Le 30 août 1857 marque un double événement. Evénement militaire avec l'inauguration d'un grand camp de manoeuvres que l'armée française attendait depuis longtemps, événement photographique avec un reportage officiel commandé par l'empereur Napoléon III au photographe Gustave Le Gray et au peintre Bénédict Masson :

" Ces messieurs ont l'insigne honneur de loger au quartier impérial, où tout a été disposé pour leur parfaite installation.

"J'ai entendu dire que S. M. avait chargé ces messieurs de reproduire, par la photographie, les principales scènes militaires dont le Camp aura été le théâtre, en y joignant une vue panoramique du Camp, des scènes pittoresques empruntées à chacun des campements de la Garde, et les portraits des officiers généraux et supérieurs, français et étrangers, qui auront séjourné au Camp de Châlons, soit comme commandants, soit comme hôtes de l'Empereur".

" Cette collection de photographies formera un magnifique album dont l'Empereur fera, dit-on, présent à plusieurs officiers généraux"

Le musée de l'Armée possède deux albums du camp de Châlons, les albums Lepic et Morris du nom de leurs destinataires, autour desquels l'exposition est organisée.

Le camp de Châlons

Situé au coeur de la Champagne "pouilleuse", à quinze kilomètres au nord de Châlons-en-Champagne, le camp est créé en 1856 par Napoléon III pour l'entraînement de ses armées. Sa superficie est de 10 000 hectares et son périmètre dépasse les quarante kilomètres.

Il est desservi à partir du 15 septembre 1857 par une voie de chemin de fer qui le relie à la ligne Paris-Strasbourg.

La voie romaine de Reims à Bar-le-Duc le traverse de part en part.

Il accueille 20 000 hommes en 1857, qui sont tous logés sous la tente.

Resté en activité tout au long du Second Empire, le camp est délaissé pendant quelques années après la guerre franco-allemande de 1870-1871, et réinvesti par l'armée de la Troisième République.

Il fonctionne encore aujourd'hui, sous le nom de camp de Mourmelon.

Gustave Le Gray (1820-1884)

Les photographies de Le Gray au camp de Châlons montrent la vie du camp en 1857, les prestigieux régiments de la Garde impériale, les plus pittoresques aussi, tels ces zouaves dont la popularité est immense sous le Second Empire et qui se prêtent volontiers à la mise en scène devant l'objectif. Le Gray les photographie dans une série de tableaux qui racontent leur vie quotidienne au camp.

La technique du flash n'étant pas encore au point, le peintre Bénédict Masson prend le relais pour les scènes nocturnes et réalise des dessins qui sont ensuite photographiés et joints dans les albums aux épreuves de Le Gray.

Les albums du camp de Châlons

A l'occasion de l'exposition, une quinzaine d'albums - sur une trentaine à l'origine probablement - ont été repérés et étudiés, qui sont conservés dans des collections publiques et privées à travers le monde.

L'étude fait apparaître que l'on peut les regrouper en deux séries de "grands" et de "petits albums", les premiers destinés à des officiers et personnalités particulièrement importants ou proches de l'Empereur, et qui seuls contiennent une galerie d'une vingtaine de portraits d'officiers présents au camp en 1857, ainsi qu'un panorama des cantonnements.

Le musée de l'Armée conserve un "petit album", destiné au général Morris (1803-1867), commandant la division de cavalerie de la Garde impériale, et un album atypique, l'album Lepic, réalisé sans doute une dizaine d'années plus tard pour le colonel, devenu général (1865), Jacques Auguste Félix Lepic (1812-1868), officier d'ordonnance de l'Empereur et commandant du quartier général impérial au camp de Châlons en 1857. Les épreuves de cet album sont d'une grande qualité.

Frédéric Lacaille et Florence Le Corre,
commissaires de l'exposition