans ce livre, le catalogue des oeuvres montrées soit trop succinct, la présence d'une bibliographie et le répertoire des fonds Charlet dans les différentes institutions françaises (4) forment un appareil critique appréciable. L'intérêt de cet ouvrage tient cependant avant tout dans les études qui le composent.

Elles retracent la vie de cet homme, issu du milieu populaire parisien et fils d'un dragon de la République. De son enfance, Charlet gardera un ardent patriotisme, un certain anticléricalisme et une nostalgie de la grandeur de l'armée impériale. En 1814, l'artiste fait partie de la Garde nationale et défend Paris contre les Prussiens à la barrière de Clichy. Lorsque les Bourbons montent sur le trône, il est congédié ; il n'adhérera pas au nouveau régime et oppose dès lors dans ses productions la figure du légitimiste à celle du libéral dont il se sent plus proche.

 
Sans doute Charlet se souvient-il des toiles magistrales d'Antoine-Jean Gros (1771-1835) illustrant les hauts faits du Premier Empire, quand il le choisit comme maître en 1817. Gros a repris l'enseignement dans l'atelier de Jacques-Louis David (1748-1825) exilé à Bruxelles et assure la continuité de la transmission de principes néo-classiques rigoureux. Pourtant, le maître ne poussera pas son nouvel élève à y adhérer à tout prix, le laissant développer son talent naturel, par le biais de la lithographie. Cette technique restera la préférée de Charlet qui en maîtrise bientôt les aspects les plus modernes et, en presque trente ans de carrière, crée plus de 1 000 dessins et lithographies.

Napoléon, au cœur de sa pensée et de son œuvre

Dans ces scénettes représentées, même les plus anecdotiques, la politique n'est jamais bien loin. Ses livres pour enfants recèlent souvent un sens caché lisible par les parents et dans son abécédaire de 1835 (5), le « N » occupe le centre du livre et correspond à « Napoléon » ; il est placé entre « Misères de la guerre » pour le « M » et « Ouragan » pour le « O ». L'épopée napoléonienne forme en effet le coeur de son oeuvre. 

Carnet de voltigeur, Boulogne-Billancourt, Bibliothèque Marmottan 
 
A côté des planches consacrées à la description des tenues de la Grande Armée, l'artiste, qui n'a pas suivi l'armée en campagne, imagine des scènes de la vie quotidienne des militaires. Il représente plus volontiers la Garde impériale et, à sa tête, Napoléon. Pour rendre ce dernier reconnaissable, nul besoin de multiplier les images ou les détails : il suffit à Charlet de tracer la silhouette légendaire du chef entouré de ses soldats ou plongé dans de hautes réflexions.

Ses images ont pu jouer un rôle dans le développement de la nostalgie de l'Empire, l'un des moteurs de la Révolution de 1830 que Charlet illustrera, représentant le peuple de Paris sur les barricades. Ces années sont celles de la consécration, puisque l'artiste est nommé professeur à l'Ecole polytechnique et reçoit la Légion d'honneur en 1838. Durant cette période, sans doute encouragé dans cette entreprise par la création de la galerie du Musée historique de Versailles, où s'exposent les batailles impériales, il crée son oeuvre la plus célèbre : « La retraite de Russie » (6), dévoilée au Salon de 1836.

Car Charlet est aussi un peintre et fréquente les plus grands noms de son époque. Il devient ainsi l'ami de Théodore Géricault (1791-1824) dès 1818. Les deux jeunes hommes font le voyage à Londres ensemble en 1820 pour exposer « Le radeau de la Méduse » (7) ; là, Charlet initie Géricault à la lithographie.

 
 
L'engagement politique de Charlet n'avait pas nui à sa renommée de son vivant, mais ne favorisa pas sa reconnaissance artistique par la postérité. Plus complexe qu'il ne laisse paraître de prime abord, son talent est enfin abordé dans ce catalogue sous tous ces aspects complémentaires : par la mise en avant de la légende impériale, Charlet se rapproche du romantisme ; par l'exactitude de certaines de ses représentations, il annonce le réalisme, participant ainsi pleinement aux développements artistiques modernes. Par les dimensions sociale, polémique et populaire de ses lithographies, Charlet encre et ancre cet art dans la vie.

Catalogue de l'exposition présentée au Musée de La Roche-sur-Yon du 11 octobre 2008 au 17 janvier 2009, puis à la Bibliothèque Paul Marmottan de Boulogne du 5 mars au 27 juin 2009, Paris, Bernard Giovanangeli éditeur, 2008.
 
Lieu et année de parution :
Paris, 2008.
 
Maison d'édition :
Bernard Giovanangeli
 
Nombre de pages :
160.

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Pour en savoir plus sur l'exposition, cliquez ici.
 
Pour en savoir plus sur le « Grenadier de la Garde« , notre tableau du mois, cliquez ici.
 
Pour en savoir plus sur « La retraite de Russie », cliquez ici.
 
Une suite de 5 dessins de Charlet en vente chez Osenat le 22 mars 2009 ; pour en savoir plus, cliquez ici.






Notes

(1) José-Félix de La Combe, Charlet, sa vie, ses lettres, suivi d'une description raisonnée de son oeuvre lithographique, Paris, 1856.
(2) Marie-François Lhomme, Charlet, Paris, 1892 et Armand Dayot, Charlet et son oeuvre, Paris, 1893. Le catalogue de l'exposition s'intitulait Charlet et la lithographie moderne (Société des Artistes lithographes français, Paris, Galeries Durand-Ruel, juin 1893).
(3) Un seul livre paraît durant ce siècle, celui de Jacqueline Auberty (Charlet, sa vie, son oeuvre, suivi d'un inventaire de son oeuvre gravée figurant au Cabinet des Estampes, Paris, s.n., 1945).
(4) Département des estampes de la Bibliothèque nationale, département des arts graphiques du Musée du Louvre, bibliothèque de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts ou encore bien sûr Bibliothèque Paul Marmottan.
(5) Abécédaire moral et philosophique à l'usage des grands et des petits enfants, Paris, Gihaut, 1835.
(6) Lyon, Musée des Beaux-Arts.
(7) Paris, Musée du louvre.
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