TALENTS ET MÉTHODES DE NAPOLÉON CHEF DE GUERRE

 





TALENTS ET MÉTHODES
DE NAPOLÉON
CHEF DE GUERRE

À la fin de la campagne d'Italie Napoléon a manifesté toute la panoplie de son génie militaire. Il ne fera ensuite que l'appliquer à plus grande échelle en perdant, parfois, un peu de son réalisme et de sa prudence.

On peut revenir brièvement sur ces aspects.

La souplesse et la faculté d'adaptation à toutes les situations et à tous les niveaux d'opération sont éclatantes. Il juge bien, vite, sans a priori (son système serait plutôt de ne pas en avoir), conçoit aussi vite et exécute de même.

Dans la préparation, il étudie plusieurs hypothèses et s'y prépare jusqu'à ce qu'il en choisisse une en fonction de l'évolution des événements. Il sait d'ailleurs en abandonner quand il juge qu'il n'est pas de taille. Il sait prendre des risques mesurés mais il ne force pas le destin.

Dans l'exécution, il fait preuve d'une activité stupéfiante et d'une rapidité de réaction objective et sans état d'âme. Il est servi par des collaborateurs et des troupes qui s'engagent à fond parce qu'il lui font entièrement confiance.

Dans la technique, il sait passer d'une dispersion prévoyante à une concentration décisive avec une sûreté de vue et une vitesse et une précision confondantes. Dans la technique encore, il adapte sa logistique à sa rapidité stratégique et commence à employer des regroupements d'artillerie, de cavalerie et d'avant-gardes.

Enfin, bien que la postérité ­ et les commémorations ­ retiennent plutôt les noms des batailles, ces batailles sont beaucoup moins importantes que la «grande tactique». L'idéal est que l'ennemi soit battu ou refoulé ou dispersé et réduit à néant sans bataille rangée, seulement par la grande manœuvre enchaînant petits et moyens combats. C'est pour cela que dans les exposés (RSN 406-410 et ce présent numéro) nous avons volontairement omis le récit des batailles pratiquement impossibles à reconstituer et sans grand enseignement pour comprendre le génie militaire de leur auteur. La marche sur Vienne sans nom éclatant de victoire en est un éloquent exemple.

Le résultat de cette campagne ainsi menée en un an: 160 prisonniers, plus de 1000 canons et 170 drapeaux pris à l'ennemi. Ajoutons à ces prises à peu près 60 millions de francs de contributions si utiles à un Directoire aux abois.

Il n'y a pas ­ si on permet cette familiarité ­ de «truc» mystérieux et magique qui donne immanquablement la victoire à Napoléon. C'est pourquoi on aura beau étudier ses campagnes, on mettra des années avant de trouver des parades à sa façon de faire la guerre car tout est «dans sa tête». Et encore sera-ce plutôt parce que les options politiques et une certaine sclérose (prudence assoupie et jugement moins sûr du possible) auront petit à petit pris le dessus. Le fougueux général de vingt-sept ans, lui, savait parfaitement quand et où il ne fallait pas se battre.

Le plus bel éloge de son art est peut-être dans cette phrase des généraux Delmas et Lesouef:

«Ce n'est guère qu'au cours de la seconde guerre mondiale qu'on retrouvera, toutes proportions gardées, ces grands résultats stratégiques obtenus par des moyens très faibles mais utilisés d'une manière qu'on qualifiera à ce moment de "guerre éclair"».


J.J.


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