Napoléon, aigle ou ogre ? Une exposition au musée de l’Histoire vivante de Montreuil

Auteur(s) : MACÉ Jacques
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Cette exposition s'est tenue du 11 décembre 2004 au 02 décembre 2005, au Musée de l'Histoire vivante (31 bld Théophile Sueur – 93 100 Montreuil, France)
 
Classé Musée de France, le Musée de l'Histoire vivante, géré par une association avec le concours du Conseil général de Seine-Saint-Denis et de la ville de Montreuil, a été fondé dans les années 1930 pour conserver des fonds d'archives privées, des documents et des objets en relation avec l'histoire sociale des 19e et 20e siècles. Il se consacre essentiellement à l'étude de la construction de la mémoire de l'histoire à travers les représentations graphiques, photographiques, cinématographiques, etc., et il organise chaque année une ou deux expositions relatives, habituellement, aux grands moments du mouvement ouvrier ou aux luttes de libération.
Les fondateurs du M.H.V., marqués culturellement par le personnage du général Vendémiaire, du père des institutions républicaines, du vainqueur d'Austerlitz, du visionnaire de Sainte-Hélène, ont aussi rassemblé une importante collection de documents populaires, hagiographiques ou satiriques, sur l'époque napoléonienne, collection restée ignorée du public jusqu'à nos jours. Elle est présentée jusqu'au 2 décembre 2005 dans le cadre d'une exposition intitulée Napoléon, Aigle ou Ogre ? qui, loin des ors des hôtels-musées parisiens, témoigne de l'ampleur de l'actuel phénomène de redécouverte d'une période capitale de notre histoire.
 
Un premier parcours retrace, à travers essentiellement la presse et l'imagerie, la carrière fulgurante du général Bonaparte et du Premier Consul jusqu'au fastes du Sacre. Puis une « galerie des batailles » présente, de Marengo à Waterloo, les gravures populaires qui ont immortalisé ces combats. Il s'agit la plupart du temps des productions de la maison d'édition Vve Chéreau, soit dans leurs versions originales, soit dans les versions Restauration où les mots l'Empereur et Napoléon ont été censurés et remplacés par le général en chef  ! Trois salles évoquent ensuite le drame de Sainte-Hélène, le Retour des Cendres, et la permanence de la Légende à travers les almanachs, les livres scolaires, la vaisselle et la bimbeloterie, jusqu'aux menus objets pour adultes ou enfants commercialisés par la Réunion des Musées nationaux.
 
Mais le coeur, le clou, de l'exposition est constitué par la présentation des caricatures anglaises qui, prémisses de la guerre psychologique, avaient pour but de dresser l'opinion publique contre le Perturbateur de l'Europe. Cet art de la caricature, né à l'occasion de la guerre d'Indépendance des États-Unis, a atteint son plein essor à l'époque des guerres contre la France. Des artistes tels que James Gillray ou George Cruikshand y ont attaché leurs noms, dans des oeuvres féroces et au graphisme d'une étonnante modernité où Bonaparte-Napoléon est représenté en gulliver, singe, enfant gâté, cynique hypocrite, araignée, ogre affamé de conquêtes, . . . Le Napoléon des arts a ainsi , « à l'insu de son plein gré», donné un grand éclat à l'art de la caricature ! Les organisateurs de l'exposition ont eu l'heureuse idée de présenter ces gravures, aux couleurs d'une remarquable fraîcheur, dans des vitrines recréant celles des maisons d'édition, -dont la célèbre maison Humphrey – devant lesquelles les Londoniens s'agglutinaient pour s'esbaudir des prétentions de Bony, s'effrayer de la voracité de l'Ogre de Corse et se persuader de la force invincible de John Bull. Une autre salle présente également  les caricatures allemandes et hollandaises (à partir de 1812) et les caricatures françaises (1814-1815) qui paraissent cependant bien fades, comparées à celles de l'école anglaise.
 
Certains se souviendront qu'une collection analogue, en provenance du Musée d'Arenenberg et de la Fondation Thiers, a été exposée en 1996 au Musée de Malmaison sous le titre L'Anti-Napoléon. Mais l'exposition de Montreuil leur offre l'occasion de revoir ces caricatures dans une scénographie originale et permettra aux autres visiteurs de découvrir des oeuvres de qualité et des satiristes politiques, dont les auteurs du Bêbête Show (de nouveau les comparaisons animalières !) ou des Guignols de l'info peuvent être considérés comme les héritiers sous une autre forme d'expression.

 
 

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