Note sur le patronyme et les titres dans la famille Bonaparte

Auteur(s) : LACHNITT Jean-Claude
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Tous les descendants mâles de Charles Buonaparte (1746-1785) et de Letizia Ramolino (1750-1836), portent le nom patronymique de Bonaparte. Jusqu'au mariage, le 6 mars 1796, du général Napoléon Buonaparte avec Marie-Rose Joseph de Tascher de La Pagerie, veuve du général-vicomte Alexandre de Beauharnais, l'orthographe resta Buonaparte.
La dernière lettre de Napoléon signée ainsi est du 21 ventose an IV (11 mars 1796). Celle qui suit, du 4 germinal (24 mars), est signée Bonaparte. À partir de cette date, tous les membres de la famille n'utiliseront plus que cette orthographe, qui sera confirmée par l'état civil.
Aucun acte légal en France n'a apporté depuis, ni sous la Restauration ou la Monarchie de Juillet, ni sous les différentes Républiques, ni sous le Second Empire, aucune modification à ce qui demeure officiellement le nom patronymique de tous les membres de cette famille par les mâles. L'Almanach de Gotha, autorité en la matière, n'a cessé d'indiquer, depuis la chute de l'Empire, en 1870 :  » Maison Bonaparte, ci-devant impériale en France « .

Une exception toutefois, concerne la postérité de Laetizia-Christine Bonaparte (1804-1871), fille et sixième enfant de Lucien (1775-1840), frère du premier empereur, prince romain de Canino et de Musignano par grâce pontificale (1814), prince français et, à titre personnel, Altesse Impériale, aux Cent-jours (1815).
Letizia-Christine a épousé sir Thomas Wyse (1791-1862) et sa descendance porte légalement le nom de Bonaparte-Wyse, par suite d'actes britanniques rédigés après la naissance, en 1822, d'un premier fils, Napoléon-Alfred. Lors du retour en France de cette branche de la famille, sous le Second Empire, bien qu'il eût été dans la logique des règles françaises en la matière, et en admettant la collation des deux noms, de faire précéder le nom de la mère par celui du père, le double patronyme Bonaparte-Wyse, dont l'usage s'était établi, fut tacitement admis, comme le souligne Joseph Valynseele (Le sang des Bonaparte, page 51), sans qu'il y ait eu confirmation officielle, ni infirmation, de la part de Napoléon III.

Une autre exception concerne la postérité américaine de Jérôme Bonaparte (1784-1860), le dernier frère de Napoléon, issue de son premier mariage avec Elisabeth Patterson (1785-1879), déclaré nul en France par décret impérial en 1805, l'époux, mineur au moment de cette union, n'ayant pas demandé le consentement de sa mère, tutrice légale.
Un fils était né en 1805, Jérôme Napoléon Bonaparte-Patterson qui, arrivant à Paris sous le Second Empire, fut d'abord, par décret du 30 août 1854, par la bienveillance de Napoléon III et avec l'accord de son père Jérôme, réintégré dans la qualité de Français et reconnu légitime sous le seul nom de Bonaparte, mais sans titre de prince, puis en 1856, après une vive protestation du prince Napoléon et de la princesse Mathilde, déclaré illégitime par un Conseil de famille, tout en conservant le patronyme de Bonaparte. Napoléon III lui proposa de le créer duc de Sartène mais il refusa, préférant porter, même sans titre, le prestigieux nom de Bonaparte. C'est sous ce nom que son fils aîné, Jérôme-Napoléon (1830-1893), servant alors comme lieutenant-colonel dans la cavalerie impériale, fut admis au Jockey Club, le 6 janvier 1861 (il avait pour parrains le marquis de Noailles et le général-marquis de Forton). La postérité de cette branche est aujourd'hui éteinte dans les mâles.

Sous le Second Empire, en application du Décret organique du 18 décembre 1852, fixant les modalités de l'hérédité dynastique, conformément à l'article 4 du Senatus-consulte du 7 novembre 1852, confirmé le 21 juin 1853 par le  » Statut réglant la condition et les obligations des membres de la Famille Impériale « , se concrétisa la différence entre les membres dynastes de la famille, réduits aux descendants à venir de Napoléon III et, à la suite, à ceux de Jérôme, ex-roi de Westphalie, appartenant seuls à la famille impériale et bénéficiant du prédicat d'Altesse Impériale, et ceux de la descendance de Lucien, non dynastes, membres de la famille (civile) de l'Empereur, portant le titre de prince, sans prédicat, sauf pour ceux ayant rang à la cour nommés, par courtoisie, Altesses.
Inscrit à l'état civil comme Charles Napoléon Louis Bonaparte (1808-1873), le nouvel empereur avait d'abord utilisé usuellement le double prénom de Napoléon-Louis puis, en juillet 1848, en avait inversé l'ordre pour s'appeler Louis-Napoléon. C'est sous ce nom qu'il avait été élu député et, le 10 décembre 1848, président de la République.
La même année, son jeune cousin, Napoléon Joseph Charles Paul Bonaparte (1822-1891), seul fils encore vivant de l'ex-roi de Westphalie (son frère aîné, Jérôme Napoléon Charles, né en 1814, étant décédé en 1847), avait été lui aussi élu député sous le nom de Napoléon Bonaparte.

Au rétablissement de l'Empire, prenant le nom de Napoléon III, l'Empereur signait seulement  » Napoléon « . C'était aussi de ce seul prénom que signait son cousin, devenu héritier présomptif. Pour éviter toute confusion, l'Empereur demanda à ce dernier d'adopter une signature nettement différente de la sienne et le prince choisit de signer  » Napoléon (Jérôme) « . En même temps, pour le distinguer de l'ensemble des autres membres de la famille, non dynastes, et confirmer sa qualité de premier prince du sang, la coutume s'instaura, avec l'accord de l'Empereur, sans toutefois faire l'objet d'un décret, de le désigner sous le titre de Son Altesse Impériale le prince Napoléon. Au fils aîné du souverain était réservé le titre de Prince Impérial, équivalent à celui de Dauphin dans l'ancienne monarchie.
Comme il est de règle dans toutes les Maisons souveraines régnantes, les actes d'état civil concernant les princes et princesses dynastes de la famille impériale ne comportèrent plus jusqu'en 1870, que les prénoms précédés du prédicat d'altesse impériale, à l'exclusion du nom patronymique, mais celui-ci ne fut pas pour autant abandonné. C'est ainsi que le Prince Impérial (1856-1879), dont l'acte de naissance porte seulement les prénoms de Napoléon Eugène Louis Jean Joseph, sera inscrit sur les listes de conscription, pour le tirage au sort de 1878, sous le nom de Bonaparte.
Dépouillés après 1814 de leur qualité de Majesté, deux des frères de l'Empereur avaient adopté dans leur exil, Joseph, ex-roi d'Espagne, le nom de comte de Survilliers (localité dont dépendait son beau domaine de Mortefontaine), Louis, ex-roi de Hollande, celui, dérivé du titre ducal attribué par Louis XVIII à son épouse la reine Hortense, de comte de Saint-Leu.
De même que Jérôme, ayant perdu son trône de Westphalie, avait été titré par son beau-père le roi de Wurtemberg, prince de Monfort, titre qu'il porta malgré lui jusqu'à son retour en France en 1847 (à cette occasion, il se fit seulement annoncer comme :  » le général Bonaparte « ), son fils le prince Napoléon fut titré, après 1870, par son beau-père le roi d'Italie, comte de Moncalieri.
Il est curieux de constater que si Napoléon Ier a distribué de nombreux trônes dans sa parentèle, à aucun moment, ni lui ni Napoléon III n'ont conféré de titres particuliers à des membres de la Famille Bonaparte.
Sous le Second Empire, le prince Napoléon avait parfois utilisé, dans l'incognito, le titre, de courtoisie, de comte de Meudon, comme, après l'Empire, le Prince Impérial, pourtant investi en Espagne du titre de comte de Teba par résignation, en sa faveur, de l'Impératrice (titre dont il ne fera jamais usage), avait voyagé, notamment en Italie en 1876-1877, sous le titre de comte de Pierrefonds.
C'est aussi comme lieutenant de Montfort que S.A.I. le prince Napoléon (1914-1997) fut autorisé par le général de Gaulle, après la Libération, à servir dans l'armée française, par dérogation à la loi d'exil du 22 juin 1886, après avoir servi dans la Légion étrangère sous le nom de Louis Blanchard puis dans la Résistance sous celui de Louis Monnier (il avait été grièvement blessé lors d'un engagement le 28 août 1944).
Durant les années de proscription, entre 1886 et 1950, des chefs des Maisons ayant régné sur la France et de leur héritier, nombre d'actes d'état civil, naissances, mariages, décès, furent rédigés à l'étranger (Belgique : Bruxelles – Italie : Rome, Moncalieri) sur déclarations verbales. C'est ainsi que fut, sans justification légale mais officiellement, substitué Napoléon à Bonaparte (*) comme nom patronymique.
Cette modification, même officialisée, constitue pourtant une erreur historique. Le chef de la Maison impériale devrait porter le nom de Bonaparte, qui n'a jamais cessé d'être celui de sa famille, et le titre de prince Napoléon. C'est d'ailleurs sous cette forme qu'a été annoncé, le 3 mai 1997, le décès de Son Altesse Impériale Louis Jérôme Victor-Emmanuel Léopold Marie Bonaparte prince Napoléon.
La branche non dynaste de la famille Bonaparte, issue de Lucien, est aujourd'hui éteinte dans les mâles.

Notes

(*) Au début du siècle, l'impératrice Eugénie, qui s'en étonnait, répétait volontiers : "...Vraiment, le nom de Bonaparte est assez beau pour qu'on le porte " (cité par Lucien Daudet : Dans l'ombre de l'impératrice Eugénie, Gallimard, Paris, 1935, p.179).
Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
422
Numéro de page :
37-39
Mois de publication :
fév.-mars-avril
Année de publication :
1999
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