On écrit de Suez, le 23 novembre :
Les fêtes données le 18 par le khédive à Ismaïlia, avant le départ
pour Suez, ont présenté le caractère le plus pittoresque. Sur
lespace sablonneux compris entre le rivage du lac de Timsah et
le canal, se trouvaient réunies les députations des tribus arabes
du désert lybique. Les tentes de ces chefs, formées détoffes
multicolores, surmontées de nombreux étendards, étaient à lintérieur
parées de toutes les splendeurs du luxe de lOrient : tapis, cristaux,
armes précieuses y attiraient les regards, et le soir cette décoration
prenait des aspects bizarres à la lueur des lanternes que les
esclaves noirs avaient accrochées aux cordages des tentes.
Les chefs, enveloppés de leurs burnous blancs, entourés de leurs
vassaux et de leurs serviteurs, qui sagitaient confusément à
travers cette cité nomade, apparaissaient parfois au seuil de
leurs demeures ; cependant, à lentour des tentes, circulait une
foule dArabes, de marchands, de voyageurs et de lentes caravanes
de dromadaires traversant les ruelles dun pas mesuré.
Cest aux grands chefs aristocratiques des tribus africaines que
le khédive a demandé une fantasia digne de ses augustes hôtes.
Un millier de cavaliers délite prirent part à cette fête ; ils
avaient revêtu leurs chevaux de leurs selles dorées et couvert
de somptueux harnais leurs plus beaux dromadaires ; pendant deux
heures, ces différents groupes, entremêlés suivant les caprices
calculés de la fantasia, emportés par cette ardeur fébrile de
lArabe qui manie les armes et brandit les étendards de la tribu,
excités encore par le bruit de la mousqueterie, par lenivrement
de la lutte simulée, par le tournoiement des chevaux, offrirent
le spectacle le plus brillant et le plus varié. Le soir, un bal
réunissait avec les princes tous les invités du khédive, et le
lendemain la flottille, observant le même ordre que dans le voyage
de Port-Saïd à Ismaïlia, partait directement pour Suez.
|