La plage de Trouville

Artiste(s) : BOUDIN Eugène
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La plage de Trouville
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Surnommé « le peintre des plages et des ciels », Eugène Boudin est indissociable des marines qui ont fait sa réputation. Ce fils de marin originaire de Honfleur se consacre à partir de 1862 à l’observation d’une nouvelle mode, le tourisme balnéaire sur la côte normande. Les rivages de la Manche, d’abord fréquentés dans la première moitié du XIXe siècle pour leurs vertus thérapeutiques, sont à partir de 1850 de plus en plus prisés par la haute société française et anglaise. A cette date, une douzaine de plages entre Le Tréport et la baie du Mont-Saint-Michel accueille une clientèle fortunée. Favorisé par le développement du chemin de fer, le phénomène s’amplifie sous le Second Empire quand le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, participe à la création de Deauville, une station thermale qui vient doubler le petit bourg de Trouville. Casino, hippodrome, hôtels et villas de luxe assurent le succès du lieu qui s’impose vite comme le rendez-vous estival de l’aristocratie.

Les toiles de Boudin sont de précieux témoignages de ce phénomène en vogue sous le Second Empire. Peintre de plein air, l’artiste saisit sur le vif des morceaux de vie, nous montrant une  société en crinolines et redingotes qui se réunit sur le sable des plages normandes comme dans le plus mondain des salons parisiens. Seuls quelques curistes se risquent à prendre un bain ! Quelle distance entre nos plages actuelles surpeuplées de corps dénudés et celles du Second Empire fréquentées par des élégantes aux toilettes recherchées…

« Trois coups de pinceau d’après nature valent mieux que deux jours de travail au chevalet « , déclare Boudin. À partir de simples croquis aquarellés, le peintre recompose en atelier les toiles qu’il présente aux Salons. Sur 11 tableaux exposés de 1864 à 1869, 9 représentent la plage ou la jetée de Trouville. La composition finale d’une grande simplicité, trois bandes horizontales – le sable, la mer, le ciel – conserve tout de même la spontanéité de l’esquisse et la fraîcheur de la peinture de plein air. Précurseur de l’Impressionnisme, Boudin excelle dans le rendu des variations atmosphériques, jouant à l’infini des mille nuances de la lumière, révélant la fragilité et la fugacité du moment.

Karine Huguenaud, juillet 2002

Date :
vers 1865
Dimensions :
H = 0, 67 m, L = 1,04 m
Lieux de conservation :
Minneapolis Institute of Arts, William Hood Dunwoody Fund
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