Que deviennent les membres de la famille Bonaparte après la première abdication de l’Empereur en 1814 ?

Auteur(s) : DE BRUCHARD Marie
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Tant d’événements importants interviennent dans la chronologie de l’année 1814 de l’Empereur que le destin des membres de sa famille, dont la fortune – dans tous les sens du terme – dépendait de lui, est eclipsé par la chute de Napoléon. Que deviennent les Bonaparte juste après la première abdication ? Intéressons-nous aux adversités rencontrées par les autres membres de cette famille qui tente tant bien que mal de préserver ses statuts pendant que l’Empereur s’installe à Elbe.

Cet article reprend une série de notre rubrique « Il y a 200 ans » de notre Lettre d’information hebdomadaire.

Que deviennent les membres de la famille Bonaparte après la première abdication de l’Empereur en 1814 ?
Joseph Bonaparte, par Jean-Baptiste Wicar, Château de Versailles

Joseph Bonaparte

Joseph Bonaparte avait poussé l’impératrice à quitter Paris le 28 mars (cf. lettre d’information n°707), devant l’avancée des troupes alliées sur la capitale. Il l’escorta lui-même jusqu’à Blois et s’installa à Orléans devant l’impossibilité de rejoindre Fontainebleau où il espérait retrouver son frère. Il lui écrivit une lettre le 10 avril appelant à l’établissement d’une monarchie constitutionnelle pour éviter le retour des Bourbon. Cette lettre arrivait trop tard ; Napoléon avait déjà abdiqué. Apprenant la nouvelle, Joseph se mit en route discrètement pour la Suisse et enterra papiers et diamants près de la frontière. Joseph avait élu domicile au château de Prangins, acheté le 12 juillet, et faisait fructifier ses avoirs en Hollande et à Londres quand Napoléon revint d’Elbe et le contacta le 12 mars 1815. C’est devant la menace d’être pris en otage par les alliés plus que par enthousiasme débordant devant le retour de Napoléon que Joseph repassa la frontière et rejoignit l’Empereur alors qu’il se dirigeait sur Paris.

Lucien Bonaparte

Lucien Bonaparte, par François-Xavier Fabre, Museo Napoleonico, RomeBrouillé depuis des années avec son frère l’Empereur (cf. Lettre d’info n° 438), pour avoir refusé de divorcer de sa seconde femme, Lucien Bonaparte fut banni du Sénat, se retrouva sans traitement, et ne figura plus sur la liste des Princes de la famille impériale. Il chercha, en vain, à fuir aux États-Unis en août 1810. Arrêté en chemin en Sardaigne par les Britanniques, qui craignaient qu’il ne soit en fait en connivence avec son frère pour quelque négociation secrète outre-atlantique, il fut transféré à Malte puis à Thorngrove, en Angleterre. La chute de Napoléon Ier le libéra de cet exil et il prit la route de Rome le 21 mai 1814, libéré de son ennui relatif (il s’était consacré à l’écriture poétique de son Charlemagne et à l’astronomie). Le pape Pie VII, lui-même revenu de sa captivité en France (cf. Lettre d’info n° 715), avait noué d’amitié avec le frère de Napoléon depuis son soutien au Concordat plus de dix ans auparavant ; il l’accueillit le jour même de son arrivée à Rome, le 27 mai. Au cours de cette audience, Pie VII lui annonça sa décision de lui conférer le titre envié de prince romain. La nouvelle ne manqua pas d’irriter parmi les cardinaux comme dans les milieux royalistes français. Mais la bienveillance de Pie VII se confirma par une bulle d’anoblissement du 18 août 1814  : « le loyal et sincère attachement que Lucien avait toujours montré pour le Saint-Siège et [la] personne [du Saint-Père] » était reconnue. Dès lors, Lucien solda ses propriétés en France et s’installa définitivement à Rome, où le couple Bonaparte entretient une petite cour qui devait remporter beaucoup de succès. Les Cent-Jours allaient cependant amener de nouveaux rebondissements dans la relation tumultueuse de Napoléon et Lucien Bonaparte…

Elisa Bonaparte Baciocchi

Elisa Bonaparte Baciocchi, par Joseph Franque, Bibliothèque Paul MarmottanTandis que son beau-frère Murat tentait de sauver son royaume de Naples en s’alliant avec les Autrichiens contre Napoléon, Élisa Baciocchi, grande-duchesse de Toscane, fuyait Florence le 1er février 1814, sous les quolibets de la foule alors que les troupes britanniques débarquaient les jours suivants à Livourne. Tandis que la campagne de France faisait rage et que l’Empire se délitait à ses extrémités, courant février, Élisa tenta de conserver Elbe à Napoléon en ordonnait au général Dalesme de la défendre à tout prix. Menacée elle-même par l’avancée des troupes austro-britanniques, Élisa dut quitter Lucques le 13 mars en direction de Gênes puis, apprenant la présence des alliés à Lyon, vers Montpellier où elle et son mari arrivèrent dix jours après. Enceinte et fatiguée par cette fuite, Élisa marqua la pause là, au château de la Piscine ; elle y apprit la capitulation de Paris alors qu’elle visitait le jardin botanique de Montpellier. Devant l’hostilité des Montpelliérains, la soeur de l’empereur déchu dut fuir à nouveau, déguisée, dans une chaise de poste. Elle partit pour Aix puis Marseille le 15 avril et écrivit en route tour à tour à Fouché, Talleyrand, au Tsar puis à Metternich dans l’espoir de consolider sa position. Le 13 mai, le comte de Ségur qui lui confirma l’inévitable : Metternich refusait qu’elle conserve Lucques. Élisa alla durant l’été plaider sa cause jusqu’à Vienne puis Graz, où elle séjourna auprès de son frère Jérôme, devenu prince de Montfort, mais elle n’obtint de Metternich  qu’un passeport pour l’Italie. Felix  Baciocchi avait pris les devants en s’installant à Bologne pour placer le reste de leur fortune dont la majorité avait été mise sous séquestre par le commandant autrichien de Lucques. Sur le retour de Graz vers Bologne, Élisa finit par accoucher le 10 août de Jérôme-Frédéric-Félix-Napoléon. Elle rejoignit Trieste peu après pour aider sa belle-soeur Catherine à accoucher à son tour. Espérant s’attirer la bienveillance des Autrichiens, Élisa se cantonna à vivre bourgeoisement dans la Villa Caprara à Bologne… Elle y était presque parvenue lors retour de son illustre frère en France, date à laquelle elle est arrêtée et envoyée sous surveillance en Autriche.

Hortense de Beauharnais et Louis Bonaparte

La reine Hortense, par Antoine-Jean Duclaux, Napoleonmuseum, ArenenbergLorsque les alliés s’approchèrent dangereusement de Paris, Louis Bonaparte, trop souffrant pour combattre à la défense de la ville, fut désigné pour accompagner Marie-Louise à Blois mais ne voulut pas quitter la capitale sans savoir ses deux fils à l’abri. Or Hortense ne voulait croire à la défaite et hésita longtemps avant de quitter la ville. Elle était à Rambouillet quand elle rejoignit Joseph et Jérôme en fuite pour apprendre de leurs bouches la capitulation de Paris. Le 1er avril, elle prit la route du château de Navarre près d’Évreux pour rejoindre sa mère, et toutes deux apprirent ensemble la nouvelle : le Sénat venait de déchoir l’Empereur. Hortense envisagea alors de s’établir à la Martinique, sur la propriété de sa mère, avec ses deux fils ; elle le dit et l’écrivit encore le 9 avril à sa lectrice et confidence. Mais la fortune personnelle de la belle-fille de Bonaparte était nulle : elle avait jusqu’ici dépendu de Napoléon et de Louis. Elle regagna alors Paris, puis Malmaison à la fin du mois d’avril et dut vite se ranger aux conseils de son entourage, à commencer par ceux de sa mère, qui l’enjoignaient à profiter de la bienveillance du tsar à son égard. Le 30 mai, sous l’impulsion d’Alexandre Ier, Louis XVIII finit par octroyer à l’ancienne reine de Hollande le duché de Saint-Leu et un revenu annuel de 400 000 francs en application des demandes de Napoléon déterminées à Fontainebleau. Hortense venait de perdre sa mère (cf. Lettre d’info n° 715) la veille. Avant de quitter la France pour l’Angleterre, Alexandre Ier fit, le 2 juin, une dernière étape auprès des enfants Beauharnais qu’il avait protégé durant tout son séjour parisien. Eugène devait lui-même repartir chez son beau-père en Bavière à la mi-juin. Restée seule en France, Hortense se rendit à Plombières, le 25 juillet, pour prendre les eaux, laissant ses deux fils à Saint-Leu. Il s’agissait d’un calcul politique : leur présence garantissait que leurs nouvelles terres ne seraient pas à nouveau confisquées. PAr ailleurs, ce geste montrait la confiance que la belle-fille de Napoléon Ier portait au nouveau régime en s’éloignant de ses enfants. Elle séjourna après Plombières à Bade à partir du 10 au 29 août en compagnie de son frère, pour repartir au Havre jusqu’à la mi-septembre, afin de consolider sa santé. À la fin du mois de septembre, Briatte, ancien chef du cabinet topographique de Louis, se présenta à Saint-Leu avec un message : l’ancien roi de Hollande établi à Rome, comme la plupart des membres de la famille Bonaparte, exigeait que ses enfants l’y rejoignissent. Hortense s’y refusa ; un procès menaçait de s’ouvrir. Soucieuse de conserver un avenir en France pour ses enfants, elle espérait encore se concilier les Bourbon et, pour éloigner d’elle les rumeurs de soutien aux conspirations contre Louis XVIII, elle demanda une audience au roi le 2 octobre. Rassurée sur l’opinion qu’il se faisait d’elle, elle finit par s’installer à Paris pour couper cours aux rumeurs hostiles. Elle y résidait encore, faubourg Saint-Germain, lorsque Napoléon débarqua d’Elbe et qu’allait commencer l’épisode des Cent-Jours…

Eugène de Beauharnais

Eugène de Beauharnais, par François Gérard, collection privéeMalgré la victoire temporaire de Mincio sur les alliés le 9 février 1814 (cf. Lettre d’information n° 700), le vice-roi d’Italie Eugène était dans une impasse. Alors que Murat avait entamé des négociations avec l’Autriche pour sauver son trône à Naples, Eugène de Beauharnais devait face à la pression des alliés. Dans le même temps, il recevait à la mi-mars l’ordre de l’Empereur de quitter l’Italie pour lui prêter main forte en Champagne, mais choisit de ne pas y répondre. Malgré cet abandon, Napoléon demandera pour son beau-fils le maintien d’un établissement en Italie lors du congrès de Châtillon (cf. Lettre d’info n° 701), ce que refusera l’Autriche. Établi à Mantoue lors de la prise de Paris et de l’abdication de Napoléon, Eugène recevait début avril des lettres de son beau-père, le roi de Bavière, et de sa mère, Joséphine, l’enjoignant à « agir pour sa famille », en prenant définitivement ses distances avec Napoléon. Le 16 avril, il accepta de signer une convention présentée par l’émissaire autrichien Neipperg, s’illusionnant sur ses capacités à conserver Milan. Ce ne fut qu’avec le lynchage de son ministre des Finances Prina, le 20 avril, que le vice-roi d’Italie prit la mesure du rejet par les Milanais. Le 23 avril, il signa une nouvelle convention en forme d’abandon avec l’Autriche, à qui il avait demandé protection après cet assassinat. Un article secret lui garantissait la protection de ses biens personnels. Il se mit en route pour les terres de son beau-père le 26 avril ; arrivé à Munich début mai, il en repartit presqu’aussitôt pour Paris et y défendre l’ « établissement convenable » que l’article VI du traité de Fontainebleau prévoyait pour lui. Louis XVIII le reçut cordialement mais aucune suite réelle ne sera donnée à ses prétentions. Fin mai, Eugène, résigné à attendre « paisiblement le sort qu’il plaira aux puissances alliées de [lui] assigner », comme il l’écrivit à Napoléon le 25 mai, s’apprêtait à retourner à Munich quand il apprit l’état de santé défaillant de sa mère. Sa soeur Hortense et lui étaient à son chevet lorsque l’ancienne impératrice décéda le 28 mai. Eugène et Hortense, soutenus dans leur deuil par Alexandre Ier, passèrent quelques jours dans la demeure établie pour Hortense à Saint-Leu. Cette marque d’amitié du tsar rassura l’ancien vice-roi d’Italie. Il reprit la route de la Bavière le 11 juin. Il ne devait jamais retourner en France.
Pour en savoir plus sur Eugène de Beauharnais

Madame Mère et Pauline Bonaparte

Letizia Bonaparte, Madame Mère, atelier de François Gérard, Musée FeschAyant perdu son château de Pont-Sur-Seine incendié sur ordre du prince royal de Wurtemberg, Letizia s’était réfugiée dans la capitale. Mais devant l’avancée inéluctable des alliés, elle partit de son hôtel rue Saint-Dominique le 30 mars, le même jour que Marie-Louise et le roi de Rome. Elle les croisera à Blois peu avant leur départ pour l’Autriche. L’empereur ayant écrit à sa mère de se rendre à Nice auprès de Pauline, elle poursuivit sa route vers Rome, pour rejoindre le palais Falconieri et son demi-frère, le cardinal Fesch. Pie VII accueillit Madame Mère avec bienveillance. Le pape avait écouté les suppliques de Pauline à Nice, sur le chemin de son retour à Rome (cf. lettre n° 715), où elle l’avait suivi pour défendre la cause de son frère. Entretemps, Napoléon avait négocié le 12 avril avec les alliés, l’attribution d’une rente de 300 000 francs à sa mère, avant de quitter Fontainebleau pour Elbe. Letizia tâcha de consolider ce revenu en vendant ses biens en France. Et tandis que Napoléon se dirigeait vers son exil, il croisa le 26 avril sa soeur qui l’y attendait depuis le 15 au Luc dans le Var. Pauline débarqua du Letizia (!) le 1er juin sur Elbe et s’installa sur le domaine de San Martino… pour repartir aussitôt auprès de sa soeur Caroline et son beau-frère, le « roi dans l’expectative » de Naples depuis ses tractations avec les Autrichiens (cf. Lettre n° 696). De Portici où elle s’installa, elle rétablit la correspondance avec Lucien qui s’était installé à Rome (cf. Lettre n° 717).
Letizia, une fois ses affaires financières provisoirement réglées, entreprit le voyage du 26 juillet au 2 août vers Elbe où l’empereur déchu lui avait fait préparer une chambre. Letizia finit par s’installer, pour plusieurs mois, dans la casa Vantini, à côté du palais dei Mullini. Pauline tentait pendant ce temps également de se séparer de ses propriétés en France, sans grand succès en dehors de l’hôtel de Charost vendu le 24 octobre au nouvel ambassadeur d’Angleterre auprès de Louis XVIII, Wellington. Pauline rejoignit Napoléon et Letizia peu après ; elle occupa l’appartement que Napoléon avait préparé, en vain, pour la venue de Marie-Louise et le roi de Rome. L’hiver passa dans un ennui que tentèrent d’égayer mère et soeur… jusqu’au moment où Napoléon ne tint plus : les accords financiers de Fontainebleau le concernant lui comme sa famille n’avaient pas été honorés et les nouvelles de France semblaient indiquer un revirement vis-à-vis de Louis XVIII. L’empereur confia à sa mère qu’il ne resterait pas à Elbe…

Caroline Bonaparte et Joachim Murat

Caroline Bonaparte, par François Gérard, Fondation Dosne, Bibliothèque ThiersDès fin 1813 (cf. Lettre d’info n°696), Murat avait tracté avec les Autrichiens, espérant conserver son royaume de Naples, voire susciter en Italie un mouvement révolutionnaire dont il aurait pris la tête, au détriment d’Eugène et du fils de Napoléon Ier. Encouragé dans cette voie par son épouse Caroline Bonaparte, il tâchait donc de consolider le traité couché sur papier le 11 janvier 1814 avec l’Empire autrichien : il lui garantissait son trône et quelques 400 000 sujets de plus par des lettres – et des sommes d’argent – envoyées aussi bien à l’attention de ses ennemis d’hier et leurs intermédiaires (Fouché, Talleyrand ou au futur Louis XVIII…), lettres restées en toute logique mortes. Soutenant en tout point son époux, Caroline tâchait aussi de limiter les effets de la chute de la famille sur son propre destin tout en temporisant ses relations familiales : envoyer une rente de 30 000 francs au cardinal Fesch, réprimander Lucien pour la parution de son Charlemagne parfois à charge contre Napoléon, tenter de se réconcilier avec Madame Mère en lui envoyant des chevaux. Il en allait autrement pour le nouvel occupant d’Elbe avec qui le contact avait été officiellement coupé : la simple demande d’un cuisinier et d’un tapissier au royaume de Naples avait été refusée et le consul de Naples à Porto-Ferraio avait été rappelé. Murat, lucide sur la surveillance des Autrichiens qui n’attendaient qu’un faux pas de sa part pour revenir sur le traité, fit ainsi démentir dans la presse officielle le 27 août, l’existence de tout rapport secret entretenu avec Elbe. En fait la situation en septembre montre une réelle ambivalence dans les dispositions des Murat : ainsi, le 9 septembre, Napoléon reçut des voeux pour sa fête de la part du roi de Naples mais le 15 septembre Murat confisquait les dotations de Napoléon aux ducs de Reggio, Gaète, Otrante, au comte Régnier et à Alexandre Walewski. Il rétablira la dernière quelques semaines plus tard au passage de Maria Walewska à Naples. Pauline Bonaparte, qui avait fait la navette entre les deux royaumes (cf. Lettre d’info n°722), avait-elle pu servir d’intermédiaire oral entre Napoléon et Murat ? Les Britanniques et les Autrichiens qui surveillaient les deux personnages en étaient convaincus. Il en allait de même pour d’Anglès, le chef de la police de Louis XVIII. Napoléon à Sainte-Hélène niera a posteriori ces relations secrètes que l’historiographie actuelle a désormais étayée : il aurait « dédaign[é] toute communication avec le roi de Naples […]. Partant pour la France, il lui [aurait] écri[t] qu’allant reprendre possession de son trône, il se plaisait à lui déclarer qu’il n’était plus de passé entre eux, qu’il lui pardonnait sa conduite dernière, lui rendait sa bienveillance, lui envoyait quelqu’un pour lui signer la garantie de ses États et lui recommandait, sur toute chose, de se maintenir en bonne intelligence avec les Autrichiens, et de se contenter de les maintenir, dans le cas où ils voudraient marcher sur la France ». Cette présentation des faits rétrospective était évidemment faite dans la connaissance du destin autre qui attendait Murat en 1815

Jérôme Bonaparte

Jérôme Bonaparte, par Antoine-Jean Gros, Château de VersaillesJérôme, ancien roi de Westphalie, avait été contre le départ de Marie-Louise le 29 mars 1814 vers Rambouillet lorsque Paris avait été menacé par les alliés. Il la suivit après la capitulation à contre-cœur et malgré l’ordre de Napoléon de se rendre en Bretagne. Et s’il pousse sa belle-sœur à lutter, il n’oublia cependant pas au passage, d’être prudent : le 8 avril, il se fit payer au titre de ses fonctions pour l’État et remettre un million, sur décision de l’Empereur déchu depuis deux jours, au même titre que Joseph, Louis, Pauline, Élisa et Madame Mère. Jérôme espère en fait le secours de son beau-père et de son beau-frère, les roi et prince royal de Wurtemberg. Son épouse Catherine, restée à Paris, comme lui, depuis Blois, sollicitent en même temps ces derniers pour un asile à Stuttgart mais ils refusent. Le tsar leur fournit cependant un passeport et le plan de l’ancien couple royal de Westphalie est de se rejoindre en Suisse. Catherine de Wurtemberg s’était mise en route depuis plusieurs jours avec leur fortune quand elle se fit dépouiller, le 21 avril par l’aventurier et royaliste comte de Maubreuil, ce qui retarda leur avancée. Malgré le concours du tsar, elle ne recouvra jamais les caisses de bijoux que Jérôme regrettera bien, lui qui souhaitait continuer à mener le train du rang auquel il estimait avoir droit. Ils finirent par se retrouver le 30 avril et, devant le refus persistant de la famille de Catherine à les accueillir (du moins Jérôme), ils acceptèrent l’offre de l’empire d’Autriche de s’installer à Graz, à Eckensberg, à partir de mi-juin. Jérôme nourrissait encore des espoirs politiques et comptait suivre sa soeur Élisa, passée fin juillet chez lui, à Bologne dont il espérait obtenir la légation. Ce fut précisément à cause de ses aspirations que Metternich signifia un refus à Jérôme et lui proposa de s’installer à Trieste, terre autrichienne, où un certain nombre d’émigrés français s’étaient établis. Arrivés là le 20 août, Jérôme et Catherine accueillirent au Palazzo Romano un heureux événement : Jérôme Napoléon Charles, le 24 août. Si son épouse subit une délivrance pénible, Jérôme n’en accoucha pas moins difficilement d’une idée : il ne pouvait rien espérer comme territoire de la part des alliés. Son empressement à rejoindre Napoléon durant les Cent-jours s’en expliquera.

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