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L'Impératrice
Carnet de bord du capitaine de Surville
Le Pirée, le 11 octobre 1869.
Monsieur l’Amiral Ministre de
la Marine et des Colonies
Paris
Le Pirée, 11 octobre 1869

Monsieur l’Amiral Ministre,




Comme j’ai eu l’honneur de l’annoncer à Votre Excellence par ma dépêche du 7 octobre courant , l’Aigle a quitté, à cette date, le mouillage de Venise, est sorti à midi de la passe de Malamocco et est arrivé au Pirée le 10 octobre.

Pendant les premières heures de cette traversée, le temps a été magnifique ; mais, dès le soir du 7 octobre, le ciel se couvrit de nuages, une fraîche brise de N. E. s’établit et les apparences devinrent telles je dus prévoir un bord et m’empresser de rallier les côtes de la Dalmatie pour y trouver un peu d’abri.

Pendant cette partie du voyage les passagers n’ont pas été sans éprouver les effets d’une mer houleuse. L’Impératrice seule n’a pas souffert. Elle paraissait, au contraire, extrêmement heureuse et satisfaite de se trouver à la mer en semblable circonstance et son goût pour la marine semblait s’en affirmer d’avantage.

Le 9 octobre l’Aigle sortit de l’Adriatique, longeant à très petite distance les îles Ioniennes et arrivait le 10 au cap Matapan où il rencontrait une mer grosse et une forte brise de N. E.

J’ai du craindre un moment d’être obligé de relâcher ; mais, grâce au bon fonctionnement de la machine et des qualités remarquables pour tenir la mer, l’Aigle, sans ralentir notablement sa vitesse, a pu continuer sa route pour Le Pirée où il a mouillé hier soir à 7 heures.

Informé par le télégraphe de l’arrivée de S. M ., le roi s’est empressé de venir dans la soirée même lui présenter ses hommages. S. M. Héllénique est de nouveau venue ce matin à bord du yacht où Elle a été reçue avec les honneurs qui ont été rendus à Venise au Roi Victor Emmanuel.

L’Impératrice s’est rendue à 11 heures à Athènes où elle a reçu le plus sympathique accueil ; Elle a visité les principaux monuments. Elle y retournera pour assister à un dîner qui lui est offert par le Roi.

Suivant les intentions de S. M. l’Aigle partira ce soir à neuf heures pour Constantinople. Les apparences de du temps me font craindre du vent et de la mer.

Je suis, avec le plus profond respect, Monsieur l’Amiral Ministre, Votre très obéissant serviteur.

 

Le commandant de l’Aigle
J. de Surville


P. S. Votre Excellence sera sans doute heureuse d’apprendre que l’Impératrice continue à être très satisfaite de son séjour sur son yacht.
Elle veut bien me le témoigner souvent dans les termes les plus gracieux.