Une chronique de François Houdecek : quand Boris Johnson copie Napoléon

Auteur(s) : HOUDECEK François
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Après la rupture de la paix d’Amiens, Napoléon décida d’en finir militairement avec l’Angleterre. Les camps qui se développèrent de 1803 à 1805 sur la Manche, furent la partie la plus saillante de cette grande entreprise. Cependant en août 1805, les opérations sur le continent contraignirent Napoléon à abandonner ses préparatifs d’invasion pour projeter la Grande Armée à travers l’Europe avec le succès que l’on connait. L’opération qui avait avorté était théoriquement assez simple dans sa conception. Elle consistait en un embarquement de l’armée sur une flottille de bateaux qui devait la transporter sur les côtes britanniques pendant que la Marine impériale occupait le détroit de la Manche.

Une chronique de François Houdecek : quand Boris Johnson copie Napoléon
François Houdecek © Rebecca Young/Fondation Napoléon

Ce plan avait nécessité une somme importante de relevés hydrographiques ou topologiques afin de concevoir infrastructures portuaires ou défenses côtières. De même, la création de la flottille obligea les ingénieurs à tracer de nombreux plans d’embarcations, navires qu’il fallut faire manœuvrer sur le papier avant que ce ne fut sur les flots. Autant de projets qui arrivèrent en masse sur le bureau de Napoléon pour être approuvés ou rejetés. À côté de ce plan d’invasion audacieux qui généra une immense activité, on imagina des opérations bien moins classiques et parfois très en avance sur leur temps !

Avant la reprise des hostilités déjà, on avait soumis au Premier Consul un projet de tunnel sous la Manche. Cette idée couchée sur le papier en temps de paix, fut très vite écarté dès la rupture de la Paix d’Amiens. On avait imaginé passer sous la Manche, pourquoi ne pas passer au-dessus ? Surprendre son ennemie est souvent un gage de victoire, et sous le Consulat la technologie des ballons à air chaud était maitrisée. Pourquoi donc ne pas faire des bateaux qui s’élèveraient dans les airs par ce moyen ? Un ingénieur maritime s’attela à la tâche, et créa des bateaux volants (images prochainement disponibles) capables de faire traverser l’armée par la voie des airs. On ne sait si des tests ont été effectués en 1803 ou plus tard.

Après 1805, Napoléon n’abandonna pas l’idée de conquête des Îles britanniques. Pour maintenir l’opération vivace, et la pression sur le gouvernement britannique, les camps restèrent actif jusqu’en 1813. Parallèlement les projets continuèrent d’affluer au cabinet de l’Empereur. Le 28 juillet 1807, Napoléon alors au faîte de sa gloire reçu du sénateur François de Neufchâteau un rapport secret. L’ancien président du Sénat lui proposait de créer un isthme dans le détroit de Calais. Partant du principe que le sable devait obstruer le détroit de Calais, il se proposait de « seconder l’océan en opposant au courant de la mer du Nord des obstacles sur lesquels elle déposera ces sables ». À l’aide de pieux, de cônes ou de pierres sèches placées sur des bancs de sable repérés sur une carte de 1779 jointe au rapport, et en employant 20 000 prisonniers de guerre, l’opération ne devait prendre que trois années. Laudateur parmi les laudateurs, le sénateur invitait Napoléon à dépasser Alexandre le Grand qui avait construit une digue pour envahir la ville de Tyr en  – 332. Il fallait cependant conserver l’entreprise secrète. Après un début de carrière en vue, François de Neufchâteau était un peu en perte d’influence et se consacrait alors surtout à l’agronomie. Il proposait donc à l’Empereur d’annoncer le projet comme un moyen de gagner des terrains sur la mer afin de donner des « terrains neufs » pour l’agriculture, et comme il se devait, invitait l’Empereur à le nommer « Commissaire aux atterrissements de la Manche ». Comme beaucoup d’autres projets, désormais visible sur internet grâce au partenariat entre la Fondation Napoléon et les Archives nationales, cette idée de créer une sorte de digue-pont resta dans les cartons de la secrétairerie d’État.

L’ancien maire de Londres, Boris Johnson, lors de la visite présidentielle de janvier 2018 n’a donc que le mérite d’avoir relancé une idée vieille d’au-moins 211 ans. Il a fallu 200 ans de projets en tout genre pour voir creuser un tunnel sous la Manche, peut-être attendrons-nous encore quelques décennies avant que l’idée de François de Neufchâteau se concrétise… ou pas !

François Houdecek

François Houdecek est responsable de l’édition de la Correspondance générale de Napoléon Ier à la Fondation Napoléon

Mars 2018

Retrouvez les images numérisées associées à ces projets et bien d’autres, comme le pont de l’île d’Oléron imaginé en 1811, sur la Salle des Inventaires virtuelles des Archives nationales.

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