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Chalouf
Journal Officiel de l'Empire Français
Mercredi 1er décembre 1869 (n°330 p1535)
Au sortir du lac de Timsah, on rentre dans le canal maritime, et après avoir dépassé Toussoum, le plus ancien campement de la Compagnie dans ces parages, on arrive au Sérapéum, monticule ainsi nommé à cause des vestiges d’un temple de Sérapis, et où a été creusée une des tranchées les plus profondes du parcours. Là est le point de jonction du canal d’eau douce et du canal maritime. On entre ensuite dans les lacs Amers.

Autrefois, l’espace de quarante kilomètres compris dans ces deux lacs n’était qu’une assez forte dépression de terrain imprégné de sel. C’est au mois de février dernier que les eaux de la Méditerranée ont commencé à remplir ce vaste bassin : il n’a pas fallu moins de sept mois pour que les eaux sortant du déversoir du Sérapéum atteignissent le niveau qu’elles occupent aujourd’hui.
Elles forment actuellement deux lacs étendus, qui ont couvert un sol sablonneux et noyé complètement la forêt d’El Amback, qui développait sur plusieurs kilomètres les touffes de ses antiques tamaris. Aujourd’hui la forêt, cachée sous l’eau des lacs, élève encore au-dessus le sommet de ses arbres, et il y a sur le parcours du canal peu d’aussi bizarres effets que ceux de ces cimes noires se dressant comme des plantes marines et couvertes de tous les oiseaux aquatiques familiers des bords du Nil, le flamant surtout et l’ibis, qui vivent dans le voisinage de cette végétation submergée, si près de la mer Rouge par les flots de la Méditerranée.

Au sortir du lac des lacs Amers, on laisse à droite la montagne du Gebel Geneffé, puis le campement de Chalouf, et enfin on aperçoit devant soi une longue ligne bleue se confondant avec l’azur du ciel : c’est l’embouchure du canal, la mer Rouge.