Institutions. L’administration départementale sous le Consulat et l’Empire

Auteur(s) : LENTZ Thierry
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L’article premier de la constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799) dispose : « La République française est une et indivisible. Son territoire européen est distribué en départements et arrondissements communaux ». Une loi d’organisation des circonscriptions administratives est promulguée le 28 pluviôse an VIII (17 février 1800). Le territoire est divisé en départements, arrondissements communaux (simplement dénommés « arrondissements » par la suite) et communes. Le canton disparaît en tant que circonscription administrative mais reste circonscription judiciaire puisqu’un juge de paix siège au chef-lieu de canton et est élu par une assemblée cantonale. Après 1802, le cadre cantonal devient circonscription électorale.

Chaque circonscription administrative est organisée autour d’un exécutif et d’une assemblée délibérante nommée : préfet et conseil général pour le département, sous-préfet et conseil d’arrondissement pour l’arrondissement, maire et conseil municipal pour la commune. Les préfets, sous-préfets, maires et adjoints des communes de plus de 5 000 habitants sont nommés et révoqués par le chef de l’État. Les maires et adjoints des communes de moins de 5 000 habitants le sont par le préfet. On les renouvelle tous les cinq ans puis tous les dix ans (1802), généralement en reconduisant les mêmes hommes ou en puisant dans les conseils municipaux : les compétences ne sont pas si nombreuses et ces fonctions en réclament. Tous ces exécutifs sont hiérarchisés. Le préfet occupe la place prépondérante et, au quotidien, dirige l’action des sous-préfets et des maires. Ce schéma général applique une des maximes les plus célèbres de Sieyès : « Délibérer est le fait de plusieurs, exécuter est le fait d’un seul ». On peut la préciser en disant que si délibérer reste le fait d’organes collégiaux, c’est bien décider et exécuter qui devient l’apanage des exécutifs.

Institutions. L’administration départementale sous le Consulat et l’Empire
Membre d'administration départementale : Chaque administration
départementale est composée de cinq membres.
Maillart, Philippe Joseph, Estampe, 1799
© BnF Gallica

Département

La loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), véritable « constitution administrative de la France » jusqu’en 1982, en tire les conséquences. Créé par la loi du 22 décembre 1789, le département reste la circonscription administrative de référence, mais avec une administration et des institutions redéfinies par rapport à la période antérieure et désormais non issues de l’élection : préfet, secrétaire général de préfecture, conseil de préfecture, conseil général.

L’Empire français compte jusqu’à cent trente-quatre départements en 1812 (dont quarante-cinq hors de l’ancienne France, les départements réunis), contre quatre-vingts trois en 1790, quatre-vingt dix-huit en 1799 et cent huit en 1804.

Le chef-lieu du département peut accueillir en outre des unités déconcentrées des services de l’État : enregistrement et domaines, conservation des hypothèques, postes, conservation des forêts, droits réunis, régie des sels et tabacs, police, etc. Il devient ainsi une petite « capitale administrative ». On tente parfois, mais empiriquement, de dépasser le cadre départemental, tout en le conservant comme base de regroupement. On crée ainsi des circonscriptions administratives compétentes pour plusieurs départements, sortes de « régions » avant la lettre. La gendarmerie et l’armée ont adopté ce schéma depuis le débuts de la Révolution, respectivement avec les légions et les divisions militaires. Les administrations civiles, surtout fiscales, emboîtent le pas. La logique de regroupement et de contrôle régional sur les affaires générales est poussée très loin dans les groupes de départements réunis, avec la création de gouvernements généraux.

Le siège des préfectures et sous-préfectures est fixé par arrêté du gouvernement dont le premier est daté du 17 ventôse an VIII (8 mars 1800). La liste en est relativement stable pendant tout le Consulat et l’Empire. Pour les préfectures de l’ancienne France, on relève simplement que celle de la Manche est transférée de Coutances à Saint-Lô (1801), celle du Nord de Douai à Lille (1802) et que Montauban, anciennement sous-préfecture du Lot devint chef-lieu du département du Tarn-et-Garonne, créé le 4 novembre 1808 ; à compter du 1er juillet 1810, La Rochelle devient préfecture de la Charente Inférieure à la place de Saintes ; Bastia cesse d’être chef-lieu de département lors de la fusion des deux départements corses en un seul, le 19 avril 1811 ; La Roche-sur-Yon devient à la même date préfecture de la Vendée à la place de Fontenay-le-Comte.

Préfet

A la tête de chaque département, le préfet, nommé (et révoqué) par le chef de l’État, représente le gouvernement. Il est « chargé seul de l’administration » aux termes de l’article 3 de la loi du 28 pluviôse en VIII (18 février 1800). Clé de voûte de l’administration locale, il dirige les services publics et correspond directement avec les ministres concernés, même si son supérieur hiérarchique direct est celui de l’Intérieur. Il est responsable devant le gouvernement de l’exécution des lois et règlements. Il prend pour ce faire des arrêtés applicables dans l’ensemble du département, dispose de la police et, au besoin, de l’armée, ordonnance les dépenses, surveille la perception de l’impôt, est responsable des levées de troupes, représente l’État en justice et agit en son nom pour les actes de gestion. Il exerce une tutelle absolue sur les actes des autorités « inférieures » sur l’échelle administrative et peut se substituer à elles en cas de défaillance.

Le préfet est aussi le représentant du département en tant que tel. Il informe les ministres des affaires départementales concernant leur portefeuille, est consulté pour toutes les celles concernant sa circonscription. Il exécute encore les décisions du conseil général. Il prépare le budget du département et en ordonnance les dépenses. Il est encore agent de police judiciaire. Il agit par l’intermédiaire de ses propres services, installés à la préfecture et dirigés par un secrétaire général. Il a en outre auprès de lui un conseil de préfecture.

Trois cent six préfets sont nommés par Napoléon sous le Consulat et l’Empire, les premiers par l’arrêté du 11 ventôse an VIII (2 mars 1800).

Sous-préfet

Aux termes de la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), chaque arrondissement communal est administré par d’un sous-préfet nommé par le chef de l’État. Il n’y a en pas de dans l’arrondissement où est situé le chef-lieu du département. Cependant, à partir de 1809, on y installe un auditeur au Conseil d’État faisant fonction de sous-préfet en même temps qu’il exerce celles de secrétaire général de la préfecture. Précisée par un décret du 7 avril 1811, cette procédure fait l’objet de décrets collectifs de nomination les 14 janvier, 3 octobre 1811, 6 juillet 1812 et 11 avril 1813.

En principe, les sous-préfets des arrondissements communaux doivent être choisis sur les listes communales prévues par la constitution de l’an VIII. Napoléon se dispense de cette disposition dès l’origine mais en respecte l’esprit en nommant la plupart du temps des notables locaux, sauf dans les départements belges où les sous-préfets sont majoritairement originaires de l’ancienne France. Les compétences propres des sous-préfets sont vaguement définies par la loi de pluviôse an VIII : « [Il] remplira les fonctions exercées maintenant par les administrations municipales et les commissaires de canton, à la réserve de celles qui sont attribuées au conseil d’arrondissement et aux municipalités » (art. 9). En d’autres termes, elles sont en principe limitées à la surveillance de la gestion des communes, à la bonne perception des contributions et à l’emploi des centimes additionnels destinés à couvrir les dépenses de l’arrondissement. Les sous-préfets se voient cependant confier, par délégation du préfet dont ils sont au fond les collaborateurs territoriaux directs, des tâches d’administration générale, de surveillance et de maintien de l’ordre.

Conseil général

L’article 2 de la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) instaure un Conseil général dans chaque département. Il se compose de seize à vingt-quatre membres (en fonction de la taille des départements) nommés pour trois ans par le chef de l’État. Il s’assemble chaque année pour une session unique de quinze jours au maximum. Il élit alors un président et un secrétaire. Pendant cette session, le conseil général répartit les contributions directes entre les arrondissements communaux, statue sur les demandes de réduction faites par les conseils d’arrondissement ou les communes, détermine dans les limites fixées par la loi le montant des centimes additionnels servant à couvrir les dépenses du département. Le préfet lui rend compte de l’emploi des centimes additionnels votés l’année précédente. Il peut émettre des opinions sur les besoins du département et adresse ses vœux sur ce point au ministre de l’Intérieur.

Conseil de préfecture

L’article 2 de la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) instaure un conseil de préfecture dans chaque département. Composé de trois à cinq membres (en fonction de la taille des départements) nommés et révoqués par le chef de l’État, il assiste le représentant du gouvernement dans la partie contentieuse de son activité : contestations fiscales des particuliers, expropriations, réclamations et dommages en matière de travaux publics et de voiries, exécution des clauses des marchés, etc.. Il est présidé par le préfet qui a voix prépondérante en cas de partage. Un décret du 9 septembre 1812 dispose que les décisions des conseils de préfecture « doivent produire les mêmes effets et obtenir la même exécution que ceux des tribunaux ordinaires ».

Thierry Lentz, directeur général de la Fondation Napoléon (novembre 2024)

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