Discours de Christian Etrosi, député-maire de Nice, prononcé le 14 juin 2008 pour les 70 ans du Souvenir napoléonien

Auteur(s) : ALEXANDRE Philippe
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Où mieux qu'ici, dans cette demeure chère au coeur de tous les Niçois, pouvait mieux s'unir dans la même ferveur, le souvenir de l'Empereur et du Général Masséna ?

C'est à Nice qu'eut lieu leur rencontre, c'est à partir de Nice que s'est forgées la légende de l'un et la gloire de l'autre.

Oui c'est ici entre mer et montagne que tout commença. Il faut imaginer au début de l'année 1794 un jeune homme qui n'a pas encore 25 ans, remarquable surtout par sa maigreur, son teint olivâtre, ses longs cheveux noirs, son regard de braise.
Ce jeune homme son nom est Napoléon Bonaparte. Un jeune général comme il y en a tant à l'époque issu de la Révolution, enfant de la République.

Buonaparte s'est illustré au siège de Toulon, en récompense, on lui a confié le commandement de l'artillerie de l'Armée d'Italie. Un poste obscur pour une armée sans prestige.

Le jeune général part en campagne dans la vallée de la Roya. Se bat contre l'Armée Piémontaise. Pour la première fois, il exerce ses talents militaires, murit des principes stratégiques qu'il mettra en application dans ses campagnes futures. Déjà il rêve qu'un jour, qui ne saurait tarder, il passera de l'autre côté, au delà du col de Tende, au-delà des montagnes et qu'il fera la conquête de cette « Belle Italie » qui depuis François 1er et la Renaissance fait rêver les Français artistes, poètes et militaires.

Dans l'attente de ce jour, jeune homme désargenté, il loge au n° 1 de la route de Villefranche, aujourd'hui n° 6 de la rue Bonaparte.

Pendant ce temps, André Masséna, enfant de Levens, élevé à Nice, a même derrière lui une carrière de militaire, on lui reconnait sa bravoure, si parfois on lui reproche son fort caractère.

Buonaparte croit en son avenir, Masséna attend que le destin lui fasse un signe.
Le rendez-vous de ces deux personnalités si différentes, et qui vont se compléter durant les années les plus glorieuses de notre histoire, a lieu dans un immeuble modeste de la rue Saint François de Paule.

Buonaparte désormais se fait appeler Bonaparte, il vient d'être nommé Général en Chef de l'Armée d'Italie, il a convoqué les divisionnaires tous  plus âgés que lui, tous redoutables, tous regardant d'un oeil ironique ce gringalet comme ils l'ont surnommé. Il leur parle, expose, son plan de campagne… Tous sont médusés.
Masséna dira : « le petit bougre m'a presque fait peur ».

Le gringalet venait de poser sur lui ce regard qui d'après Cambacérès : « traversait la tête ». Avec cette armée abandonnée par le gouvernement du Directoire, sans nourriture, en guenille, sans chaussure, Bonaparte a le pressentiment, mieux il sait, que non seulement il part à la conquête de l'Italie mais va prouver à l'Europe entière son génie militaire.

Le lendemain de cette entrevue, le Général visite les hommes ou plutôt il traverse leur rang. Ses soldats au ventre creux, du haut de son cheval il les harangue et pour la première fois depuis la Révolution un chef ne les appelle pas citoyens mais soldats ! Que leur dit-il ! Oh, des paroles simples : « Soldats, vous êtes nus, mal nourris ? Je veux vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde. Vous y trouverez Honneur, Gloire et Richesse ».

Ces phrases aujourd'hui historiques, ont résonné par un soir frileux de la fin du mois de mars 1796, non loin d'ici, place de la République aujourd'hui notre belle place Garibaldi.

La campagne d'Italie peut commencer. Napoléon quitte Nice à la tête de 40 000 hommes, avides d'exploits.

Face à eux les Armées Autrichienne et Piémontaise bien vêtues, bien chaussées, bien armées, le ventre plein. Au Directoire, le Général a écrit : « malgré tout nous irons ».

Avant de quitter notre ville Bonaparte écrit une lettre enflammée, une de plus à celle qu'il vient d'épouser, Joséphine restée à Paris. Joséphine qui ne lui répond pas. La campagne d'Italie, c'est aussi une histoire d'amour, d'amour fou. Napoléon remporte victoire sur victoire mais son coeur souffre et se déchire.

Dans le silence de sa chambre de la rue Saint François de Paule, silence que vient troubler la rumeur des vagues, Bonaparte écrit : « je n'ai pas passé un jour sans t'aimer… au milieu des affaires, à la tête des troupes, Joséphine est seule dans mon coeur, occupe mon esprit, absorbe ma pensée ».

Le Général passe à l'offensive le 9 avril 1796.
Le 12 avril, victoire de Montenotte sur les Autrichiens.
Le matin même le Général Berthier écrivait à Masséna : «  Tout nous annonce que cette journée et celle de demain marqueront l'histoire ». Interrogé sur ses aïeux Napoléon répondit : « Ma noblesse date de Montenotte… » Montenotte, mont de la nuit, sur lequel allait se levait un météore qui n'allait cesser d'éblouir le monde pendant 15 ans !
Le 13 avril victoire de Millezzimo sur l'Armée Piémontaise.
Le 15 avril victoire de Dégo sur les Autrichiens.
Dégo où Masséna, à la tête de sa division, charge à la baïonnette en entonnant le chant du départ et la Marseillaise.

Les lignes Autrichiennes sont percées, les Armées Piémontaise et Autrichienne définitivement séparées. Le plan audacieux, téméraire, fou, du « giovinostro » le
garnement comme l'avait surnommé dédaigneusement le feld maréchal Beaulieu a réussi.

Le 28 avril à Cherasco, à une trentaine de kilomètres de Turin, un armistice est signé avec les représentants du Roi de Sardaigne et Piémont.
Le 15 mai, le Général fait son entrée dans Milan en fête. Les hommes aux semelles trouées, le visage couvert de poussière sont acclamés, embrassés par les femmes. Bonaparte dans son costume élimé de Général, pénètre dans les palais princiers : « je voyais le monde fuir sous moi, se souviendra plus tard l'Empereur, comme si j'étais dans les airs. »

L'Aigle s'est envolé. Et ce vol incomparable, unique, a pris son élan sur les rives de la Baie des Anges.    
 

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