Dossier l'opposition anglaise : articles de presse

Times, 25 juillet 1859

    « Le canal de Suez est entré dans la dernière phase de son existence ; incapable d’obtenir la sanction de la Porte au projet dans lequel il s’est embarqué, M. de Lesseps a recouru aux derniers expédients, celui de commencer son entreprise sans la permission voulue.

    Nos lecteurs déjà connaissent probablement le fait que certaines opérations ont été commencées dans le voisinage de Péluse, et ce procédé a tiré, de Scheriff-Pacha, ministre des affaires étrangères d’Egypte, une notification à l’effet que la sanction de la Sublime-Porte n’ayant pas été obtenue, les travaux ne doivent pas continuer.

    M. de Lesseps, de la part de la Compagnie, maintient que les opérations entrent dans la catégorie « d’études et opérations préparatoires » autorisées par le vice-roi, et pour laquelle la permission du sultan n’est pas requise. Par l’éclat et la cérémonie avec lesquels ces travaux furent inaugurés il n’y a pas longtemps, il ne peut pas être douteux que leur promoteur ne les ait regardés comme quelque chose de plus que de simples épreuves ou essais. M. de Lesseps au surplus a été soigneux à expliquer leur objet.

    Dans une lettre adressée par lui au grand-vizir, en mars dernier, il dit être sur le point de se rendre en Egypte dans le dessein d’y pratiquer « une rigole de service de Péluse à Suez, rigole qui sera en même temps un essai destiné à préparer l’ouverture de l’isthme à la grande navigation ». Quelle peut être la force précise de ces mots : rigole de service ? C’est ce que je ne sais pas ; mais qu’ils signifient un fossé ou quelque chose sur une plus large échelle, M. de Lesseps, j’en ai la confiance, ne persuadera pas aisément le gouvernement et le monde qu’une tranchée pratiquée d’un bout à l’autre de l’isthme de Péluse et de Suez soit une simple affaire d’expérience et ne formera point partie du travail projeté.

    Evidemment la Compagnie universelle approche de sa dissolution, et il est des personnes qui considèrent la rigole de service de M. de Lesseps comme une place assez appropriée au dépôt de ses restes ; encore un peu et la question du canal de Suez sera probablement enterrée dans une large réclamation d’indemnité contre le vice-roi d’Egypte.

    Telle est la fin habituelle des plus magnifiques projets de l’Orient. Avec la chute du projet, tout l’intérêt de la question s’évanouit, et le public ne portera pas beaucoup d’intérêt à Saïd-Pacha, qui s’est mis à coquetter alternativement avec la Sublime-Porte, et avec M. de Lesseps. »