LE ROBINSON DE L’ILE d’ELBE

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-Jacques-Louis-Constant Lecerf-

LE ROBINSON DE L’ILE d’ELBE


La fable animalière.

Arenenberg, Napoleonmuseum.

Inspiré du roman (1719-20) de Daniel Defoë (c.1660-1731), le thème de Robinson Crusöe fut largement exploité par les caricaturistes lors des deux exils de Napoléon. Comme pour le Gulliver de Swift, il s’agit de l’un des rares exemples de grande littérature passés dans la culture populaire. Mais à l’inverse de Gulliver, ce furent les Français qui lancèrent Robinson, que l’on rencontre également en Allemagne (Der neue Robinson, catal. expo. Hanovre, p. 168-169, pl. LVI, n° 6.9). Toutefois, ce nouveau Robinson n’a plus rien du héros civilisateur de l’écrivain anglais. Il a perdu sa peau de chèvre et devenu tigre, il tient une scie de guise de sceptre et de son panier sortent des papiers relatifs à ses crimes : Vincennes (exécution du duc d’Enghien), Jaffa (Bonaparte était censé avoir empoisonné ses soldats ; cf. R. Wilson, History of the british expedition to Egypt, 1803), l’Espagne, où moururent tant de soldats, etc. Dans le fond accourt un Vendredi militarisé.


LE ROI DE BROBDINGNAG ET GULLIVER

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-James Gillray-

LE ROI DE BROBDINGNAG ET GULLIVER


Le nain/Gulliver.

Arenenberg, Napoleonmuseum.

Publiée le 26 juin 1803 chez Humphrey, cette caricature célèbre entre toutes, forme le premier volet du dyptique conçu par Gillray sur le thème de Bonaparte/Gulliver, inspiré du roman de Jonathan Swift (1726). C’est une manière de jouer sur la petitesse de Napoléon, si prisée des caricaturistes et pamphlétaires, et de grossir le roi George III, souverain du pays des géants, Brobdingnag. Le texte anglais prononcé par le roi dit textuellement que Bonaparte est « un des plus pernicieux et un des plus nuisibles reptiles qui rampent à la surface de la terre ».
Une variante allemande de cette caricature est répertoriée : elle représente le tzar Alexandre Ier regardant un minuscule Napoléon dans sa lunette. Là encore, le nanisme de l’Empereur permet de réviser ses prétentions demesurées à la baisse (exemplaire au Napoleonmuseum d’Arenenberg).


LE ROI DE BROBDINGNAG ET GULLIVER

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-James Gillray-

LE ROI DE BROBDINGNAG ET GULLIVER


La tentative de débarquement en Angleterre en 1803-1804.

Malmaison, musée national du château

Publiée chez Humphrey, cette caricature initie une thématique souvent utilisée en Angleterre, mais qui sera reprise en Allemagne (Ein grosser General und ein kleiner Kaiser), celle du petit nain Bonaparte/Napoléon, utilisée aussi par les pamphlétaires. Dans Dix ans d’exil (1821), Mme Staël écrivait : « Il avait des habits d’or et des cheveux plats, une petite taille et une grosse tête ».
S’inspirant de la grande littérature devenue populaire, Gillray, comme d’autres caricaturistes (Ansell ou West, cf. Grand-Carteret, n° 119 et 127) puise dans les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift (1726). L’oeuvre est une allusion à la tentative de débarquement des Français en Angleterre en 1803-1804. Elle montre par opposition la confiance du roi George III dans sa marine, face à la petitesse des efforts français au camp de Boulogne. Cette caricature est le second volet du thème de Gulliver utilisé par Gillray. Dans une précédente caricature, le graveur montrait le roi de Brobdingnag regardant le nain Bonaparte avec une lunette (Grande-Carteret, n° 74, catal. n° 96).


LA JUSTICE ET LA VENGEANCE DIVINE POURSUIVANT LE CRIME

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-Pierre Audouin-

LA JUSTICE ET LA VENGEANCE DIVINE POURSUIVANT LE CRIME


Tableau de Prud'hon au Louvre.

Paris, Bibliothèque Thiers.

Plusieurs exemplaires de cette gravure satirique sont répertoriés à la Bibliothèque Nationale de France et au musée Carnavalet. L’oeuvre reprend et adapte la composition du tableau de Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823) exposé sous ce titre au Salon de 1808 (n° 484, musée du Louvre). La partie droite est la plus transformée. Napoléon contemple une église en feu devant laquelle gisent des soldats morts. Derrière lui, les deux figures allégoriques reprises de la peinture de Prud’hon viennent le punir pour les crimes dont il est le symbole vivant.
Cette oeuvre est l’une des rares, avec Nicolas Philoctète dans l’île d’Elbe et le Jugement Dernier à s’inspirer du grand art.


NICOLAS PHILOCTETE DANS L’ILE D’ELBE

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NICOLAS PHILOCTETE DANS L’ILE D’ELBE


Tableau de Guillon-Lethière au Louvre.

Paris, Bibliothèque Thiers.

Cette caricature de grand style s’inspire directement d’un tableau de Guillaume Guillon-Lethière (1760-1832), Philoctète dans l’île de Lemnos, exposé au Salon de l’an VI (1798), n° 278 (Paris, musée du Louvre). Le sujet en est emprunté à une tragédie de Sophocle. Napoléon abandonné dans l’île d’Elbe est donc mis ici en parallèle avec Philoctète. Le bras dénudé de l’Empereur explique le jeu de mot du sous-titre, « N’a Jamais passé la Manche », allusion au projet de débarquement avorté en Angleterre, en 1803. Cette caricature annonce le thème de Robinson Crusoë qui sera exploité lors de l’exil à Sainte-Hélène.


LE DIABLE L’EMPORTE/SOUHAIT DE LA FRANCE

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-Henri-Dérard Desalles et Fontallard-

LE DIABLE L’EMPORTE/SOUHAIT DE LA FRANCE


Napoléon aux Enfers. Soit Napoléon est identifié au diable, soit il va brûler aux Enfers.

Paris, Bibliothèque Thiers

C’est là l’une des rares caricatures s’inspirant et parodiant le grand art. Les auteurs se sont en effet inspirés de la figure d’Ugolin, telle que Michel-Ange l’a peinte sur la fresque de l’autel de la Chapelle Sixtine, en puisant dans « l’Enfer » de la Divine Comédie de Dante. Ugolin/Napoléon est donc entraîné aux Enfers par un diable, thème très courant à la fin de l’Empire. L’oeuvre prend ainsi une dimension cosmique, puisque l’Empereur fut aussi assimilé à l’Antéchrist ou à l’ange exterminateur annoncé par saint Jean dans l’Apocalypse et éliminé avant la restauration définitive de la foi.

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