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Entrée du faubourg de Péra
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Revue en l'honneur de l'Impératrice
Carnet de bord du capitaine de Surville
Constantinople, le 19 octobre 1869.
A Son Excellence Monsieur l’Amiral
Ministre de la Marine et des Colonies
Paris
Constantinople, 19 octobre 1869

Monsieur l’Amiral Ministre,




Depuis la dépêche que j’ai eu l’honneur d’adresser à Votre Excellence le 14 de ce mois pour l’informer de l’arrivée de l’Aigle à Constantinople et de la réception pleine d’enthousiasme faite à l’Impératrice, S. M. a visité les principaux monuments de la ville et les sites les plus remarquables du Bosphore.

Le 15, elle a fait avec le Sultan une excursion dans la vallée de Beikos où a eu lieu une revue pour laquelle 25 000 hommes de toutes armes avaient été réunis.

Un dîner offert par S. H. Abdul-Azis a suivi cette revue et, le soir, au retour à Constantinople du yacht ottoman qui portait L.L. M.M. et leurs suites, les deux rives du Bosphore étaient merveilleusement illuminées dans toute leur étendue.

Le 26 octobre, à midi, l’Impératrice a entendu la messe dans l’église arménienne de Péra. Un concours immense de population s’était porté sur son passage et lui a fait comme partout d’ailleurs où Elle s ‘est montrée l’accueil le plus sympathique et le plus chaleureux.

L’Impératrice est descendue, après la messe, à l’ambassade de France pour recevoir les notables de la colonie française.

Dans la soirée du même jour Elle a assisté, au palais de Dolma Bagtché, à un dîner qui lui était offert par le Sultan et auquel tous les membres du corps diplomatique avaient été conviés.

Le gouvernement ottoman a déployé dans toutes les circonstances un luxe tout à fait orientale, pour témoigner du prix qu’il attache à la visite de l’Impératrice, il a fait les instances les plus vives pour obtenir que S.M. retarde d’un jour son départ pour l’Egypte.

Ce n’est donc que ce matin, vers 10 heures, que l’Aigle fera route pour Alexandrie.

Le Forbin appareillera en même temps et escortera le yacht jusqu'à une certaine distance de Constantinople. Suivant les intentions de Votre Excellence, cette corvette se rendra ensuite directement à Alexandrie.

Malgré les fatigues qu’ont pu lui imposer des journées si bien remplies, l’Impératrice continue à jouir d’une santé excellente. Elle paraît, en outre, éprouver une grande satisfaction de son voyage en Orient et ne manque jamais une occasion d’associer l’Etat-major de son yacht aux fêtes données en son honneur.

En ce qui me concerne personnellement, S. M. m’a fait connaître, dès son arrivée à Constantinople, que je devais remplir auprès d’Elle les mêmes fonctions que M. le Général Douay.

J’ai donc eu à quitter momentanément le bord et à m’établir au palais de Beylerbey. J’aurai également l’honneur d’accompagner S. M. pendant son voyage dans la haute Egypte.

Je suis, avec le plus profond respect, Monsieur l’Amiral Ministre, Votre très obéissant serviteur.

Le Capitaine de vaisseau commandant le yacht Impérial l’Aigle
J. de Surville