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L'armée
du Second Empire

Le camp de Châlons
sous le Second
Empire

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du camp de Châlons

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L'armee du Second Empire





Soldat

Colonel (H.) Henry Dutailly

L'armée du Second Empire !

Pour beaucoup, c'est une série d'images d'Épinal, les uniformes rutilants de la Garde impériale, Mac-Mahon à Malakoff, la ruée des zouaves et de la Légion à Magenta, les revues du camp de Châlons, la charge de Reichshoffen et les dernières cartouches à Bazeilles.

Elles ne représentent que la surface des choses car ces épisodes brillants masquent bien des faiblesses. La médiocrité du haut commandement est connue depuis Sébastopol ; les déficiences de l'organisation éclatent au grand jour en 1870 et la lecture des revues militaires révèle la pauvreté de la pensée et des études.

l'organisation de l'armée

De 1851 à 1870, l'armée vit, pour l'essentiel, sur les structures établies par la Restauration et la Monarchie de Juillet.

Le territoire est partagé en divisions militaires. Les généraux qui les commandent ont bien autorité sur les troupes stationnées dans la division, mais ils ne possèdent pas les moyens de faire manoeuvrer et d'organiser des exercices de cadres. En 1859, la création de corps d'armée par Napoléon III ne modifie en rien cette situation : l'armée française est un conglomérat de régiments. Pour pallier cette carence, il faudrait agir dans trois directions, les états-majors, l'administration de l'armée et l'entraînement des grandes unités. Rien n'est entrepris pour améliorer le premier domaine. Le corps d'état-major se recrute bien parmi l'élite des écoles militaires ; la formation que ses officiers reçoivent leur donne une vaste culture générale et leur permet de rédiger de brillantes synthèses ; elle ne leur apprend pas ce qu'est le travail d'un état-major moderne et, comme les généraux ne sont pas plus savants qu'eux en ce domaine, l'entraînement des grandes unités laisse à désirer.

Vis-à-vis du commandement, l'intendance conserve une indépendance héritée de l'Ancien Régime. De ce fait, elle n'est plus suffisamment associée à la préparation de campagnes le plus souvent improvisées. D'où les difficultés rencontrées en Crimée. D'où la lenteur des opérations en Italie. D'où la pagaille constatée lors de la mobilisation de 1870.

L'entraînement des grandes unités exige des camps de manoeuvre pouvant accueillir plus de dix mille hommes. Il n'en existe pas en 1851. Aussi l'Empereur décide-t-il en 1856 la création du camp de Châlons dont la superficie atteint 10 000 hectares : l'infanterie peut y progresser en liaison avec la cavalerie et avec l'appui à tir réel de l'artillerie. Malheureusement, les manoeuvres s'y réduisent à des exercices de mécanisme qui n'apprennent rien aux généraux, aux colonels et aux états-majors.

La Garde impériale, créée en 1854, forme, après la guerre de Crimée, un corps d'armée composé de deux divisions d'infanterie et d'une division de cavalerie.

Emportés dans le tourbillon de la fête impériale, ses généraux négligent, eux aussi, la préparation des opérations au niveau qui est le leur.

La loi Gouvion Saint-Cyr de 1818 a institué le service de sept ans, le tirage au sort et la possibilité de se faire remplacer. Pour moraliser ce système, une loi de 1855 limite le remplacement à la famille proche et crée l'exonération. Géré à l'échelon national, ce système devrait favoriser les engagements et les rengagements grâce au versement de primes. Après Sadowa, la France découvre soudain qu'elle ne dispose pas de réserves. La loi Niel du 4 février 1868 institutionnalise le service dans la réserve pour tous. Pour les "mauvais numéros", il représente les quatre années qui suivent les cinq ans de service actif. Pour les autres, il s'effectue dans la Garde nationale mobile aux obligations peu contraignantes. Par ce biais, le service militaire devient personnel et universel.

les hommes

Du soldat au maréchal de France, les hommes qui composent l'armée sont des professionnels. Cette affirmation se fonde sur la durée des services. Elle doit cependant être nuancée car l'expérience ne donne pas nécessairement la compétence. Qu'ils soient appelés, engagés ou remplaçants, les soldats sont unis par un esprit de corps très fort. Solidement encadrés par des officiers subalternes qui savent les règlements pratiquement par coeur, ils peuvent mener avec brio toutes les actions de combat dans la défensive et surtout dans l'offensive. De ce fait, tous les régiments sont capables (et ils le font quand l'occasion leur en est donnée) d'accomplir des faits dignes d'entrer dans la légende.

Sauf dans l'artillerie, le génie, l'intendance et le corps d'état-major, plus de deux officiers sur trois sortent du rang. Mais, quelle que soit l'origine de leur recrutement, l'argent constitue un critère de sélection important. Les études secondaires et la pension à Saint-Cyr ou à Polytechnique coûtent cher. L'équipement d'un officier d'infanterie correspond à quatre mois de la solde de sous-lieutenant. Celle-ci, inférieure au salaire des ouvriers parisiens les mieux payés, permet de "tenir son rang" chichement. Elle ne permet pas de vivre sans apport extérieur quand le sous-lieutenant est marié.

Ces difficultés matérielles ne doivent pas faire oublier que l'armée constitue un moyen de promotion sociale pour les soldats qui servent hors de France. L'exemple le plus remarquable est donné par le général Collineau qui était le fils d'un artisan trop pauvre pour payer un remplaçant lorsque son fils tira un mauvais numéro.

Jusqu'au grade de commandant, l'inspection générale annuelle juge l'aptitude des officiers à administrer et à faire manoeuvrer une unité de leur grade. En temps de paix, les généraux inspecteurs demandent seulement aux lieutenants-colonels et aux colonels de présenter un corps bien tenu, d'y maintenir la discipline et de l'administrer correctement ; aucune structure ne permet d'estimer leur capacité à commander au combat. En temps de guerre, les commandants de brigade et de division exigent d'eux de la présence, du coup d'oeil et de l'esprit de décision. Tout se passe comme si l'expérience tactique d'un chef de bataillon ou d'un chef d'escadrons suffisait pour mener un régiment au feu.

A ce niveau et à plus forte raison au niveau supérieur, les officiers peuvent être considérés, dans la plupart des cas, comme des tacticiens amateurs, même s'ils sont très "militaires". Le maréchal de Castellane représente l'exemple le plus accompli de ces généraux plus intéressés par l'application des règlements que par les études tactiques.

Après la défaite de l'Autriche en 1866, quelques personnalités comme les généraux Ducrot et Trochu font entendre leur voix pour suggérer des réformes ; ils sont trop isolés pour imposer leurs vues à toute l'armée.

études et matériels

Cette ambiance engendre une situation paradoxale. En apparence, l'armée s'intéresse aux études sur les problèmes tactiques et techniques qui la concernent. Deux revues, le Journal des Sciences militaires et le Spectateur militaire sont éditées. Les bibliothèques de régiment s'approvisionnent en livres nouveaux et des officiers possèdent une bibliothèque de travail qui ne se limite pas aux règlements.

En fait, les études et les réflexions sur le combat et sur les armements perdent de leur pouvoir novateur. De 1855 à 1866, les revues publient un grand nombre d'articles étrangers. Les bibliothèques personnelles sont souvent partagées entre des souvenirs de campagnes, des études sur l'Algérie et des livres d'auteurs étrangers tels que Dufour ou Jomini.

Le réveil se produit en 1866. Les conférences de garnison sont réactivées, au moins à Paris. La réflexion tactique est alors illustrée par trois auteurs. Le général Trochu publie son ouvrage anonyme L'armée française en 1867. Le colonel Lewal rédige alors ses premières études ; elles révèlent un esprit d'analyse très développé et un extrême souci de concret. Le colonel Ardant du Picq publie à compte d'auteur la première partie de ses études sur le combat et entreprend une enquête sur le combat futur qui ne sera publiée qu'après sa mort à Metz en 1870.

Cette atonie intellectuelle est, sans doute, responsable de la lenteur avec laquelle l'armement se modernise. Certes, l'infanterie est bien dotée en 1866 d'un fusil se chargeant par la culasse, le "chassepot", qui lui donne la supériorité de feu sur l'armée prussienne. Mais l'artillerie demeure fidèle aux canons de bronze se chargeant par la bouche. Peut-être aussi ne pouvait-on pas, pour des raisons budgétaires, moderniser simultanément l'armement de l'infanterie et celui de l'artillerie !

Cette question est posée par l'accélération du progrès technique. Elle en appelle trois autres qui concluront cette présentation de l'armée du Second Empire :

  • Des interventions extérieures quasi-permanentes (Algérie, Rome et l'Italie, Crimée, Syrie, Italie, Chine et Cochinchine, Mexique) laissent-elles le loisir de se préparer contre la menace principale sur le Rhin ?
  • L'amateurisme du commandement et l'indépendance de l'intendance vis-à-vis de celui-ci n'expriment-ils pas une volonté politique de mieux contrôler l'armée ?
  • Par conséquent, l'impéritie de 1870 n'était-elle pas la conséquence indirecte des coups d'état des Bonaparte ?
[Une promenade photographique au camp de Châlons]

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