Cette pièce allemande de 1815 nest ni une caricature ni une gravure satirique. Cest un avis de recherche destiné à retrouver lévadé de lîle dElbe. Ce papier est signé du président du "Tugendbundes in Teutschland" (assemblée dAllemagne), une fiction qui montre à quel point la guerre nationale de 1813-1814 sétait effectivement doublée de revendications politiques nationalistes. Les Allemands avaient dabord cru en lAutriche (1809), puis sétaient finalement tournés vers la Prusse. Accompagné dun portrait, ce placard donne le signalement de Napoléon, "petit de stature", "trapu et de forte structure osseuse" aux "yeux petits, noirs et lançant des éclairs, le nez busqué, une bouche moqueuse, un gros menton, des cheveux noirs et hirsutes", etc. Ce "délinquant"; est aussi appelé Nicolas, ou Père la Violette, ce qui montre que ces noms avaient franchi les frontières de la France. Enfin, il est le fils du diable, idée bien diffusée en Allemagne. Rarement les attaques anti-napoléoniennes atteignirent une telle intensité. LAngleterre avait bien aussi lancé des appels en 1803 (Buonaparte, 48 heures après son débarquement), mais jamais dune aussi intense violence. Cétait là le résultat du travail des intellectuels romantiques et nationalistes, Görres, Arndt, Körner, Rückert. |
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Il sagit dune variante allemande datant de 1813, de la caricature de Gillray représentant Le roi de Brodingnag et Gulliver connue en Allemagne dès sa publication en 1803 dans la revue London und Paris. Ici, le tzar Alexandre Ier observe Napoléon chassé de Russie et devenu minuscule en reprenant le chemin de Paris. Ainsi sexplique lillustration de cette citation latine, devenue proverbiale, tirée de lImitation de Jésus-Christ. Une autre caricature allemande du même type montre un cosaque regardant le petit Napoléon (cf. catal. expo. Hanovre, p. 196, n° 2.5). |
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T. nest autre que François Talma (1763-1826), le célèbre acteur, que Napoléon rencontra en juin 1792 après une représentation, alors quil nétait encore que capitaine dartillerie. Une amitié durable se nouera entre eux, autour des tragédies antiques, mais aussi modernes. On sait combien lEmpereur admirait Corneille. Talma, vu de dos, reprend la pose de Napoléon en Mars pacificateur, sculpté en 1803-1806 par Canova (Londres, Apsley House Bronze à Milan cour de la Brera). Tout se passe en conséquence, comme si le tragédien apprenait à lEmpereur à poser. La caricature va en fait plus loin que ce quelle représente, un Napoléon nain prenant des leçons délégance impériale auprès du tragédien, afin de se rendre digne de ses fonctions. Elle sous-tend tout le théâtre - nous dirions aujourdhui trivialement le cinéma - que fut lEmpire, une vaste entreprise de représentation factice et ridicule, du moins au regard des Royalistes. Certaines caricatures comme la Nouvelle farce qui a été représentée à Paris avec éclat ou La ruine du fabriquant de cire en sont un parfait exemple. |
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-Desalles-Arenenberg, Napoléonmuseum.
Cette caricature connue en plusieurs exemplaires (B.N., Est., Qb 1, août 1815 et T.f.47, pt. f°, p. 7 ; coll. de Vinck ; Paris, Bibliothèque Thiers), date des débuts de la seconde Restauration, peu après Waterloo. Elle fait appel à un jeu de cartes populaire, le nain jaune, où celui-ci tient lieu en quelques sorte de "pouilleux", comme dans cet autre jeu de cartes du même nom. Dans la culture populaire, le nain est assimilé aux forces du mal, aux forces du chaos. Ce sont donc elles qui soutiennent lEmpereur dans cette gravure satirique. Napoléon est ainsi mis une fois de plus en parallèle avec le diable ou logre, dont lidée courrait à la fin de lEmpire. Mais il y a plus. Le Nain Jaune était, de 1814 à 1815, le nom dun journal qui stigmatisait les membres de lAncien Régime revenus en France. Il était donc assimilé par les Royalistes à un soutien à Napoléon. En fait, son fondateur, Cauchois-Lemaire (1789-1861) voulait surtout créer une tribune de liberté et de vérité. Cest pourquoi quand, en 1816, il dut se réfugier en Belgique, il relança son journal en fondant une société dadministration dite des "anti-éteignoirs", opposée à la monarchie, sans être pour autant bonapartiste. |
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-James Gillray-Bonaparte et lEurope vus par Gillray sur le mode de la fable. Telle se présente cette caricature mettant en avant les sentiments sanguinaires du Premier Consul, qui armé dun coutelas et dune hache, est retenu par un personnage qui peut être Talleyrand lex-évêque au chapeau orné dune croix. Plusieurs états européens ont déjà été saignés : lâne suisse, le porc de Hollande, la Prusse captive et engraissée dans sa niche, lAllemagne réduite en sorte de boudin, le menu fretin de Rome placé en cage, il ne reste plus à vaincre que la Russie, dont lours vient narguer Bonaparte à la porte de sa boucherie, et le taureau anglais qui mugit sur son île. Déchaîné, le boucher français ne rêve que de détruire lEurope en faisant couler le sang, comme il a fait couler celui des mamelucks à Jaffa, pour sa seule gloire. |
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Voici lune des caricatures qui a été le plus exploitée en Europe. On connait en effet des exemplaires allemands et italiens de cette gravure dont le prototype, oeuvre de Thomas Rowlandson, parut à Londres le 2 mars 1814 (cf. Grand-Carteret, p. 146, n° 284). Mais en réalité, lidée elle-même provient dun dessin allemand de 1813 : le thème de la poste (courrier, postillon) est en effet très présent dans la culture populaire germanique. (cf. Broadley, 18). Cest dailleurs dans cet esprit que lécrivain romantique et publiciste allemand Joseph Görres lança son Mercure Rhénan en 1814. LEmpereur est représenté revenant de Leipzig après sa défaîte, et sapprêtant à traverser le Rhin à Mayence. Il tient le sceptre de Charlemagne et de sa hotte senvolent différents papiers, cest-à-dire son armée et les pays occupés : Italie, Hollande, Suisse, Pologne, Allemagne, etc. Dans la caricature de Rowlandson, lEmpereur luttait de vitesse avec un lièvre qui a été supprimé dans les variantes étrangères. Lanimal était une allusion à la couardise dont les caricaturistes et pamphlétaires taxaient Napoléon. |
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-Anonyme-La première caricature de cette double planche est la variante italienne du Courrier du Rhin, si célèbre à travers lEurope. La seconde représente Napoléon portant un âne et un bouc. Un fleuve allégorique (linspiration italienne fait souvent référence au grand art) lui demande où il les a trouvé. LEmpereur de répondre : « Lun près de Moscou (lâne), et lautre près de Leipzig (le bouc) ». Ainsi est caractérisé Napoléon : bêtise et diable. |
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Cette dure parodie se présente au premier regard comme une image officielle de Napoléon, sorte de dieu de lumière, dont les rayons sont cependant des baïonnettes. Car tout est inversé. LEmpereur règne sur la guerre, et par là sur la mort dont il tient la faux. A ses pieds rampent des chiens, symboles des ambitieux à son service. Cest sans doute avec cette planche, que linversion voulue par les Royalistes du Napoléon présenté positivement par le régime durant tout lEmpire, atteint sa plénitude. Limage se présente comme un projet de médaille du type de celles gravées par Andrieux par exemple. Mais Napoléon est comparé à Cyrus, le fondateur de lempire achéménide (558-528 av. J.-C.), considéré alors comme un despote oriental. |
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Cette oeuvre célèbre de Gillray représente le roi dAngleterre George III (que les Français caricaturait volontiers sous la forme dun dindon, par allusion au Georges Dandin de Molière) ayant capturé le renard Bonaparte, dans une chasse à courre traditionnelle en Grande-Bretagne. Il le présente à des chiens, les amiraux britanniques : Nelson (1758-1805), Cornwallis (1744-1819), Saint-Vincent (1734-1823), Sydney Smith (1764-1840), qui tous avaient combattu les Français, à Toulon, ou en Egypte. Le cri de Tally-ho ! peut sinterprêter de deux façons : soit il sagit de taïau !, cri des chasseurs lançant les chiens, soit cest une allusion à la capture souhaitée de Talleyrand, que les Anglais surnommaient familièrement Talley ou Tally. Cette caricature fait allusion à la tentative de débarquement de Bonaparte en Angletere en 1803, lors du rassemblement de larmée au Camp de Boulogne. Elle est dautre part le prototype de toutes les caricatures sur le thème de Napoléon renard ou chien, chassé par les armées alliées. Une variante de cette gravure parut le 12 avril 1814. Oeuvre de Rowlandson, elle représente Blücher ayant capturé le renard corse (Grand-Carteret, p. 151, n° 296 ; catal. expo. Boulogne-Billancourt, p. 28-29, n° 35). |
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-Ivan Terebenev-Cette caricature se rapproche des prototypes anglais des années 1803, dans lesquels on voit le roi George III partant à la chasse au renard/Napoléon. Terebenev fait ici allusion à la campagne de Russie : un moujik, le berger, a réussi à capturer le loup/Napoléon, et rappelle les autres bergers, les souverains de lEurope, qui senfuyaient à la vue du fauve. Il clame : « Réjouissez-vous, braves bergers ! Vous nendurerez plus la disparition de vos agneaux ; la bête a été trouvée. Elle ne faisait peur quà ceux qui ne savaient pas la prendre. Mais moi, simplement, comme cela se passait au temps jadis, je lai attrapée, et maintenant je peux le retourner comme je veux ». Nous nous rapprochons là également de la caricature française intitulée Le tyran démasqué. Cette fable mise en image est à mettre en rapport avec les oeuvres dIvan Andreïevitch Krylov (1768-1844), dont les fables, inspirées de La Fontaine, étaient très à la mode en Russie au début du XIXe siècle. Son loup égaré dans un chenil en particulier était une parodie de la guerre qui opposait le général Koutouzov à Napoléon. Terebenev neut ainsi aucun mal à sinspirer de Krylov pour ses caricatures. |
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Enlevé en décembre 1806 par Napoléon et transporté à Paris, le quadrige de la Porte de Brandenbourg à Berlin, oeuvre de Johann Gottfried Schadow (1764-1850), fut récupéré par les Prussiens en 1814. Il devint dès lors le symbole du patriotisme allemand, et fut le sujet de plusieurs caricatures anti-napoléoniennes, glorifiant le nationalisme victorieux par opposition à un malheureux Napoléon tentant de conserver le quadrige en le faisant tirer par de pauvres haridelles (voir aussi catal. expo. Hanovre p. 192, n° 1.8, pl. III et p. 318, n° 3. 124, p.l. XLIII). Le thème de Napoléon voleur fut plusieurs fois abordé par les caricaturistes (cf. Général sans pareil, daprès J.-M. Voltz). Cette oeuvre fut annoncée dans les Berlinischen Nachrichten, au prix de 18 Groschen. |
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-Louis-François Charon-Selon le principe adopté par Charon, cette caricature fait appel à plusieurs idées développées par les anti-bonapartistes : Nicolas, tigre, mort, origines révolutionnaires, etc. Ce fut dans Bonaparte démasqué (1814) que lon trouva pour la première fois lexplication du nom de Nicolas : « Ses véritables prénoms sont Antoine-Nicolas, mais ce nom de Nicolas nétant pas assez distingué, il le métamorphosa en celui de Napoléon », nom quon ne rencontre nulle part. Le plus intéressant dans cette caricature, concerne cependant le sous-titre, pièce féérie, qui rapproche cette oeuvre de plusieurs autres se présentant comme une scène de théâtre ambulant : La ménagerie de la rue impériale, La ruine du fabriquant de cire, Nouvelle farce qui a été représentée à Paris, etc. La caricature se présente donc comme un drame populaire où Napoléon dialogue avec ses deux compagnons de toujours, lAmbition et la Mort. Ainsi, la formule était commune aux pamphlets et aux caricatures. |
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-Jean-Baptiste Gauthier-Le thème du chat ou du tigre fut largement exploité par la caricature. Ici, cest la duplicité de Napoléon, le mensonge de son régime et sa tyrannie qui sont visés, sous une forme très nettement allégorique. La France sidentifie à la Monarchie par son manteau fleurdelisé. Elle ôte le masque humain de lEmpereur. Dessous apparaît un visage de tigre. Plusieurs exemplaires de cette caricature sont répertoriés : Bibliothèque Nationale de France, Bibliothèque Thiers, Bibliothèque Marmottan à Boulogne-Billancourt, musée Carnavalet. |
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Cette caricature est la version française dun prototype allemand dû à Johann-Michael Voltz. Il sagit dune démonstration radicale de lidentification du corps de Napoléon à ses conquêtes et à ses crimes. Découpé par morceaux, la silhouette de lEmpereur contient des objets dart comme lApollon du Belvédère (les vols doeuvres dart), des balots de marchandises, des crânes (les corps des conscrits) et des éléments comme le lacet quil tient, image de la corde avec laquelle se pendit le général Pichegru en 1804. On lit également sur ses doigts le nom du général Moreau, tandis que sur son bras est gravée lexécution du duc dEnghien. Lépée quil porte est assimilée à une comète : le thème du météore satanique fut particulièrement développé en Allemagne à la chute de lEmpire. Ernst-Moritz Arndt, dans ses Chants de guerre (1814) écrivait : « Aux armes ! aux armes ! Tirez l'épée... Vengeance ! Vengeance ! Car Satan est venu, il sest vêtu de chair et de sang, il veut être le maître de la terre ». Cette vision cosmique et apocalyptique, si clairement traduite dans cette caricature, fut reprise durant toute la période romantique. Mais, selon le bord politique, Napoléon fut Apollon/Soleil ou Diable/Moloch. |
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-James Gillray-Cette caricature célèbre a été adaptée et inversée en France en 1815, sous le nom de Four des Alliés ou le Corse près à être cuit (cf. C. Clerc, p. 247, n° 119). Loriginal de Gillray fait référence à la création de la Confédération du Rhin, en 1806, par laquelle Napoléon (qui reste le général Buonaparte pour les Anglais) mettait fin au Saint-Empire Romain Germanique, et créait des royaumes alliés de la France : Würtemberg, Bavière, Saxe, Westphalie. La critique sadresse autant à "lUsurpateur", quaux petits rois de lAllemagne, travaillés et cuits par Napoléon dans son four. |
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