Un désastre : Napoléon. Le conquérant, le législateur, le mythe (Le Figaro, 2011)

Auteur(s) : GARNIER Jacques
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Lecteur régulier du Figaro, j'ai bien entendu acheté le premier volume de la série « Ils ont fait la France », d'autant plus qu'il concerne « notre » Napoléon. 

Hélas !

Après cinq pages d'excellent tenue : une préface du directeur de la collection, Max Gallo, une table des matières laissant augurer un ouvrage utile et intéressant à lire, puisque composé pour un quart d'une étude sur ce personnage mythique, vu sous différents angles : l'homme au quotidien, le stratège, les femmes, les symboles, l'industrie, la création de la France moderne, les courants artistiques, etc., et pour les trois-quarts, d'extraits de grands écrivains (Stendhal et Chateaubriand), des écrits personnels de Napoléon etc.

Les « auteurs classiques », les Tulard, Lentz, Boudon, Bainville, n'avaient qu'à bien se tenir ! Mais que l'on se rassure, ils ne sont pas en danger. Très vite, c'est le désastre.
 
Comme preuve, je citerai quelques perles relevées au cours de la lecture (sélection non exhaustive) :
 
p. 20 : 1793 « A Toulon Napoléon noue des amitiés durables avec Junot, Desaix … ». Sauf que Desaix n'était pas à Toulon à cette époque… Il passera bien à Toulon, mais en mai 1800, à son retour d'Egypte
 
p. 23 : le « maréchal Colli ». Il était Fedmarschall Leutnant, ce qui correspondait à lieutenant-général et non à maréchal. Pourrait-on dire qu'un maréchal-ferrant est un maréchal ?
 
p. 23 : « Il contraint les Autrichiens à demander l'armistice de Cherasco, le 27 avril 1796 ». En fait, ce sont les Piémontais, alliés des Autrichiens, qui signèrent l'armistice de Cherasco. Les Autrichiens continuèrent la lutte.
 
p. 43 : « Au port de Boulogne, Villeneuve est vaincu par Collingwood et par l'amiral Nelson au large de Trafalgar ». Le port de Boulogne est au large de Trafalgar ?
 
p. 45 : « Napoléon met en déroute les Prussiens à Iéna le 14 octobre puis à Auerstadt ». C'est Davout qui bat les Prussiens à Auerstedt (et non Auerstadt) le 14 Octobre, et pas Napoléon.
 
p. 48 : 1809 « Charles lance les hostilités : surpris en l'absence de la Grande Armée, retenue en Espagne, l'empereur des Français prend la tête de l'armée d'Allemagne ». Sans commentaires…
 
p. 52 : « Il livre bataille aux Russes le 7 septembre 1812 à La Moscowa, au sud de Borodino » Il suffit de regarder une carte pour voir que c'est Borodino qui est au sud de la Moscowa.
 
p. 63 : « Les épisodes épiques de la retraite de Russie (la Bérézina, la Moscowa) ». La Moscowa pendant la retraite de Russie ?
 
p. 63 : « L'armée russe prend l'armée française au piège des grands froids sibériens ». Tiens ! La Grande Armée est allée en Sibérie ?
 
p. 68 : (A propos de la légendaire bataille de boules de neige commandée par le jeune Bonaparte) « Brienne, dans ses Mémoires, s'élève contre cette vision erronée et légendaire ». Brienne est le nom de l'école qu'a fréquentée Bonaparte, pas le nom d'un mémorialiste…
 
p. 69 : « Kléber, mort prématurément au combat en 1800 ». Ne serait-ce pas plutôt Desaix ?
 
p. 70 : « Fouché, incarnant le « vice » pour Chateaubriand ». Dans la phrase de Châteaubriant : le vice appuyé sur le bras du crime, le vice est Talleyrand et pas Fouché, qui est le crime.
 
p. 72 : « Marie-Louise, fille du roi d'Autriche ». Aïe ! Par ailleurs, tout au long de l'ouvrage, les auteurs parlent de François Ier ou de François II, sans aucune autre précision. Rappelons que les deux étaient le même personnage sous le nom de François II, empereur d'Allemagne et François Ier empereur d'Autriche.
 
p. 146 : Dans les Œuvres de Napoléon, dans le chapitre intitulé « Combats de Wagram » (d'où ont-il pêché cette formule ?), figurent deux textes : la proclamation du 6 octobre 1806 précédant la bataille d'Iéna et le Bulletin sur la bataille de Wagram de 1809…
 
Et encore :
 
p. 15 : « A l'âge de seize ans … il est reçu quarante-deuxième sur cinquante-huit à la promotion de septembre 1785 ». Il faut tenir compte ce que le concours était national, et incluait les élèves de l'école d'artillerie de Metz, qui était plus réputée que celle de Paris. Comme les examinateurs du concours national étaient les professeurs de l'école de Metz, ses élèves étaient bien sûr favorisés et sortaient chaque année dans les premiers rangs. Buonaparte est sorti 3e des Parisiens (Le 1er étant Picot de Peccaduc qui n'avait pu passer le concours l'année précédente et bénéficiait d'une année de scolarité supplémentaire ; et pourtant, il n'est que 39e !). Donc, citer le rang sans une explication conduit à une interprétation erronée. Ou on cite le rang avec une explication, ou on ne le cite pas…
 
p. 18 : « En 1791, il revient en Corse et se fait nommer lieutenant-colonel de la garde ». En fait, il est élu, par ses confrères, le 22/02/1792, adjudant-major au bataillon des gardes nationales volontaires d'Ajaccio et, le 01/04/1792, lieutenant-colonel en second du 2e bataillon des volontaires de la Corse.

Il n'était, dans la hiérarchie officielle, que lieutenant d'artillerie et deviendra capitaine en 1792. Ce grade de lieutenant-colonel de « la garde » n'avait donc aucune signification.
 
p. 21 : « Alors que la famine et les mauvaises récoltes contribuent à pousser le peuple de Paris à la révolte et à l'assaut de la Convention, le tumulte du 20 mai signe la fin des « journées révolutionnaires » par une sévère répression ». Qui peut comprendre ce charabia ?
 
p. 22 : « C'est à cette époque que Napoléon rencontre, en vendémiaire, Joséphine de Beauharnais ». Pourquoi, d'un seul coup, au milieu de dates du calendrier grégorien, une référence au calendrier révolutionnaire, surtout pour une date qui n'a pas été adoptée par la tradition (sauf pour la répression de l'insurrection du 13 vendémiaire) ?
 
Sans compter fautes d'orthographe, noms de personnes ou de lieux mal orthographiés, erreurs de dates, etc., toutes les deux ou trois pages…
 
Le premier ouvrage de la série « ils ont fait la France » étant de bonne présentation, je me promettais de réserver à l'ensemble de la série une bonne place dans ma bibliothèque. Par chance, je me dis maintenant que, si les autres sont de la même tenue que le Napoléon, je n'aurai pas besoin de me lancer dans de grands déménagements. Ouf !



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