Thierry Lentz, discours de réception dans l’Ordre national de la Légion d’honneur, 30 mars 2015

Auteur(s) : LENTZ Thierry
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Monsieur le Grand Chancelier de la Légion d’Honneur,
Monsieur le Chancelier de l’Institut de France,
Prince,
Monsieur le Professeur et Cher Maître,
Chère Maman,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

Redoutable et stimulant plaisir que d’avoir à m’adresser à vous ce soir, en respectant les règles de ce doux exercice : remercier en essayant de n’oublier personne (ce qui sera impossible), fuir les généralités rasantes (ce qui n’est pas gagné d’avance), parler un peu de soi (sujet qui ne passionne vraiment que moi).

Et surtout, être bref.

Mais je ne peux pas non plus manquer pareille occasion de m’emparer du micro pour m’adresser à une aussi belle assemblée, formée de personnes qui ont beaucoup contribué, justement, à ce que je puisse en faire librement usage ce soir.
Et d’abord pour que je puisse exprimer ma gratitude à plusieurs personnalités dont la présence en ajoute encore à l’honneur qui m’est fait.

Mes premiers mots iront au général Jean-Louis Georgelin, Grand Chancelier de la Légion d’Honneur.

Mon Général,

Je vous remercie du fond du coeur d’être venu assister à cette cérémonie, de me soutenir dans cette douce épreuve et d’avoir autorisé cette manifestation dans ce magnifique Musée pour lequel j’ai une particulière affection.
Ces attentions s’ajoutent à d’autres, que vous n’avez cessé de me prodiguer depuis plusieurs années.

Je souhaite aussi remercier à travers vous les responsables de cet établissement et, plus particulièrement encore sa directrice, Mme Anne de Chefdebien, et l’administrateur du Palais, du musée et des maisons d’éducation, M. Yves Minjollet, qui nous a accompagnés avec sa bienveillance coutumière dans la préparation de cette soirée.

Pour paraphraser un grand personnage cher à Emmanuel de Waresquiel, mais dans des circonstances autrement plus dramatiques, être accueilli en votre présence dans l’Ordre créé par le Premier Consul est un honneur qui rejaillit sur toute ma famille.

Peut-être, en tendant un peu l’oreille, percevez-vous déjà quelques bruits sourds.
Ce sont les battements de cœur de ma mère, de mes cousins et cousines, ici présents, et bien sûr les miens, amplifiés par le souvenir de ceux qui ne sont plus là :
–        Mon père, Ivan Lentz,
–        Mes grands-parents, dont mon grand-père paternel, Charles Lentz, qui me lisait de l’histoire chaque semaine.
Ils m’ont tous deux transmis un grand amour de la Patrie, que partageaient d’ailleurs mes grands-parents maternels, pourtant nés en Italie (à Arcole pour ma grand-mère maternelle), dont deux fils furent de précoces Résistants et dont l’aîné, un oncle que je n’ai donc pas connu, est mort pour la France, le 30 juillet 1944.

Croyez, Mon général, à l’importance de votre présence et au respect que cultive ma famille pour la grande institution que vous dirigez, sous l’autorité du Grand Maître.

Mes pensées et ma reconnaissance vont aussi, bien sûr, à M. Victor-André Masséna, prince d’Essling, président de la Fondation Napoléon.

Mon président, que je remercie d’avoir voulu que cette manifestation soit aussi un moment de la vie de la Fondation et dont les détails ont été réglés avec son énergie et sa justesse habituelle par notre tour de contrôle, Alexandra Mongin.

Prince,
Nous formons depuis dix ans un couple dont le fonctionnement se règle certes au quotidien, pour ce qui est contingent, mais qui se fonde surtout, pour l’essentiel et le long terme, sur des convictions, des principes et des ambitions communes.
Vous avez coutume de dire que, dans l’articulation de nos responsabilités respectives, vous vous refusez au « back seat driving »… (expression américaine qui sonne mieux que « conduite en étant assis sur le siège arrière »)…mais permettez-moi de vous dire que j’aime à sentir votre indispensable présence dans le véhicule.

Nous n’avons pas pour habitude de nous faire de grandes déclarations, mais je me permettrais ce soir de vous obliger à entendre celle-ci :
Sans vous, sans votre force, sans votre soutien dans quelques moments professionnels et personnels inhabituels, je ne serais pas ici.

Je n’y serais pas non plus sans le professeur Jean Tulard.
Monsieur le Professeur, Maître, Cher Jean Tulard,
Lorsque je suis arrivé à Paris, il y a près de trente ans, vous étiez déjà le grand maître des études napoléoniennes.
Ayant gribouillé quelques pages sur le sujet, j’ai eu l’audace de solliciter alors un rendez-vous.

Vous avez répondu à ma lettre en me conviant à vous rejoindre à la mythique table 11 du Balzar, fameuse brasserie de la rue des Écoles, théâtre de tant de vos rencontres… napoléoniennes ou non.

Nous nous y sommes revus souvent, avec ou sans veste (vous me comprendrez), vous m’avez invité à des conférences de l’Institut Napoléon puis à des colloques. Vous m’avez commandé des articles pour votre revue, vous m’avez présenté à Jacques Jourquin qui a complété sous votre regard ces premiers tests.

Puis, vous avez jugé que je pourrais faire plus.
Vous m’avez orienté vers des éditeurs et enfin laissé voler de mes propres ailes, sans jamais vous désintéresser de mon travail.

J’ai depuis essayé de suivre vos conseils.
Le premier a été de ne pas avoir peur des « grands sujets ».
Le second constitue un morceau de cette « morale de l’historien » à laquelle vous avez consacré un essai-livre de chevet :
–        Être ambitieux pour sa discipline, chercher à la développer, ce que vous avez appelé une conception « entrepreneuriale » du métier, ce qui implique, certes, un esprit conquérant pour soi, mais aussi l’encouragement et l’accompagnement des autres.

Cette morale de l’historien me convient parfaitement et je tente à mon tour de la pratiquer.

Et comme pour tous ceux qui sont vos disciples, vous y avez ajouté à vos conseils et à votre aide votre bonne humeur, votre bienveillance et, j’ose le dire, votre amitié.

C’est pourquoi, Cher Jean Tulard,  vous deviez être celui qui guiderait sur le chemin de ma boutonnière ce papillon rouge –rouge comme la couleur de mes joues en entendant, il y a quelques instants, votre discours d’accueil.
Je suis donc très heureux et très fier que vous ayez accepté, après avoir été mon maître, d’être mon parrain.

Enfin, permettez-moi de décerner une dernière mention spéciale, habitée d’une amitié profonde et sincère, à Laurent Theis.
Tennisman de fond de cours, Laurent a été au premier chef l’homme par qui le plaisir de cette soirée m’est arrivé.
Il ne m’en a plus parlé dans la dernière ligne droite, si bien que l’annonce de ma nomination a été, croyez-le, une belle et grande surprise.
Nos sentiments n’avaient évidemment pas besoin de l’épisode inoubliable de ce soir… mais, tout de même, merci à toi, Laurent.

Pardonnez-moi à présent de donner pour un court moment un tour un peu plus sombre à mon intervention.

Une semaine après la publication du Journal Officiel du décret annonçant la promotion du 1er janvier et l’arrivée des messages enthousiastes des amis, ma joie, nos joies, ont été assombries par des événements dramatiques.

Je parle, bien sûr, des odieux assassinats qui ont ensanglanté nos rues.
Nous en avons tous été bouleversés, infiniment peinés et justement révoltés.
Le citoyen que je suis a encore du mal à s’en remettre, en même temps qu’il lui arrive de douter que le sursaut national, pourtant si nécessaire, sera suffisant et durable.
Contrairement à ce que vous pourriez penser, ces propos ont tout à voir avec notre soirée.

Car je souhaite ici vous déclarer à quel point le fait de rejoindre dans cet Ordre national de la légion d’Honneur Franck Brinsolaro, Ahmed Merabet et Clarissa Jean-Philippe, les trois policiers assassinés les 7 et 8 janvier derniers, est un honneur supplémentaire.
Je le ressens intimement : leur sacrifice et leur mémoire en ajoutent encore à mes devoirs puisque nous sommes désormais encore plus liés par notre appartenance à cet Ordre.

Je dois à présent m’adresser encore plus directement à vous tous qui avez pu être là ce soir.
Vous remercier de ce que vous faites depuis longtemps pour m’aider, chacun dans votre domaine.
Peut-être même devrais-je pour cela vous parler un peu de moi.
J’ai pensé que la meilleure façon de le faire est encore de vous parler de vous.

J’ai donc demandé à cinq amis de m’entourer afin qu’ils m’aident à supporter ce moment si agréablement difficile et symbolisent par leur présence des étapes, des moments, des cercles de formation, d’accompagnement et d’inspiration.

D’abord, Félix Béranger, mon frère non biologique (j’en ai un par le sang, qui n’a hélas pas pu être là ce soir).
Félix Béranger symbolise ce que je dois à ma famille, à mon éducation et aux camaraderies les plus diverses qui m’ont fondé et me soutiennent lorsqu’il y a trop de vent.
Ma famille et mon éducation d’abord, menée par mes parents de main de maître –une main qui a pu parfois être leste, ce qui ne m’a pas fait de mal-, dans un environnement ouvrier baigné de la rigueur de l’Est sans exclure la fantaisie, une liberté bornée par le respect de certains principes, tout au long d’un parcours initial guidé par mes maîtres de l’école républicaine.
Les temps complexes que nous vivons sont propices à le rappeler : sans la rigueur de nos parents, de nos maîtres et de nos professeurs, sans la détermination de ces derniers à repérer les petits talents et à essayer de les faire grandir…et surtout sans la confiance que leur accordait alors toute la société, l’ascenseur social serait resté au rez-de-chaussée pour bien des enfants de ma génération.
J’ai souvent du mal à comprendre pourquoi ceux qui influent ou déterminent aujourd’hui les choix publics s’obstinent à ne pas s’en souvenir ou ne l’évoquent que dans de creuses professions de foi.
Je me considère pour ma part, dans mon coin et à mon niveau, comme un successeur de ces passeurs-là qui avaient pour noms Edmond Zils, Jean Calvi ou Marcel Neigert.
Je tente en tout cas d’être à leur hauteur avec les jeunes qui viennent vers moi à la Fondation Napoléon ou avec les étudiants que l’on me confie.

Je veux rendre ensuite hommage à ce que j’ai appelé les camaraderies, pour ne pas répéter sans cesse le mot « amitié ».
Elles sont essentielles dans toutes mes activités.
Et depuis 35 ans, Félix, tu es au cœur de ces échanges sans masque, de ces bonheurs et chagrins partagés.
Avec toi, avec nos amis motards campagnards, avec notre musicien presque devenu bohème heureusement marié à une banquière rigoureuse, mon vieil architecte de l’éphémère globe-trotter (ils se reconnaîtront), on sait toujours vers qui se tourner lorsque l’on veut n’être que soi.
Oui, il est si précieux d’avoir des amis et si doux d’avoir l’occasion ce soir de le leur dire sans les pudeurs habituelles.

J’aperçois dans cette salle plusieurs de mes anciens patrons directs au sein du groupe Bouygues, où j’ai passé treize années intenses.
J’y ai fait aussi des rencontres qui ont infléchi ma vie.

Une de ces rencontres a été celle de Nonce Paolini.
Il sait que j’ai pour lui des sentiments d’amitié et une grande admiration pour son parcours, bien sûr, mais aussi pour ce qu’il est.
Et ce qu’il est, est une grande leçon et un modèle dont j’ai souvent cherché à être un imitateur :
Respect et écoute des autres, prise de décision réfléchie, remise en cause permanente, humour que l’on s’applique d’abord à soi-même, répression du défaut qui nous guette lorsqu’il nous arrive de progresser : la vanité.

Cher Nonce,
Au contact d’hommes comme toi, j’ai complété au sein du groupe Bouygues, au-delà de ma découverte du monde et de nouvelles réalités professionnelles, ma formation personnelle et humaine.
Cette école-là m’a façonné bien plus que les autres.

Pour en résumer les leçons, j’aime à citer le conseil que nous donnait parfois –et même assez souvent- Martin Bouygues :
–        Ne fais que ce que tu comprends
–        Ne travaille qu’avec des gens que tu aimes
–        Si tu es amené à faire une promesse, tiens-la.
Tout est presque dit en trois phrases.
Il est vrai qu’une personnalité ayant récemment réussi à ressusciter en moins de vingt minutes –nouveau record- ne peut que graver dans nos mémoires de telles paraboles.

Je salue aussi la présence à mes côté de Roger Saboureau.
Cet Africain revenant de loin, comme il aime à le faire parfois chanter, représente, d’abord mais pas seulement, un petit groupe d’amis, sorte de club sans nom qui dîne souvent et se parle beaucoup, sous la présidence viagère encore qu’autoproclamée du général Gérard Desjardins.
Ce général-président pratique avec nous ce que notre fidèle secrétaire, non moins perpétuel et de propre mouvement, Gervais Johanet, appelle la « démocrature », subtile cocktail d’un doigt de démocratie et de plusieurs volumes de dictature.
Au sein d’une cohorte aussi bien dirigée et, disons-le, militarisée jusque dans ses dégagements, Roger symbolise pour nous des valeurs que l’on doit célébrer et que j’ai trop rarement l’occasion de revendiquer, parce que leur mise en oeuvre est une épreuve qu’on n’est jamais vraiment sûr de surmonter : l’engagement et l’honneur.

Comme mon ami Antoine Battesti (qui me manque beaucoup ce soir), face aux circonstances que la vie lui a imposées, Roger Saboureau a dû choisir, non dans la tranquillité, le cynisme ou le calcul, mais en interrogeant d’urgence sa conscience.
Puis il a agi dans l’honneur.
Il est aussi un de ceux qui ont eu une sorte de « chance » terrible : il a pu tester ses convictions dans l’épreuve, le danger, parfois le combat.
Pensez que ce jeune homme a été nommé chevalier de la Légion d’Honneur il y a cinquante-cinq ans, alors qu’il était simple lieutenant encore chevelu.
Un modèle, un exemple, un compagnon de trop rares mais toujours magnifiques discussions.

Tu sais, Roger, que ta présence ici ce soir a pour moi une grande signification.
Tu sais peut-être moins à quel point ton amitié et celle de tous ceux qui, comme toi, ont choisi de ne jamais renoncer, quitte à en payer le prix, m’intéresse et me stimule.

Et voici Irène Delage, avec qui j’ai la chance de travailler à la Fondation Napoléon.
Sans la Fondation Napoléon, son équipe et ses dirigeants, je ne serais pas devant vous ce soir.

Dans les 32 années de services que le décret de nomination a retenu à mon actif, quinze ont été passées au sein de cette institution dont Irène, quoi qu’encore très jeune, est la plus ancienne collaboratrice.
Après le choc culturel inévitable entre l’ancien Bouygues-Boy que j’étais et les méthodes plus feutrées d’une fondation déjà bien établie, nous avons marché ensemble, préparé et mené à bien de nombreux projets.
Avec Irène, mais aussi avec Pierre Branda et les autres qui sont ici ce soir, nous avons la chance de vivre une sorte d’aventure chaque jour renouvelée, au service de l’histoire et du patrimoine napoléoniens, au service de nos passions.

Ensemble, sous la direction de nos présidents successifs, le baron Gourgaud et M. Victor-André Masséna, nous avons tenté et, je crois, un peu réussi à faire de cette fondation un outil utile et, disons le mot : performant.
Il me semble en tout cas répondre à la nouvelle donne des études napoléoniennes en plein renouvellement, tout en appliquant des modes de travail et d’action qui, je crois aussi, nous rendent un peu originaux dans les milieux culturels, sans provoquer de rejet.
Il faut voir travailler cette équipe enthousiaste, imaginative et compétente pour comprendre que la tâche de leur directeur est finalement facile.

Une de mes chères amies m’a dit un jour que ce que j’aimais par-dessus tout était d’embarquer des gens avec moi dans des projets.
Si c’est vrai –et c’est vrai-, je ne pouvais pas rêver meilleur équipage.
Chère Irène, Cher Pierre, Chère Alexandra, et vous tous, mes chers collègues de la Fondation Napoléon,
Je vous demande de croire à ceci : cette décoration est aussi la vôtre.

Elle appartient aussi aux partenaires de la Fondation, ceux avec qui nous travaillons à des projets culturels et patrimoniaux.

–        Le ministère de la Culture et tous ses démembrements : direction du Livre, Centre des Monuments nationaux, Musées et autres ;
–        le ministère de la Défense, de son service historique au à sa direction du Patrimoine et de la Mémoire, en passant bien sûr par le Musée de l’Armée
Ils se battent bravement, chacun dans leur domaine, par ces temps difficiles où la culture et l’histoire doivent être défendus et promus, comme une part de nous, de nos racines et, je le crois, les fondations de notre avenir.
Et, bien sûr, je ne peux ce soir que penser à nos partenaires du ministère des Affaires étrangères, avec qui la Fondation entretient des relations si originales depuis bientôt quinze ans, pour faire connaître le patrimoine des Archives diplomatiques, mais aussi, vous le savez, au sein du grand projet de restauration des Domaines nationaux de Sainte-Hélène.

Au moment où je vous parle, d’ailleurs, nos amis de l’île du bout du monde, Michel Dancoisne-Martineau et son équipe, qui ne peuvent être là, m’ont promis de boire à notre santé, précisément à partir de 18 h 30, heure de Paris.
Pour ces raisons et d’autres plus personnelles, les présences parmi nous ce soir de M. Yves Saint-Geours, directeur général à l’administration au ministère, des directeurs successifs des Archives diplomatiques et de leur équipe, de M. Graham Paul, directeur de l’Immobilier et de la Logistique, et ses collaborateurs me réjouissent, me touchent et m’honorent.

Bien sûr, me direz-vous, j’ai aussi produit quelques livres.
Et vous pourriez croire que je ne le dois qu’à moi-même.
Non, vous ne le croyez pas car beaucoup d’entre vous connaissent bien ou appartiennent au monde de l’édition…
Que serait en effet un auteur sans des exemples et des références d’abord, et, pour moi, celles de Jean Tulard, de Frédéric Bluche, de Jacques Jourquin ou de Jacques Mangin,
Que serait un auteur sans la bienveillance et le soutien de ses collègues, et pour moi Emmanuel de Waresquiel, Pierre Branda, Patrice Guéniffey, Jacques-Olivier Boudon ou Arnaud Teyssier…vous serez surpris d’apprendre que nous ne nous haïssons pas…c’est même tout le contraire.

Que serait enfin un auteur sans les encouragements et la confiance de ses éditeurs, pour moi, Jean Picollec, Claude Durand, Denis Maraval, Benoît Yvert et Laurent Theis.
Et bien sûr l’auteur doit énormément à la patience des proches, de ceux qui ont partagé ou partagent sa vie, ce qui me permet, d’extraire du tam-tam thoracique de mon émotion d’aujourd’hui, un battement spécial pour Céline Gautier.

Dans ceux et celles qui ont un peu souffert de cette passion envahissante et parfois égoïste, mon fils Victor occupe une place particulière.

Mais il n’est pas à mes côtés ce soir pour que vous puissiez le plaindre.
Il symbolise ici l’avenir, à plus d’un titre, parce qu’avec sa génération –et je pense ici aussi à mes étudiants de l’Institut catholique-, il est notre demain et notre après-demain.
A travers les brumes de mon pessimisme naturel, point  toujours la lumière de ce fils et de ses amis, de ces étudiants présents et passés.
Alors je me dis que, peut-être, il n’est pas trop tard.
Ils ont leur vie à faire et, parfois comme ces ailes de papillons qui battent à l’autre bout du monde, leur époque à influencer et, mieux, à prendre à bras le corps.

Mais je peux aussi ce soir les inviter, à travers toi Victor, à écouter et à considérer nos expériences et notre expérience.
Et puisqu’il est aussi question d’histoire, je vous conjure de ne jamais vous en désintéresser, de ne jamais considérer que tout se réinvente à chaque génération ou que l’histoire soit seulement le passé.

Méditez sur les exemples et les intangibilités, sur l’épaisseur des temps, là, juste sous la fine couche de nos présents.

Alors, vous serez plus libres et moins surpris par les événements ; vous comprendrez mieux pourquoi, comme l’écrit Mona Ozouf, il arrive à l’histoire de « réanimer les enjeux engloutis » et « aux menaces inédites de redonner de l’éclat à des idées que l’on croyait devenues inutiles ».

Finalement, Victor, ce déjà trop long discours, était pour toi.
–        La famille et l’amitié,
–        le respect des autres et de la parole donnée,
–        l’ambition de l’équipe et le courage de l’engagement,
–        une volonté ferme et une ouverture aux autres
–        la connaissance de l’histoire et de ce qu’elle a fait de nous.
Ce sont des réflexions que toi et moi menons ensemble, sous beaucoup de formes depuis longtemps.

Qu’elles résonnent aujourd’hui et demain en toi comme elles s’agitent en moi, encore un peu plus fort ce soir que d’ordinaire.

Que pour aujourd’hui et demain, elles puissent tenir aussi dans la devise, si simple mais si riche, de cet ordre national de la Légion d’Honneur auquel je suis ce soir si fier d’appartenir : Honneur et Patrie.

Encore merci à tous pour votre amitié, votre présence et votre attention.

Paris, le 30 mars 2015

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