Une chronique de Thierry Lentz : Chatouilleux de la Correspondance : des inédits ajacciens qui ne le sont pas.

Auteur(s) : LENTZ Thierry
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Après presque vingt années de labeur, vous vous en souvenez, la Fondation Napoléon a publié 15 volumes de la Correspondance générale de Napoléon Bonaparte, le dernier en mai 2018. L’ensemble comprend plus de 40 000 lettres provenant de plus de deux cents centres d’archives et bibliothèques du monde entier. De la belle ouvrage dont, pourquoi le cacher, nous sommes assez fiers. Tout napoléoniste peut désormais s’y référer dans ses travaux ou pour son plaisir.

Une chronique de Thierry Lentz : Chatouilleux de la <i>Correspondance</i>  : des inédits ajacciens qui ne le sont pas.
Thierry Lentz © Eric Frotier de Bagneux

Depuis l’achèvement de cette « aventure » historique et éditoriale, il ne se passe pas de mois sans que, ici ou là, on nous signale une lettre de Napoléon, retrouvée à l’occasion de telle ou telle recherche, d’un inventaire ou d’un récolement de diverses institutions. À chaque « signalement »,  notre collaborateur François Houdecek (qui fut la cheville ouvrière de l’opération de publication) replonge dans ses propres inventaires et, neuf fois sur dix, est contraint de décevoir les découvreurs : « La lettre que vous nous avez signalée porte le n° XXX dans notre édition de la Correspondance ». Et lorsque la lettre nous était inconnue, nous l’intégrons dans notre immense recueil pour le moment, pas si lointain, de la publication électronique d’un ensemble encore plus riche que la publication papier. Environ une centaine de vrais inédits attendent ainsi de venir enrichir le corpus.
Il y a environ un an, notre attention a été attirée par des articles de presse révélant que la Bibliothèque municipale d’Ajaccio venait de retrouver dans ses fonds neuf lettres déclarées inédites, sans autre forme de recherche. Hélas, un simple courriel ou un coup de fil à la Fondation aurait permis de savoir que nous étions en possession de ces lettres depuis le début de notre opération et que les copies nous avaient été transmises…par la Bibliothèque municipale elle-même. On comprend que les hommes ayant changé à la tête de l’établissement, une confusion a été possible. Rien de grave. Nous en avons informé les nouveaux responsables.
L’affaire a eu un prolongement récent. La même Bibliothèque présente en ce moment au public une exposition de quelques-uns de ses trésors : des lettres sortantes et entrantes de la famille Bonaparte… parmi lesquelles les neuf lettres dont il est question plus haut. La presse locale – qui ne l’a pas inventé, en clair : on les lui a présentées ainsi- les proclame à nouveau « inédites » et trouve même un excellent historien pour le confirmer. L’article a fait une sorte de « sensation » puisque, fin de l’été oblige, la presse nationale s’en est saisi et a relayé l’information.
Comme nous sommes chatouilleux sur la Correspondance, pour laquelle près de 500 collaborateurs ont œuvré -nous leur devons de valoriser et défendre leur travail-, ce genre d’informations erronées nous émeut et, pour des raisons que vous allez comprendre, nous déçoit.
Il aurait en effet suffi à chacun de consulter les volumes de notre Correspondance pour constater en dix minutes que ces neuf lettres n’étaient pas plus « inédites » cette année qu’elles l’étaient l’année dernière, et pour cause ! Pour les afficionados, elles portent dans notre édition les numéros : 34593, 35030, 35043, 35118, 35119, 35275, 35487, 35602 et 35599. La source est parfaitement indiquée : Bibliothèque municipale d’Ajaccio.
Vous me direz qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Certes, le félin ne l’a pas mérité. Mais des archivistes, des historiens et (même) des journalistes ! Recouper et vérifier étaient tout de même à leur portée.

Thierry Lentz
Directeur de la Fondation Napoléon

Septembre 2019

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