LE TROISIÈME ACTE DE LA CAMPAGNE D'ITALIE : I. Les opérations

 





LE TROISIÈME ACTE
DE LA CAMPAGNE D'ITALIE

I. Les opérations

La marche sur Vienne



« La Prise de Courtray et de Menin fut le prélude de la Gloire de Pichegru et de la brave Armée qu'il commandait. L'ennemi occupant Valenciennes, Le Quesnoy, Landrecy et une nuée de Puissances formidables étaient liguées contre la France, ce Général à la tête des Troupes françaises triomphe de tous leurs efforts. Et après avoir conquis les Pays-Bas malgré la saison la plus rigoureuse, malgré les glaces, passe le Waal et le Lech, s'empare d'un vaste pays. Heusdin, Utrecht, Amerfort et Amsterdam, sont forcées d'ouvrir leurs portes et de reconnaître le vainqueur. Comment se retracer froidement les succès de l'Armée de Sambre et Meuse, dont le chef mania avec tant de courage dans la Vendée, le Rameau d'Olivier ! Appelé depuis à combattre des ennemis que l'on peut vaincre sans regret, a su rendre synonimes les mots d'attaque et de victoire... Vous ne serez pas oubliée Armée de Rhin et Moselle ! Et toi vaillant et sage Moreau déjà sont inscrites dans les fastes de l'Histoire ; et l'impétuosité de tes attaques et l'intrépidité de ta défense... Et toi jeune héros... l'année dernière tu comptois 14 batailles et 60 combats sans un seul revers. Cette année tous les pas ont été des victoires, tu as porté les armes françaises ou elles ne pénétrèrent jamais. Aux portes de Rome, tu as donné la paix à l'Italie ; aux portes de Vienne tu la donnes à l'Europe. » Les généraux tiennent les morceaux de carte arrachés à la Maison d'Autriche. À noter que si Bonaparte figure bien sur la stelle (avec Kellermann !) son nom n'est pas cité dans la légende reproduite ci-dessus. B.N., photo Tallandier. Masséna, la main sur une carte d'Italie, l'autre main serrant les Préliminaires de paix. Photo S.N.

Après Rivoli, la 1re campagne d'Italie est pratiquement terminée. Ce qu'il est convenu d'appeler la troisième et dernière partie de la campagne et que nous appellerons «le troisième acte» pour rester dans notre terminologie (voir RSN 406-410) est stratégiquement simple: il s'agit de la marche sur Vienne.

Trois remarques préalables sont indispensables.

Pour la première fois, Bonaparte dispose de troupes équivalentes à celles de l'adversaire. Il a reçu en effet d'Allemagne les divisions Bernadotte et Vaubois, il a 70000 hommes.

En second lieu, Napoléon reprend le plan initial de la campagnecar l'Italie n'était pour le Directoire qu'un moyen d'atteindre l'Autriche, le vrai et unique but de cette guerre.

Troisièmement, Napoléon change d'adversaire. Il a en face de lui l'archiduc Charles, le plus jeune frère de l'empereur François II, né deux ans avant lui-même, qui a refoulé Jourdan et Moreau en Allemagne. Considéré comme un des plus grands chefs militaires de l'histoire autrichienne, il réformera l'armée, sera plus tard vainqueur à Essling et Aspern, mais démissionnera après l'armistice de Znaïm. Chef du parti belliciste, désavoué par son frère rallié aux thèses de Metternich, il ne sera pas de la victoire finale: c'est le prince Schwarzenberg qui conduira en France les armées autrichiennes en 1814. Il mourra en 1847 auteur de Principes de la stratégie qui annoncent Clausewitz. C'est donc un adversaire de qualité.

Napoléon tente de prendre l'archiduc Charles de vitesse. À partir de l'Adige la Suisse ne le protège plus au nord et il doit donc se porter à la fois vers Trieste et vers le Tyrol par où il essaiera de menacer les communications de l'adversaire. Mais Joubert sur le Tyrol devra avoir d'abord une attitude défensive et tenir une dizaine de jours. Moreau pourra bientôt intervenir pour le soulager mais ce dernier ne passera en réalité le Rhin que le 18 avril, le jour de Leoben.

La partie se joue en trois temps.

1. La marche jusqu'à l'Isonzo (11-20 mars). Masséna prend la route directe vers Vienne et le col du Tarvis avec une forte division de 15000 hommes. Le 11 mars, il détruit le corps de Lusignan vers Longarone. Il franchit la haute Piave tandis que Napoléon franchit la basse Piave. Bousculé de front et menacé d'être tourné sur sa droite l'archiduc se replie. Napoléon franchit le Tagliamento le 16 mars.

L'archiduc ne s'est pas engagé à fond.

2. La marche vers Klagenfurt (20-31 mars). Masséna marche sur le col du Tarvis et s'en empare le 23 mars. Le 28, Masséna, Guieu qui commande l'ancienne division Augereau, et Sérurier sont réunis à Klagenfurt évacué par l'archiduc.

3. La marche sur Vienne (1-17 avril). Ayant rappelé Bernadotte et Joubert, Napoléon poursuit l'archiduc, le bouscule à Neumarkt le 2 avril, atteint le 7 Leoben. L'archiduc Charles a pris position au col de Semmering à quelque cent kilomètres de Vienne. Mais Napoléon est très loin de ses bases et il signe le 7 l'armistice (la convention de Judenburg) qui fixe les armées sur leurs positions. Cet armistice, c'est l'archiduc qui l'a demandé: il sait que Hoche et Moreau sont en marche et que Masséna est en position de pouvoir le menacer sur ses arrières par les Alpes juliennes.


Gravure populaire représentant les généraux Berthier, Masséna, Augereau et Bonaparte «le vainqueur de toute l'Italie». Photo Tallandier.


Les gorges du Tyrol en mars 1797 par Boguet. Musée de Versailles. Photo Tallandier.

Cette campagne de manœuvres typiquement napoléonienne ne comporte aucune grande bataille. Napoléon par une suite de combats et de franchissements enchaînés rapidement n'a jamais laissé à l'archiduc le temps de s'organiser. Il l'a constamment menacé sur son aile droite et refoulé sur son centre. Dans ces combats, l'Autrichien a perdu beaucoup plus de prisonniers que de tués ou de blessés et ses effectifs ont fondu.

Pourtant, la manœuvre était risquée. La preuve en est qu'une colonne autrichienne ­ mais beaucoup trop faible ­ venue du Tyrol descendra l'Adige vers Vérone après le passage de Joubert en direction de l'est, en bousculant aisément quelques détachements français. Elle sera arrêtée par l'armistice. Tout fut dans cette affaire question de vitesse et de souplesse de conception, de rapidité d'exécution et aussi d'intimidation. L'armistice fut en fait la grande victoire de cette campagne manœuvrière et ce n'est pas la moindre illustration du génie de Napoléon que d'avoir conclu victorieusement en changeant soudainement de registre.

J.J

N.D.R.L. Le cours du capitaine Corda (voir RSN 406-410) étant très insuffisant sur cette partie, nous nous sommes servis de la brillante étude des généraux Jean Delmas et Pierre Lesouef. En revanche, la carte est du capitaine Corda.


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