Document > Le traité de paix de Presbourg, 26 décembre 1805

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S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, également animés du désir de mettre fin aux calamités de la guerre, ont résolu de procéder, sans délai, à la conclusion d’un traité de paix définitif, et ont, en conséquence, nommé pour plénipotentiaires, savoir :

S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, M. Charles- Maurice Talleyrand-Périgord, grand chambellan, ministre des Relations Extérieures de Sadite Majesté l’Empereur des Français et Roi d’Italie, grand cordon de la Légion d’Honneur,chevalier des ordres de l’Aigle Rouge et Noir de Prusse ;
Et S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, le Prince Jean de Liechtenstein, prince du Saint Empire Romain, grand-croix de l’ordre militaire de Marie-Thérèse, chambellan, lieutenant général de Sadite Majesté l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, et propriétaire d’un régiment de housards ; et M. le Comte Ignace de Gyulai, commandant de l’ordre militaire, chambellan de Sadite majesté l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, lieutenant général de ses armées, et propriétaire d’un régiment d’infanterie ;
Lesquels après avoir échangé  leurs pleins pouvoirs sont convenus des articles suivants :

Article 1er
Il y aura à compter de ce jour, paix et amitié entre S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, et S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, leur héritier et successeurs, leurs Etats respectifs à perpétuité.

 

Article 2

La France continuera de posséder, en toute propriété et souveraineté, les duchés, principautés, seigneuries et territoires au-delà des Alpes, qui étaient antérieurement au présent traité réunis ou incorporés à l’Empire Français, ou régis par les lois ou les administrations françaises.

Article 3

S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, pour lui, ses héritiers et successeurs, reconnaît les dispositions faites par S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, relativement aux principautés de Lucques et de Piombino.

Article 4

S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche renonce tant pour lui que pour ses héritiers et successeurs, à la parties des Etats de la République de Venise, à lui cédée par les traités de Campoformio et de Lunéville, laquelle sera réunie à perpétuité au royaume d’Italie.

Article 5

S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche reconnaît S.M. l’Empereur comme Roi d’Italie. Mais il est convenu que, conformément à la déclaration faite par S.M. l’Empereur des Français, au moment où il a pris la couronne d’Italie, aussitôt que les puissances nommées dans cette déclaration auront rempli les conditions qui s’y trouvent exprimées, les couronnes de France et d’Italie seront séparées à perpétuité, et ne pourront plus, dans aucun cas, être réunies sur la même tête. S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche s’engage à reconnaître lors de la séparation, le successeur que S.M. l’Empereur des Français se sera donné comme Roi d’Italie.

Article 6

Le présent traité est déclaré commun à Leurs Altesses Sérénissimes les Électeurs de Bavière, de Wurtemberg et de Bade, et à la République Batave, alliés de S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie dans la présente guerre.

Article 7

Les Electeurs de Bavière et de Wurtemberg ayant pris le titre de Roi, sans néanmoins cesser d’appartenir à la Confédération Germanique, S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche les reconnaît en cette qualité.

Article 8

S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, tant pour lui, ses héritiers et successeurs, que pour les princes de sa Maison, leurs héritiers et successeurs respectifs, renonce aux principautés, seigneuries, domaines et territoires ci-après désignés ; cède et abandonne :
– à S.M. le Roi de Bavière, le margraviat de Burgau et ses dépendances, la principauté d’Eichstätt, la partie du territoire de Passau appartenant à S.A.R. l’Electeur de Salzburg, et située entre la Bohême, l’Autriche, le Danube et l’Inn ; le comté de Tyrol, y compris les principautés de Brixen et de Trente ; les sept seigneuries du Voralberg avec leurs enclaves ; le comté de Hohenems, le comté de Konigsegg-Rothenfels, les seigneuries de Tettnang et Argen, et la ville et le territoire de Lindau ;
– à S.M. le Roi de Wurtemberg, les cinq villes du Danube, savoir : Ehinge, Munderkingen, Riedlingen, Mengen et Saulgau, avec leurs dépendances ; le Haut et le Bas Comté de Hohenberg ; le landgraviat de Nellenburg et la préfecture d’Altdorf, avec leurs dépendances (la ville de Constance exceptée) ; la partie du Brisgau faisant enclave dans les possessions wurtembergoises et située à l’est d’une ligne tirée du Schlegelberg jusqu’à la Molbach, et les villes et territoires de Villigen et Bräunlingen ;
– à S.A.S. l’Electeur de Bade, le Brisgau  (à l’exception de l’enclave et des portions séparées ci-dessus désignées), l’Ortenau et leurs dépendances, la ville de Constance et la commanderie de Mainau.
Les principautés, seigneuries, domaines et territoires susdits, seront possédés respectivement par Leurs Majestés les Rois de Bavière et de Wurtemberg et par S.A.S. l’Electeur de Bade, soit en suzeraineté, soit en toute propriété et souveraineté, de la même manière et aux mêmes titres, droits et prérogatives que possédaient S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, ou les princes de sa Maison, et non autrement.

Article 9

S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche reconnaît les dettes contractées par la Maison d’Autriche au profit des particuliers et des établissements publics des pays faisant actuellement partie intégrante de l’Empire français ; et il est convenu que Sa Majesté restera libre de toute obligation par rapport à toutes les dettes quelconques que la Maison d’Autriche aurait contractées, à raison de la  possession, et hypothéquées sur le sol des pays auxquels elle renonce par le présent traité.

Article 10

Les pays de Salzburg et de Berchtesgaden appartenant à S.A.R. et Elect. L’Archiduc Ferdinand, seront incorporés à l’Empire d’Autriche ; et S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche les possèdera en toute propriété et souveraineté, mais à titre de duché seulement.

Article 11

S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, s’engage à obtenir, en faveur de S.A.R. l’Archiduc Ferdinand, Electeur de Salzburg, la cession, par S.M. le Roi de Bavière, de la principauté de Würzburg, telle qu’elle a été donnée à Sadite majesté parle recès de la Députation de l’Empire Germanique, du 25 février 1803 (6 ventôse an XI). Le titre électoral  de S.A.R. sera transféré sur cette principauté, que S.A.R. possèdera en toute propriété et souveraineté, de la même manière et aux mêmes conditions qu’elle possédait l’Electorat de Salzburg. Et quant aux dettes, il est convenu que le nouveau possesseur n’aura à sa charge que les dettes résultant d’emprunts formellement consentis par les Etats du pays ou des dépenses faites pour l’administration effective dudit pays.

Article 12

La dignité de Grand-Maître de l’Ordre Teutonique, les droits, domaines et revenus qui, antérieurement à la présente guerre, dépendait de Mergentheim, chef-lieu de l’Ordre, les autres droits,domaines et revenus qui se trouveront attachés à la Grande-Maîtrise à l’époque de l’échange des ratifications du présent traité, ainsi que les domaines et revenus dont, à cette même époque, ledit Ordre se trouvera en possession , deviendront héréditaires dans la personne et la descendance directe et masculine, par ordre de primogéniture, de celui des princes de la Maison impériale qui sera désigné par S.M. l’empereur d’Allemagne et d’Autriche.
S.M. l’Empereur Napoléon promet  ses bons offices pour faire obtenir, le plus tôt possible, à S.A.R. l’Archiduc Ferdinand, une indemnité pleine et entière en Allemagne.

Article 13

S.M. le Roi de Bavière pourra occuper la ville d’Augsbourg et son territoire, les réunir à ses Etats et les posséder en toute propriété et souveraineté. Pourra également S.M. le Roi de Wurtemberg occuper, réunir à ses Etats et posséder en toute propriété et souveraineté le comté de Bonndorf ; et S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche s’engage à n’y mettre aucune opposition.

Article 14

Leurs majestés les Rois de Bavière et de Wurtemberg, et Son Altesse Sérénissime l’Electeur Bade jouiront, sur les territoires à eux cédés, comme aussi sur leurs anciens Etats, de la plénitude de la souveraineté et de tous les droits qui en dérivent et qui leur ont été garantis par S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, ainsi et de la même manière qu’en jouissent S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche et S.M. le Roi de Prusse sur leurs Etats allemands. S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, soit comme chef de l’empire, soit comme co-Etat, s’engage à ne mettre aucun obstacle à l’exécution des actes qu’ils auraient faits ou pourraient faire en conséquence.

Article 15

S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, tant pour lui, ses héritiers et successeurs, que pour les princes de sa Maison, leurs héritiers et successeurs, renonce à tous droits, soit de souveraineté, soit de suzeraineté, à toutes prétentions quelconques, actuelles ou éventuelles, sur tous les Etats, sans exception, de Leurs Majestés les Rois de Bavière et de Wurtemberg, et de S.A.S. l’Electeur de Bade, et généralement sur tous les Etats, domaines et territoires compris dans les Cercles de Bavière, de Franconie et de Souabe, ainsi qu’à tout titre pris desdits domaines et territoires ; et réciproquement toutes prétentions actuelles ou éventuelles desdits Etats à la charge de la Maison d’Autriche ou de ses princes, sont et demeureront éteintes à perpétuité.
Néanmoins les renonciations contenues au présent articles ne concernent point les propriétés qui sont par l’article 11, ou seront, en vertu de l’article 12 ci-dessus, concédés à LL. AA. RR. les archiducs désignés dans lesdits articles.

Article 16

Les titres domaniaux et archives, les plans et cartes des différents pays, villes et forteresses, cédés par le présent traité, seront remis dans l’espace de trois mois, à dater de l’échange des ratifications, aux puissances qui en auront acquis la propriété.

Article 17

S.M. l’Empereur napoléon garantit l’intégrité de l’Empire d’Autriche dans l’état où il sera en conséquence du présent traité de paix, de même que l’intégrité des possessions des princes de la Maison d’Autriche, désignées dans les articles 11 et 12.

Article 18

Les Hautes Parties Contractantes reconnaissent l’indépendance de la République Helvétique, régie par l’acte de médiation, de même que l’indépendance de la République Batave.

Article 19>

Les prisonniers de guerre faits par la France et ses alliés sur l’Autriche, et par l’Autriche sur la France et ses alliés, et qui n’ont pas été restitués, le seront dans les quarante jours, à dater de l’échange des ratifications du présent traité.

Article 20

Toutes les communications et les relations commerciales seront rétablies entre les deux pays dans l’état où elles étaient avant la guerre.

Article 21

S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche et S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, conserveront entre eux le même cérémonial, quant au rang et aux autres étiquettes, que celui qui a été observé avant la présente guerre.

Article 22

Dans les cinq jours qui suivront l’échange des ratifications du présent traité, la ville de Presbourg et ses environs, à la distance de six lieues, seront évacués. Dix jours après ledit échange, les troupes françaises et alliées de la France auront évacué la Moravie, la Bohême, le Viertel Unterwienerwald, le Viertel Untermanhartsberg, la Hongrie et toute le Styrie.
Dans les dix jours suivants, elles évacueront le Viertel Oberwienerwald et le Viertel Obermanhartsberg.
Enfin dans le délai de deux mois à compter de l’échange des ratifications, les troupes françaises et alliées de la France auront évacué la totalité des Etats héréditaires de S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, à l’exception de la place Braunau, laquelle restera pendant un mois de plus à la disposition de S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, comme lieu de dépôt pour les malades et pour l’artillerie. Il ne sera, pendant ledit mois, fait aux habitants aucune réquisition de quelque nature que ce soit. Mais il est convenu que, jusqu’à l’expiration dudit mois, il ne pourra être stationné ni introduit aucun corps quelconque de troupes autrichiennes dans un arrondissement de six lieues autour de ladite place de Braunau.
Il est pareillement convenu que les magasins laissés par l’armée française dans les lieux qu’elle devra successivement évacuer, resteront à sa disposition, et qu’il sera fait par les Hautes Parties Contractantes un arrangement relatif à toutes les contributions quelconques de guerre précédemment imposées sur les divers Etats héréditaires occupés par l’armée française ;arrangements en conséquence duquel la levée desdites contributions cessera entièrement à compter du jour de l’échange des ratifications. L’armée française tirera son entretien et ses  subsistances de ses propres magasins établis sur les routes qu’elle doit suivre.

Article 23

Immédiatement après l’échange des ratifications du présent traité, des commissaires seront nommés de part et d’autres pour remettre et recevoir, au nom des souverains respectifs, toutes les parties du territoire vénitien, non occupées par les troupes de S.M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie. La ville de Venise, les lagunes et les possessions de terre ferme seront remises dans le délai de quinze jours ; l’Istrie et la Dalmatie vénitiennes, les Bouches de Cattaro, les îles vénitiennes de l’Adriatique, et toutes les places et forts qu’elles renferment, dans le délai de six semaines à compter de l’échange des ratifications.
Les commissaires respectifs veilleront à ce que la séparation de l’artillerie autrichienne soit exactement faite, la première devant rester en totalité au Royaume d’Italie. Ils détermineront, d’un commun accord, l’espèce et la nature des objets qui, appartenant à S.M. l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche devront en conséquence rester à sa disposition. Ils conviendront, soit de la vente au Royaume d’Italie de l’artillerie impériale et des objets susmentionnés, soit de leur échange contre une quantité équivalente d’artillerie ou d’objets de même ou d’autre nature qui seraient laissés par l’armée française dans les États héréditaires. Il sera donné toute facilité et toute assistance aux troupes autrichiennes et aux administrations civiles et militaires, pour retourner dans les États d’Autriche par les voies les plus convenables et les plus sûres, ainsi que pour le transport de l’artillerie impériale, des magasins de terre et de mer, et d’autres objets qui n’auraient pas été compris dans les stipulations, soit de vente, soit d’échange qui pourront être faites.

Article 24

Les ratifications du présent traité seront échangées dans l’espace de huit jours, ou plus tôt si faire se peut.

Fait et signé à Presbourg le 26 décembre 1805 ( 5 nivôse an XIV).
Ch.-Mau. TALLEYRAND.
Jean, Prince de Liechtenstein.
Ignaz, Comte de Gyulai

Article séparé

Il sera payé par l’Empereur d’Allemagne et d’Autriche, pour rachat de toutes les contributions imposées sur les divers Etats héréditaires occupés par l’armée française et non encore perçues, une somme de quarante millions de francs (valeur métallique).
Pour faciliter le paiement de cette somme, S.M. l’Empereur des Français, roi d’Italie, consent à ce que huit millions seulement soient payés au moment de l’échange des ratifications, et à ce que le surplus soit fourni à la même époque en lettres de change acceptées sur les places de Hambourg, Amsterdam, Augsbourg, Francfort-sur-le-Main, Bâle et Paris, reçues comme bonnes et valables par le Payeur général de l’Armée Française ou tel autre que son Exc. Le ministre de la Guerre aura désigné, entre les mains duquel elles devront être réunies et payables  de mois en mois à compter du jour de la remise, à raison de six millions le premier mois, de six millions le deuxième mois, et ensuite de deux millions par mois, jusqu’au parfait paiement.
Le présent article aura la même force et valeur que s’il était inséré mot pour mot dans le traité de ce jour. Il sera ratifié et les ratifications en seront échangées en même temps que celles du traité.

Fait et signé à Presbourg le 26 décembre 1805 ( 5 nivôse an XIV).
Ch.-Mau. TALLEYRAND.
Jean, Prince de LIECHTENSTEIN
Ignaz, Comte de Gyulai.

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