Le traité de Lunéville

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Conséquence de la victoire du général Moreau à Hohenlinden le 12 frimaire an IX (3 décembre 1800), l’armistice est signé à Steyr, ville située au nord de l’Autriche, le 4 nivôse an IX (25 décembre 1800). Quelques semaines plus tard, un traité de paix est signé à Lunéville entre la France et l’Autriche, le 20 pluviôse an IX (9 février 1801), par Joseph Bonaparte, à la tête de la délégation française chargée de négocier la paix, et le chancelier d’Autriche Cobenzl. Le traité reproduisait celui de Campio-Formio et stipulait le rétablissement de la République cisalpine en Italie. L’Autriche reconnaissait les transformations opérées en Suisse (République helvétique), et en Hollande. Le traité de Lunéville est publié le 24 pluviôse an IX (13 février 1801) dans la Gazette nationale ou Moniteur Universel. Décidée au lendemain de la paix de Lunéville, l’annexion du Piémont devient officielle par le sénatus-consulte du 24 fructidor an X (11 septembre 1802).

Le traité de Lunéville
Gravure anonyme tirée de « Du traité de Lunéville », « Il a tenu parole », collection privée

« SA MAJESTÉ L’EMPEREUR, roi de Hongrie et de Bohême, et le PREMIER CONSUL de la république française, au nom du peuple français, ayant également à coeur de faire cesser les malheurs de la guerre, ont résolu de procéder à la conclusion d’un traité de paix et d’amitié.

« Sadite majesté impériale et royale ne désirant pas moins vivement, de faire participer l’empire germanique aux bienfaits de la paix, et les conjonctures présentes ne laissant pas le temps nécessaire pour que l’empire soit consulté, et puisse intervenir par ses députés dans la négociation, sadite majesté ayant d’ailleurs égard à ce qui a été consenti par la députation de l’empire au précédent congrès de Rastadt, a résolu, à l’exemple de ce qui a eu lieu dans des circonstances semblables, de stipuler au nom du corps germanique.

« En conséquence de quoi, les parties contractantes ont nommé pour leur plénipotentiaire, savoir :
« S.M. impériale et royale, le sieur Louis, comte du Saint-Empire-Romain, de Cobenzl, chevalier de la Toison-d’Or, grand-croix de l’ordre royal de St. Etienne, et de l’ordre de St. Jean de Jérusalem, chambellan, conseiller intime actuel de sadite majesté impériale et royale, son ministre des conférences, et vice-chancellier de cour et d’état.
« Et le premier consul de la république française, au nom du peuple français, le citoyen Joseph Bonaparte, conseiller d’état.

« Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, ont arrêté les articles suivans.

Couverture du livret du traité de Lunéville. Collection privée.
« Du traité de Lunéville » par Félix de Beaujour, collection privée
ARTICLE I

« Art. Ier. Il y aura, à l’avenir et pour toujours paix, amitié et bonne intelligence entre S. M. l’empereur, roi de Hongrie et de Bohême, stipulant tant en son nom qu’en celui de l’empire germanique, et la république française ; s’engageant sadite majesté à faire donner par ledit empire sa ratification en bonne et due forme au présent traité. La plus grande attention sera apportée de part et d’autre, au maintien d’une parfaite harmonie et à prévenir toutes sortes d’hostilités par terre ou par mer, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce puisse être, en s’attachant avec soin à entretenir l’union heureusement rétablie. Il ne sera donné aucun secours et protection, soit directement, soit indirectement, à ceux qui voudraient porter préjudice à l’une ou à l’autre des parties contractantes.

II

« II. La cession des ci-devant provinces belgiques à la république française, stipulée par l’article III du traité de Campo-Formio et renouvellée ici de la manière la plus formelle ; en sorte que S. M. impériale et royale, pour elle et ses successeurs, tant en son nom qu’au nom de l’empire germanique, renonce à tous ses droits et titres aux susdites provinces, lesquelles seront possédées à perpétuité, en toute souveraineté et propriété par la république française, avec tous les biens territoriaux qui en dépendent.
« Sont pareillement cédés à la république française, par sa majesté impériale et royale, et du consetement formel de l’empire :
« 1° Le comté de Falkenstein, avec ses dépendances ;
« 2° Le Fricktal et tout ce qui appartient à la maison d’Autriche sur la rive gauche du Rhin, entre Zurzach et Basle. La république française se réservant de céder ce dernier à la république helvétique.

III

« III. De même, en renouvellement et confirmation de l’article IV du traité de Campo-Formio, S. M. l’empereur et roi possèdera en toute souveraineté et propriété, les pays ci-dessous désignés, savoir :
« L’Istrie, la Dalmatie, et les îles ci-devant vénitiennes de l’Adriatique en dépendantes ; les bouches du Cattaro, la ville de Venise ; les Lagunes, et les pays compris entre les états héréditaires de S. M. l’empereur et roi ; la Mer Adriatique, et l’Adige depuis sa sortie du Tyrol jusqu’à son embouchure dans ladite mer ; le Thalweg de l’Adige servant de ligne de délimitation ; et comme pour cette ligne les villes de Vérone et de Porto-Legnago se trouveront partagées, il sera établi sur le milieu des ponts desdites villes, des ponts-levis qui marqueront la séparation.

IV

« IV. L’article XVIII du traité de Campo-Formio est pareillement renouvellé en cela que S. M. l’empereur et roi s’oblige à céder au duc de Modène, en indemnité des pays que ce prince et ses héritiers avaient en Italie, le Brisgaw, qu’il possèdera aux mêmes conditions que celles en vertu desquelles il possédait le Modenois.

V

« V. Il est en outre convenu que S. A. R. le grand-duc de Toscane, renonce, pour elle et pour ses successeurs et ayant-cause, au grand-duché de Toscane, et à la partie de l’Isle-d’Elbe qui en dépend, ainsi qu’à tous droits et titres résultans de ces droits sur lesdits états, lesquels seront possédés désormais en toute souveraineté et propriété par son altesse royale l’infant duc de Parme. Le grand-duc obtiendra en Allemagne une indemnité pleine et entière de ses états en Italie.
« Le grand-duc disposera à sa volonté des biens et propriétés qu’il possède particulièrement en Toscane, soit par acquisition personnelle, soit par hérédité des acquisitions personnelles de feu S. M. l’empereur Léopold II son père, ou de feu S. M. l’empereur François Ier son aïeul ; il est aussi convenu que les créances, établissements et autres propriétés du grand-duché, aussi bien que les dettes duement hypothéquées sur ce pays, passeront au nouveau grand-duc.

VI

« VI. S. M. l’empereur et roi, tant en son nom qu’en celui de l’empire germanique, consent à ce que la république française possède désormais en toute souveraineté et propriété, les pays et domaines situés à la rive gauche du Rhin et qui fesaient partie de l’empire germanique ; de manière qu’en conformité de ce qui avait été expressément consenti au congrès de Rastadt par la députation de l’empire, et approuvé par l’empereur, le Thalweg du Rhin soit désormais la limite entre la république française et l’empire germanique, savoir, depuis l’endroit où le Rhin quitte le territoire helvétique, jusqu’à celui où il entre dans le territoire batave.
 » En conséquence de quoi, la république française renonce formellement à toute possession quelconque sur la rive droite du Rhin, et consent à restituer à qui il appartient les places de Dusseldorff, Erenbreisthein, Philisbourg, le fort de Cassel, et autres fortifications vis-à-vis de mayence à la rive droite, le fort de Kehl et le Vieux-Brissac, sous la condition expresse que ces deux places et forts continueront à rester dans l’état où ils se trouveront lors de l’évacuation.

VII

« VII. Et comme par suite de la cession que fait l’empire à la république française, plusieurs princes et états de l’empire se trouvent particulièrement dépossédés, en tout ou en partie, tandis que c’est à l’empire germanique collectivement à supporter les pertes résultantes des stipulations du présent traité, il est convenu entre sa majesté l’empereur et roi, tant en son nom qu’au nom de l’empire germanique, et la république française, qu’en conformité des principes formellement établis au congrès de Rastadt, l’empire sera tenu de donner aux princes héréditaires qui se trouvent dépossédés à la rive gauche du Rhin, un dédommagement qui sera pris dans le sein dudit empire, suivant les arrangements qui, qui d’après ces bases, seront ultérieurement déterminées.

VIII

« VIII. Dans tous les pays cédés, acquis ou échangés par le présent traité, il est convenu ainsi qu’il avait été fait par les articles IV et X du traité de Campo-Formio, que ceux auxquels ils appartiendront se chargeront des dettes hypothéquées sur le sol desdits pays ; mais attendu les difficultés qui sont survenues à cet égard sur l’interprétation desdits articles du traité de Campo-Formio, il est expressément entendu que la république française ne prend à sa charge que les dettes résultantes d’emprunts formellement consentis par les états des pays cédés, ou des dépenses faites pour l’administration effective desdits pays.

IX

« IX. Aussitôt après l’échange des ratifications du présent traité, il sera accordé dans tous les pays cédés, acquis ou échangés par ledit traité, à tous les habitans ou propriétaires quelconques, main-levée du séquestre mis sur leurs biens, effets et revenus à cause de la guerre qui a eu lieu. Les parties contractantes s’obligent à acquitter tout ce qu’elles peuvent devoir pour fonds à elles prêtés par lesdits particuliers, ainsi que par les établissements publics desdits pays, et à payer ou rembourser toute rente constituée à leur profit sur chacune d’elles. En conséquence de quoi, il est expressément reconnu que les propriétaires d’actions de la banque de Vienne, devenu français, continueront à jouir du bénéfice de leurs actions, et en toucheront les intérêts échus ou à échoir, nonobstant tout séquestre et toute dérogation, qui seront regardés comme non-avenus, notamment la dérogation résultante de ce que les propriétaires devenus français, n’ont pas fourni les trente et les cent pour cent demandés aux actionnaires de la banque de Vienne par S. M. l’empereur et roi.

X

« X. Les parties contractantes feront également lever tous séquestres qui auraient été mis à cause de la guerre sur les biens, droits et revenus des sujets de S. M. l’empereur ou de l’empire, dans le territoire de la république française, et des citoyens français dans les états de sadite majesté ou de l’empire.

XI

« XI. Le présent traité de paix, notamment les articles VIII, IX, X et XV ci-après, est déclaré commun aux républiques batave, helvétique, cisalpine et ligurienne.
« Les parties contractantes se garantissent mutuellement l’indépendance desdites républiques, et la faculté aux peuples qui les habitent d’adopter telle forme de gouvernement qu’ils jugeront convenable.

XII

« XII. Sa majesté impériale et royale renonce pour elle et ses successeurs, en faveur de la république cisalpine, à tous les droits titres provenant de ses droits, que sa dite majesté pourrait prétendre sur les pays qu’elle possédait avant la guerre, et qui, aux termes de l’art. VIII du traité de Campo-Formio, font maintenant partie de la république cisalpine, laquelle les possèdera en toute souveraineté et propriété, avec tous les biens territoriaux qui en dépendent.

XIII

« XIII. Sa majesté impériale et royale, tant en son nom qu’au nom de l’empire germanique, confirme l’adhésion déjà donnée par le traité de Campo-Formio, à la réunion des ci-devant fiefs impériaux à la république ligurienne, et renonce à tous droits et titres provenant de ces droits sur lesdits fiefs.

XIV

« XIV. Conformément à l’article XI du traité de Campo-Formio, la navigation de l’Adige servant de limite entre les états de sa majesté impériale et royale, et ceux de la république cisalpine, sera libre sans que de part et d’autre on puisse y établir aucun péage, ni tenir aucun bâtiment armé en guerre.

XV

« XV. Tous les prisonniers de guerre faits de part et d’autre, ainsi que les otages enlevés ou donnés pendant la guerre qui n’auront pas encore été restitués, le seront dans quarante jours, à dater de celui de la signature du présent traité.

XVI

> »XVI. Les biens fonciers et personnels non aliénés de S. A. R. l’archiduc Charles, et des héritiers de feue S. A. R. Madame l’archiduchesse Christine, qui sont situés dans les pays cédés à la république française, leur seront restitués, à la charge de les vendre dans l’espace de trois ans.
« Il en sera de même des biens fonciers et personnels que L. A. R. l’archiduc Ferdinand et Madame l’archiduchesse Béatrix son épouse dans le territoire de la république cisalpine.

XVII

« XVII. Les articles XII, XIII, XV, XVI, XVII et XXVII du traité de Campo-Formio, sont particulièrement rappelés pour être exécutés suivant leur forme et teneur, comme s’ils étaient insérés mot à mot dans le présent traité.

XVIII

« XVIII. Les contributions, livraisons, fournitures et prestations quelconques de guerre, cesseront d’avoir lieu, à dater du jour de l’échange des ratifications données au présent traité, d’une part par S. M. l’empereur et par l’empire germanique, d’autre part par la république française.

XIX

« XIX. Le présent traité sera ratifié par sa majesté l’empereur et roi, par l’empire, et par la république française, dans l’espace de trente jours, ou plus tôt si faire se peut ; et il est convenu que les armées des deux puissances resteront dans les positions où elles se trouvent, tant en Allemagne qu’en Italie, jusqu’à ce que lesdites ratifications de l’empereur et roi, de l’empire et de la république française, aient été simultanément échangées à Lunéville, entre les plénipotentiaires  respectifs. »Il est aussi convenu que dix jours après l’échange desdites ratifications, les armées de sa majesté impériale et royale seront rentrées sur ses possessions héréditaires, mais qu’elles seront évacuées, dans le même espace de tems, par les armées françaises, et que 30 jours après ledit échange, les armées françaises auront évacué la totalité du territoire dudit empire. »

« Fait et signé à Lunéville, le 20 pluviôse an 9 de la république française, 9 février 1801.

Louis comte Cobenzl ; Joseph Bonaparte

Lire « Du traité de Lunéville » sur Gallica

 

Médaille à l’effigie de Bonaparte, Premier Consul de la République Française et de la « Paix de Lunéville, le XX Pluviose, An IX » par Andrieu Bertrand, 1801 © BnF Gallica

 

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Février 2002 – Mise à jour : février 2024

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