La 1ere campagne d'Italie-La campagne d'Italie vue à travers la littérature et le cinéma

 




LA LIBERTÉ EN ITALIE

La campagne d'Italie
vue à travers la littérature
et le cinéma

Professeur Jean TULARD
membre de l'Institut, Université de Paris IV - Sorbonne




« Le 15 mai 1796, le général Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune armée qui venait de passer le pont de Lodi et d'apprendre au monde qu'après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur. »

Ainsi commence l'un des plus célèbres romans de Stendhal, La Chartreuse de Parme. À vrai dire la littérature n'a pas attendu Stendhal pour célébrer la première campagne d'Italie. Aussitôt après l'annonce de la victoire de Lodi, on joua à Paris une comédie, Les vainqueurs de Lodi, puis Mehul composa un opéra sur la bataille. Par la suite, Franconi fit représenter « le passage du Pont de Lodi » au Cirque olympique.

Un autre pont eut une postérité littéraire tout aussi importante, celui d'Arcole. Marie Joseph Chénier composa, à la demande de Napoléon, une « Mort de Muiron » assez ronflante et loin de la réalité historique : « Arcole, en tes vallons fameux par nos guerriers,

Les larmes du vainqueur ont mouillé ses lauriers. »

Les almanachs des muses feront écho aux victoires d'Italie. Ce sont les romantiques qui prennent le relais de la littérature impériale. Rappellons les pages de Chateaubriand : « En moins d'un an quatre armées autrichiennes ont été détruites, la Haute Italie soumise et le Tyrol entamé ; on n'a pas le temps de se reconnaître : l'éclair et le coup partent à la fois. »

Goguelat, dans Le Médecin de Campagne, raconte la campagne à sa manière : « alors Napoléon qui n'était encore que Bonaparte nous souffle je ne sais quoi dans le ventre et l'on marche la nuit, et l'on marche le jour ; l'on te tape les Allemands à Montenotte, on court les rosser à Rivoli, Lodi, Arcole, Millesimo. Et on ne te les lâche plus. Le soldat prend goût à être victorieux. »

Dumas, qui situe le San Felice à Naples, ne manque pas d'évoquer les événements du Nord. Le roman populaire fait de Napoléon son héros favori et ne peut que s'inspirer de la campagne d'Italie avec Petithuguenin (Les Amours de Napoléon) et bien d'autres. Retenons L'aviateur de Bonaparte par Jean d'Agraives (1928 puis 1944). Dans sa conquête de l'Italie Bonaparte est aidé par le chevalier de Trélern, un émigré patriote inventeur d'une machine volante, le vélivole, qui se met au service de l'armée. Ainsi s'expliquent les victoires de Bonaparte. Celui-ci a néanmoins un adversaire redoutable, « le sept de pique », allié de l'Autriche. Le policier Jourdain en démasque le chef, le vicomte d'Erlande, véritable génie du mal à la façon de Fantomas ou du docteur Mabuse, et qui est inspiré par le comte d'Antraigues.

Le cinéma a supplanté le roman populaire. Le septième art est né en 1895, en 1898, on tourne déjà un Bonaparte au Pont d'Arcole ! Gance dans son magnifique Napoléon, en 1927, termine son chef-d'oeuvre sur la campagne d'Italie. Il renforce les légendes qui ont entouré cette campagne : le dénuement total de l'armée, la mauvaise volonté des chefs militaires devant Bonaparte qui les subjugue aussitôt, la célèbre proclamation (en fait écrite à Sainte-Hélène), etc.

Avec moins de talent, Henry Roussel avait évoqué, en 1925, les amours de Bonaparte et de Joséphine dans Destinée. Le film semble malheureusement perdu.

À défaut, on peut voir la façon dont Guitry reconstitue Arcole (dans Destinée c'est Lodi) dans son Napoléon, en 1952, et où Daniel Gélin est Bonaparte.

D'autres films reprendront cette campagne, d'Un caprice de Caroline chérie de Jean Devaivre en 1952 aux Hussards de Joffé en 1955, avec Bernard Blier et Bourvil.

N'oublions pas l'affaire du courrier de Lyon (c'est l'argent de l'armée d'Italie qui fut dérobé) et qui inspira de nombreuses versions, la meilleure restant celle d'Autant-Lara en 1937. Le cinéma italien ne s'est pas désintéressé de la campagne de Bonaparte. On éprouve toutefois quelques inquiétudes devant La Grande Débandade (Le aventure a gli amori di Scaramouche) de Castellari avec Aldo Maccione en Bonaparte (!) et la blonde Ursula Andress en Joséphine (!!).

Le Rossini ! Rossini ! de Monticelli, tourné en 1991 mais sorti seulement en France en 1996, est d'une autre qualité. On y voit le général Perrin entrer à Pesaro et y planter l'arbre de la Liberté.

Il convient enfin de signaler le remarquable documentaire sur la bataille de Lodi tourné à l'initiative du consul général de France à Milan, M. Jacques Warin.

Cet exposé pourrait s'achever sur la musique d'Offenbach. Il ne visait qu'à souligner l'étonnante diversité des &brkbar;uvres qu'inspira la première campagne d'Italie du général Bonaparte.




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