BONAPARTE, Jérôme (1784–1860), roi de Westphalie

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Carrière et titres : contre-amiral (19 septembre 1806), prince français (24 septembre 1806), général de division (14 mars 1807), roi de Westphalie (8 juillet 1807-26  1813), fait prince de Montfort par le roi Frédéric Ier de Wurtemberg (31 juillet 1816), réintégré dans le grade de général de division (11 octobre 1848), gouverneur des Invalides (23 décembre 1848), maréchal de France (1er janvier 1850), sénateur (26 janvier 1852), président du Sénat (28 janvier 1852), prince français (2 décembre 1852), gouverneur honoraire des Invalides (28 décembre 1852).
 
Biographie
Né le 15 novembre 1784 à Ajaccio, le plus jeune frère de Napoléon a à peine plus de trois mois lorsque son père meurt sur le continent. Sa mère est alors plus préoccupée par la survie économique de la famille que de l'éducation de son plus jeune fils, qui vit sa petite enfance dans une certaine insouciance. Puis Napoléon décide de reprendre en main son éducation, le fait entrer chez les oratoriens de Juilly, puis oriente sa carrière militaire vers la marine.

Profitant d'une expédition maritime dans les Antilles, il séjourne aux États-Unis en 1803. Il rencontra Elizabeth Patterson, fille d'un riche négociant de Baltimore, et l'épouse le 24 décembre sans demander l'autorisation à sa mère Letizia (en effet, le nouveau Code Civil exige l'autorisation des parents pour toute union de mineurs de moins de 20 ans). Désapprouvant cette union qui n'entrait pas dans ses desseins politiques, Napoléon somme son jeune frère, en juin 1804, de se séparer de sa femme et de rentrer en France. Jérôme prend le bateau du retour, en compagnie de sa femme enceinte qui ne reçoit jamais l'autorisation de débarquer et erre de Lisbonne à Amsterdam. Abandonnée par un époux quelque peu désinvolte qui préfère se réconcilier, le 6 mai 1805, avec son frère devenu Empereur des Français, Elizabeth Patterson accouche finalement en Angleterre, le 7 juillet 1805, d'un garçon dénommé Jérôme-Napoléon Patterson (1805-1870). De retour aux États-Unis, elle touchera jusqu'en 1814 une pension accordée par Napoléon Ier. Après plusieurs séjours en Europe durant lesquels Jérôme-Napoléon rencontrera la famille impériale, le conseil de famille lui accordera le droit de porter le nom de Bonaparte le 4 juillet 1856, tout en confirmant la nullité du mariage de 1803.

Dans le cadre de sa politique d'alliances, Napoléon marie le 22 août 1807 son frère Jérôme à la princesse Catherine de Wurtemberg, fille de l'électeur et duc Frédéric de Wurtemberg, devenu roi en décembre 1805 (tout comme l'électeur de Bavière) par « décision » de Napoléon (traités de Brünn, signés peu après la bataille d'Austerlitz et peu avant la signature du traité de Presbourg). Frédéric de Wurtemberg est aussi le cousin du roi de Prusse et l'oncle du tsar. Quelques jours plus tôt, le 16 août, Jérôme Bonaparte était devenu à 23 ans roi de Westphalie, bientôt couronné le 8 décembre à Cassel, capitale de son royaume.

Construit de toutes pièces par Napoléon, le royaume de Westphalie comprend les états de Brunswick-Wolfenbuttel, la partie d'Alt-Marck, et celle du pays de Magdebourg (essentiel, avec la forteresse de Magdebourg), qui sont situés sur la rive gauche de l'Elbe ; le territoire de Halle ; le pays d'Hildesheim, et la ville de Goslar ; le pays de Halberstadt ; celui de Hohenstein ; le territoire de Quedlimbourg ; le comté de Mansfeld ; l'Eischfeld avec Trefurth ; Mulhausen ; Nordhausen ; le comté de Stolberg-Wernigerode ; l'état de Hesse-Cassel, avec Riteln et le Schauenbourg, non compris le territoire de Hanau et le Catzenellenbogen sur le Rhin ; le territoire de Corvey ; Goettingen et Grubenhagen, avec les enclaves de Hohenstein et Elbingerode ; l'évêché d'Osnabruck ; l'évêché de Paderborn ; Minden et Ravensberg ; et le comté de Rietber-Kaunitz. Tous ces états sont divisés en huit départements qui sont : l'Elbe (Magdebourg, chef-lieu) ; la Fulde (Cassel, chef-lieu, capitale du royaume) ; le Harz (Heiligenstadt, chef-lieu) la Leine (Goettingue, chef-lieu) ; l'Ocker (Brunswick, chef-lieu) ; la Saale (Halberstadt, chef-lieu) ; la Werra (Marpourg, chef-lieu) ; le Veser (Osnabruck, chef-lieu).
Entouré d'un secrétaire d'État et de quatre ministres, Jérôme va devoir appliquer la politique décidée par son frère aîné, qui encadre également le jeune roi de trois régents chargés de le surveiller. Insouciant, Jérôme mène une vie de plaisirs extrêmement dispendieuse, suscitant l'exaspération chez Napoléon Ier.

En 1809 débute la campagne d'Autriche, le royaume de Westphalie fait l'objet de plusieurs attaques que Jérôme ne sait pas contrer : le duc de Brunswick parvient même à passer une nuit à Cassel sans être inquiété. Chargé de soutenir Junot en Bohême en juillet 1809, Jérôme tergiverse, provoquant la fureur de son frère.
Alors que les finances de l'État connaissent de plus en plus de profondes difficultés, la Westphalie est en proie à une agitation née de l'émergence d'un sentiment « national », opposition que Jérôme ne sait gérer. De plus, Jérôme supporte mal la confiance que Napoléon accorde à Davout, commandant en chef des Armées d'Allemagne. Pendant la campagne de Russie, obligé de demander à Davout de palier les insuffisances de son frère, Napoléon voit ce dernier quitter la Grande Armée et rejoindre Cassel.

Revenu à de « meilleures intentions », inquiet de la pression des troupes russes et autrichiennes autour de son territoire, Jérôme reconstitue une armée. Après avoir été chassé de Cassel par les cosaques de Tchernitchev le 30 septembre 1813, Jérôme parvient à revenir dans la place le 16 octobre, avant de décider de se réfugier en France après avoir appris la défaite de Napoléon à Leipzig.

Après la capitulation de Napoléon, la reine Catherine préfère restée auprès de son époux Jérôme, réfugié en Suisse, plutôt que de céder au chantage de son père le roi de Wurtemberg lui assurant un titre en échange d'une séparation d'avec le roi de Westphalie déchu. Catherine donne alors naissance le 24 août 1814 au premier fils du couple, le prince Jérôme, à Trieste.
Apprenant le retour de son frère de l'Île d'Elbe, Jérôme rejoint Paris puis suit le corps de Reille dans la campagne de Belgique où il s'illustre à deux reprises et notamment lors de la bataille de Waterloo. Après la seconde capitulation de Napoléon, Jérôme accepte la proposition de son beau-père de vivre au château de Göppingen, puis décide avec sa femme Catherine de s'installer de manière plus indépendante en Autriche, à partir d'août 1816, sous le nom de comte et comtesse de Montfort.

A la mort de Napoléon en exil, après plusieurs années d'errance entre l'Autriche et l'Italie (où naissent, à Trieste, leur fille Mathilde, le 27 mai 1820 et leur second fils, le prince Napoléon, le 9 septembre 1822), Jérôme et sa famille s'installent à Rome, auprès de Madame Mère. Puis les agitations du mouvement bonapartiste, auquel participent les fils de Louis, dont le futur Napoléon III, mécontentent les autorités, ce qui oblige Jérôme à installer à Florence.
En 1835, la reine Catherine décède, suivie douze ans plus tard par le fils aîné, Jérôme, alors colonel dans l'armée du roi de Wurtemberg. Un temps fiancé avec son cousin le prince Louis Napoléon, la princesse Mathilde épouse le prince Demidoff, en 1840, mariage qui renfloue les finances du père de la mariée mais qui va se terminer par une séparation ombrageuse arbitrée, en 1847, par le tsar Nicolas Ier. Par ailleurs, le roi Jérôme, qui avait eu nombre de maîtresses tout au long de sa vie, épouse morganatiquement la marquise Giustina Bartholini.

Le roi Jérôme peut revenir en 1847 en France, Louis-Philippe levant l'interdiction qui frappait les membres de la famille Bonaparte. Avec l'élection de son neveu Louis-Napoléon à la présidence de la IIe République, il devient gouverneur des Invalides, puis maréchal de France, et président du Sénat.
 
Il meurt le 24 juin 1860 dans sa propriété de Villegenis, près de Paris, puis est inhumé aux Invalides le 3 juillet.
 
 
Irène Delage, juin 2006

Sources diverses :
– Bernardine Melchior-Bonnet, Jérôme Bonaparte ou l'envers de l'épopée, Librairie académique Perrin, 1979, 404 p.
– André Martinet, Jérôme Napoléon, roide Westphalie, Librairie P. Ollendorff, 1902, 285 p.
Le royaume de Westphalie napoléonien, tentative d'instauration d'un « État-modèle« , article de Xavier Abeberry Magescas

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