LA PRINCESSE AUGUSTE-AMELIE (1788-1814)
LE TEMPS DES NEGOCIATIONS (1814-1817)
UN EXIL DORE (1817-1824)


La position d'Eugène de Beauharnais à l'époque de la Restauration ne fut guère facile. Outre les antipathies léguées par un passé proche, les gouvernements se devaient d'être attentifs au danger potentiel qu'il représentait. En Bavière, si le roi et le prince Charles, plus jeune frère d'Auguste, le soutenaient sans réserve, le prince héritier Louis, qui avait subi des vexations à Paris sous l'Empire et avait mal accepté la présence française en Allemagne, était fort réticent et ne reviendrait que peu à peu à de meilleurs sentiments. En France, Eugène faisait partie de la légende et, sans qu'il en fût lui-même responsable, il était souvent cité comme un recours possible ; même le tsar Alexandre aurait été disposé à le préférer aux Bourbons. Son premier soin fut d'aller à Paris se présenter à Louis XVIII en tant que Français et s'occuper de sa mère et de sa soeur. Le Tsar les avait placées sous sa protection. Pour s'être attardée dans une promenade avec lui, Joséphine prit froid et mourut presque subitement (29 mai 1814). Un problème de succession privée vint ainsi s'ajouter à ceux que posait déjà l'application du traité de Fontainebleau et de la convention de Mantoue62

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Il crut pouvoir trouver la solution de ces derniers à Vienne, où il passa six mois (29 septembre 1814 - 7 avril 1815) et sut profiter du congrès pour s'introduire dans l'entourage des princes. On le voyait se promener avec le Tsar, fréquenter les meilleurs salons et manifester un entrain parfois mal jugé. En mars 1815, le retour de l'île d'Elbe faillit tout gâcher mais, contrairement à Hortense, il ne se laissa pas compromettre dans une aventure apparaissant, de Vienne, comme sans issue. Tout en soulignant qu'il ne prendrait jamais les armes contre son pays, il résista aux signes qui lui étaient faits et notamment à sa désignation comme pair de France63

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Pendant ce temps l'" établissement convenable " faisait l'objet de multiples suggestions. Deux-Ponts, Berg, Mayence, Trèves, Gênes, les îles Ioniennes, on avait songé à tout sauf à Milan ou Francfort et on s'était arrêté pour finir à la principauté de Ponte-Corvo, ancienne enclave pontificale dans le royaume de Naples que Napoléon avait affectée à Bernadotte avant son départ pour la Suède et que les Bourbons venaient d'occuper. A la suite de longs pourparlers, les Puissances tombèrent d'accord pour autoriser les Napolitains à la conserver moyennant une indemnité de 5 millions de francs à verser au roi de Bavière. Le 15 novembre 1817, celui-ci décerna à Eugène le titre de duc de Leuchtenberg et constitua pour lui en apanage la principauté d'Eichstätt.64


S'agissant de l'ex-Royaume d'Italie, ses biens particuliers avaient été saisis par l'Autriche, mais la convention de Mantoue du 23 avril 1814 lui en avait garanti le retour. L'aide de camp Bataille fut envoyé négocier à Milan. En échange du paiement de 4 millions de francs en 1816-1819, il abandonna les sommes en caisse, les palais ou villas de la maison royale ou de l'apanage princier sis en Lombardo-Vénitie et la plus grande partie de leur contenu. Il fit accepter le principe du remboursement d'une dette du trésor italien envers la liste civile évaluée sous réserve de vérification à plus de 2, 6 millions. Motif pris de ce qu'il fallait ventiler cette somme entre les divers Etats successeurs du Royaume, elle ne fut jamais versée. Toutefois, sous pression autrichienne, l'un de ces Etats, le Saint-Siège, rendit au prince les domaines de Galliera à Bologne et de Chiaravalle à Ancône, dont le premier appartenait en réalité à sa fille aînée. Leur gestion fut placée sous la responsabilité de l'ancien auditeur au Conseil d'Etat italien A. Rè, neveu de Melzi par alliance.65


En France, où Eugène ne revint jamais et où il fut représenté par ses amis Soulange-Bodin puis Darnay, il disposait de La Ferté-Beauharnais et de Navarre, donné à sa mère puis érigé en majorat au bénéfice de son fils aîné66. En Martinique, il avait acquis le domaine de La Pagerie aux Trois-Ilets avec une centaine d'esclaves. Mais il avait surtout hérité, à la mort de l'impératrice Joséphine, de Malmaison, moins un certain nombre de tableaux ou objets d'art attribués à la reine Hortense ou vendus au Tsar et au roi de Bavière. En 1815, Napoléon y avait fait un dernier séjour, accueilli par Hortense mais en réalité hôte d'Eugène (25-29 juin), et les troupes alliées y avaient commis quelques déprédations. Par la suite, la propriété s'était lentement dégradée. Elle devait être dispersée aux enchères en 1828-182967

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