Dossier l'opposition anglaise : articles de presse

Times, 29 novembre 1862

    « Nos voisins réussiront-ils mieux ? Ils semblent le penser. Un télégramme vient de nous annoncer que « les eaux de la Méditerranée » ont été, il y a dix jours, introduites dans le lac Timsah, et la nouvelle est de nature, en dépit de son obscurité, à faire sensation.
    Notre correspondance, toutefois, jette une ombre sur l’éclat de cet événement. Le lac Timsah est à moitié chemin de la ligne à travers l’isthme ; les eaux de la Méditerranée ne viennent que du lac Menzaleh, qui couvre tout le rivage oriental de ses flots limoneux et lourds, et la communication effectuée ne l’est que par le moyen d’un petit aqueduc et non d’un grand canal.

    « M. de Lesseps, nous le craignons, a encore son œuvre à faire, et si lui et ses actionnaires ont confiance, ce n’est pas notre affaire de troubler leur satisfaction. La question est de celles que l’événement seul peut résoudre. L’opinion en Angleterre est qu’un canal maritime à travers l’isthme ne peut pas être pas ouvert actuellement pour l’usage de la navigation ou être maintenu en fonctionnement pratique. Il paraît que la même opinion n’est pas rare en Egypte même, parmi quelques-uns des propres subordonnés de M. de Lesseps, qui ont succombé soit au dégoût, soit au désespoir.

    Mais en France l’impression populaire paraît être différente. Le projet est regardé avec confiance et faveur ; les actionnaires se tiennent à leur pair et les perspectives sont jugées encourageantes. Lorsque nous exprimons des idées d’un genre opposé, nous sommes accusés de jalousie et on croit que nous intriguons contre « l’influence française en Orient ». Or, pour tous ces sentiments, en tant qu’ils existent, nos voisins n’ont qu’a s’en prendre à eux-mêmes. Nous n’aurions jamais regardé le canal de Suez comme autre chose qu’une mauvaise spéculation, si les Français ne nous avaient point si ponctuellement informés que c’était un trait dirigé sur la cuirasse de l’Angleterre.

    « [...] Nous ne lui (Lesseps) souhaitons pas de mal. En notre qualité de peuple commercial nous gémissons à la dissipation de tant de bon argent qui pourrait avoir été mieux employé. Le pire de ce projet de canal est qu’il n’effectue aucun bien partiel ni accidentel. S’il échoue, comme tout le monde croit dans ce pays qu’il échouera, à unir la Méditerranée et la mer rouge, son avortement est complet. Il n’aura pas même fourni au travail un emploi avantageux. Le travail indigène pourrait être mieux occupé à d’autres entreprises, et il a été nécessaire, si les rapports disent vrais, de le contraindre à se prêter à ce labeur répugnant. [...] »