Allocution du Général Robert BRESSE Directeur du musée de l'Armée de l'Hôtel national des Invalides à l'occasion de la commémoration du 197ème anniversaire du franchissement de la Bérézina par la Grande Armée en 1812
– Dimanche 29 novembre 2009 –
Chers amis,
Je me réjouis d'être pour la deuxième fois parmi vous, dans ce site de la Berezina dont le souvenir est si important pour le Directeur du Musée de l'armée de l'Hôtel des Invalides de Paris que je suis, car ce bâtiment historique prestigieux abrite non seulement le tombeau de l'Empereur Napoléon Ier, mais aussi un musée extraordinaire qui retrace près de mille ans de l'histoire militaire de la France.
Le passage de la Berezina par l'armée de Napoléon est vite devenu un symbole, mais paradoxalement cette dimension symbolique a fait d'une certaine manière reculer l'Histoire au point de la pervertir même, dans les deux camps, de manière symétrique.
Du côté français, ce que les troupes de la Grande Armée et les adversaires de Napoléon ont vécu comme l'un de ses derniers traits de génie et une victoire tactique remarquable puisque toute l'armée de Napoléon a réussi à franchir le fleuve sur les deux pontons érigés par les hommes du Général Eblé, est devenu le synonyme d'un désastre absolu, alors que celui ci n'interviendra que dans la suite de la retraite, à cause des milliers de morts de froid et de maladie sur la route de Vilnius.
Du côté russe, le fait que les Français aient échappé à la destruction totale a conduit à retirer à Koutouzov le mérite d'une victoire pourtant incontestable. On lui a reproché une prudence vite assimilée à de la pusillanimité, en oubliant que le froid était aussi vif pour les Russes que pour les Français et la maladie indifférente à la nationalité. Presque les deux tiers des effectifs de l'armée impériale russe ayant commencé la poursuite avaient fondu et la fatigue était égale pour tous. Les critiques acerbes d'une partie de ses pairs et l'hostilité du Tsar ont masqué le fait que Koutouzov fût le vrai vainqueur de Napoléon.
Cette double injustice, pourtant relevée par nombre d'historiens, perdure, tant le mythe l'emporte sur le fait historique dans l'imaginaire collectif. Sachons nous garder d'édifier d'autres mythes, et que les historiens français, biélorusses, russes travaillent ensemble dans l'avenir pour édifier une histoire commune et objective de ces évènements qui ont vu s'affronter il y a deux cents ans presque tous les peuples d'Europe, mais qui doivent aujourd'hui les unir dans la fraternité et l'espérance. C'est le voeu que je forme pour nous et pour vous.
Je vous remercie./.