Une découverte sensationnelle au château d’Arenenberg : la salle de bain de Napoléon III

Auteur(s) : EGLI Christina
Partager

Au bout de l’aile ouest de la dépendance du château d’Arenenberg se trouvait la salle de bain. Cette information était connue grâce à l’inventaire datant de 1855, donc de l’époque du rachat du domaine par l’empereur Napoléon III [1] . Les mentions se répètent dans les inventaires suivants, comme par exemple dans celui datant au plus tôt de 1865 :
« Cabinet à bain :
1 bain en porcelaine
1 cheminée
1 petit poêle
1 toilette en noyer
1 grande glace sur la cheminée
1 dormeuse
2 chaises en perse brune et verte
1 rideau idem »

Un bain en porcelaine ? S’agirait-il de notre découverte ?

Une découverte sensationnelle au château d’Arenenberg : la salle de bain de Napoléon III
© Napoleonmuseum Arenenberg

Un nouveau centre d’information

Vue de la « cuisine » et de son four qui chauffait l'eau pour le bain (c) Ch. E.
Vue de la « cuisine » et de son four qui chauffait l’eau pour le bain (c) Ch. E.

Depuis deux ans, Dominik Gügel, directeur du musée Napoléon, s’occupe de la planification d’un nouveau centre d’information / entrée / boutique et d’une grande salle d’exposition pour le musée. Le canton a octroyé le rez-de-chaussée de l’aile ouest des dépendances pour ce développement. Comme auparavant s’y trouvaient les cuisines et la cantine de l’École d’Agriculture située également sur le domaine d’Arenenberg, il fallait entreprendre d’importants travaux. Le retrait du carrelage apportait la première surprise : le sol d’origine en grès avait été laissé en place. Mais il fallait le retirer pour poser un nouveau parquet. L’étude des inventaires du 19e siècle dirigeait les sondages effectués avec l’aide du département d’archéologie du canton de Thurgovie sous la direction de Simone Benguerel – car il ne s’agissait au début que d’une documentation des lieux, n’attendant rien de spectaculaire.
Dans l’emplacement signalé comme étant la « salle de bain » [2], un quart du sol était recouvert de béton en plus des plaques de grès. Le tailleur de pierres chargé de retirer le tout, s’étonnait de trouver une cavité sous le béton. Les archéologues furent immédiatement sur place : quelques marches et un bassin recouvert de carrelage blanc (3m x 1,20 x 1,20) s’ouvraient devant eux ! En face du petit escalier, un aigle impérial ! L’ensemble de l’aile ouest (ou « l’aile du Prince », telle qu’elle a été rebaptisée) prenait une autre dimension.

Des travaux entrepris par la reine Hortense

Vue du bassin - ou piscine (c) Ch. E. 2010
Vue du bassin – ou piscine (c) Ch. E. 2010

Après le retour de son séjour en Italie en hiver 1830/31, époque de la révolte des Carbonari à laquelle ses deux fils avaient participé, et sachant qu’elle ne pourrait plus y retourner, la reine Hortense entreprenait d’importants travaux de restauration et d’élargissement dans le domaine d’Arenenberg. Tout d’abord, elle faisait construire en 1831/32 une chapelle en face du château ; la pièce se libérant devenait alors une salle de billard. Puis vers 1834/35, en plus des travaux entrepris dans la maison principale, elle faisait prolonger l’aile de la dépendance dans laquelle vivait son fils Louis Napoléon au premier étage. Début 2010, le retrait du crépi confirmait l’agrandissement et donnait une information importante : la partie existante du bâtiment datait au moins du 16e siècle ! En fait, Hortense n’avait pas fait construire entièrement les dépendances, comme il avait toujours été spéculé, mais avait utilisé des bâtiments déjà en place qu’elle agrandissait. Dans la nouvelle partie donc, elle installait une salle de bain et un four servant à chauffer l’eau, mais également à cuire le pain !

Des installations encore en place

La salle de bain restaurée (c) Ch. E 2011
La salle de bain restaurée (c) Ch. E 2011

Une fois les apports modernes retirés, les archéologues et le restaurateur Peter Kubalek se trouvaient devant un ensemble de techniques datant du début du 19e siècle. Tout d’abord, le bassin ou piscine – l’aigle impérial a sûrement été ajouté lors des travaux entrepris par Napoléon III après le rachat d’Arenenberg [3] – avec les apports d’eau froide (eau de source) et d’eau chaude (chauffée dans le four directement derrière le mur séparant la salle de bain de la cuisine) et l’écoulement des eaux usées. Le tout se trouve encore en bon état. Une technique normale aujourd’hui, mais au plus haut point en ce début de 19e siècle. L’eau chaude ne devait plus être acheminée durement par le personnel dans de grands chaudrons ou même des brocs, elle coulait directement dans la baignoire – ou plutôt dans le cas d’Arenenberg, dans le bassin, et était mélangée à l’eau froide y coulant également directement afin d’obtenir une température idéale pour le bain.
Le plafond allait offrir une autre surprise, de taille elle aussi ! Non seulement il était bordé d’éléments en stuc peints en plusieurs tons de verts et or, mais dans les coins se trouvaient des oiseaux exotiques ! L’ensemble était encore dans un excellent état et ne dut être que nettoyé.
Au fond du couloir et jouxtant à la salle de bain, un petit réduit pose encore le problème de son utilisation. Y avait-il un escalier en colimaçon offrant au Prince un accès direct depuis ses appartements au premier étage ?
En fouillant dans les combles de cette partie du bâtiment, le petit poêle qui chauffait la pièce à l’origine, a pu être trouvé, ainsi qu’un paravent. Avec les indications fournies dans les inventaires, il sera possible de reconstituer le mobilier à partir de celui conservé dans le dépôt.

Une exposition en 2011

La billeterie, boutique (c) Ch. E. 2011
La billeterie, boutique (c) Ch. E. 2011

Que faire de ces magnifiques trouvailles ? Il était impossible de faire disparaître cet ensemble unique. Les plans pour l’agencement de cette partie de l’aile ouest durent être changés : le centre d’information – entrée restait tel qu’il était prévu, la salle pour les expositions temporaires disparaissait des plans. La billetterie et boutique du musée se trouvent maintenant dans un espace clair et large. Y sont proposés des livres, des articles ayant trait aux jardins et à la beauté, des produits régionaux et suisses … Tout ce que le coeur désire ! À la suite de l’entrée se trouve maintenant une salle de projection : un film prépare le visiteur à la découverte du musée, à l’histoire d’Arenenberg et de ses habitants. Le parquet peut être ouvert grâce à un moteur afin de montrer les parties de l’ancienne cuisine encore en état.
Toutes ces installations ont été restaurées et sont ouvertes au public. À temps pour l’exposition temporaire de 2011 : Eau & toilette – Se laver, s’habiller, se parfumer… du baroque à la fin du XIXe siècle. Ainsi la salle de bain peut être intégrée dans le circuit de la visite.

Christina Egli, juin 2010 – Note : les parties de texte en italique sont des rajouts en date de mai 2011

Notes

(1) Le prince Louis Napoléon Bonaparte avait été obligé de vendre le domaine d'Arenenberg lors de son emprisonnement à la forteresse de Ham, se réservant le droit de rachat dans de meilleurs temps. Le 1er juillet 1843, il le vendait à Roseline Huet de Froderville, l'épouse du professeur de musique saxe, Karl Keller. Après le décès de sa femme, il héritait de l'ensemble et le laissait tomber peu à peu en ruine. Immédiatement après le rachat, Napoléon III faisait effectuer des travaux pour rendre au château l'aspect d'origine du temps de sa mère, la reine Hortense.
(2) Cette pièce avait été divisée en deux et servait de garde-manger pour les cuisines et de breau pour le chef de cuisine. Les travaux au sol purent être effectués après le retrait du mur de séparation.
(3) C'était Napoléon III, et non pas l'impératrice Eugénie comme cadeau d'anniversaire pour son époux, qui a racheté le domaine d'Arenenberg.
(4) "Eau & Toilette - 7000 ans de beauté et bien-être“ (titre provisoire) du 15 avril au 23 octobre 2011 au château d'Arenenberg. A partir du 3 juillet également au Musée archéologique de Frauenfeld.

Titre de revue :
Inédit
Mois de publication :
juin
Année de publication :
2010 (MAJ mai 2011)
Partager